Liber Studiorum (« Livre des Études ») est une collection d'estampes de Joseph Mallord William Turner et Charles Turner. Elle est composée de 72 estampes réalisées entre 1807 et 1819. J. M. W. Turner recherche une classification de la peinture de paysage qui influencera de nombreux artistes de paysages.

Liber Studiorum
Little Devil's Bridge over the Russ, above Altdorft, Swiss-d, tirée du Liber Studiorum, partie IV. Cet exemplaire, gravé par Charles Turner, est conservé au Metropolitan Museum of Art
Artiste
Date
Type
Recueil d'estampes
Technique

Technique

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Turner réalise entre 1807 et 1819[1] — entre les premières gravures et les dernières impressions[2] — 72 gravures à l'eau-forte réparties en 14 parties, que ses collaborateurs peaufinent en manière noire[3],[N 2]. Les dessins originaux, faits en sépia à partir de ses dessins et aquarelles[5],[6], sont conservés à la National Gallery[7]. Dans Les Maîtres du paysage, Émile Michel évoque l'influence du Lorrain et fait l'analyse suivante :

« Bien que dans un grand nombre de ces eaux-fortes non seulement l'influence, mais l'imitation de son illustre prédécesseur soient évidentes, l'ensemble dénote cependant une originalité positive, en même temps que de rares qualités dans le rendu des divers éléments pittoresques du paysage. À l'aide d'un simple trait plus ou moins accentué et grâce à des simplifications intelligentes, Turner excelle à exprimer à peu de frais la physionomie d'un site déterminé. La structure des terrains, le port et le feuillé des différentes essences d'arbres et l'effet général lui-même sont nettement définis, et, malgré l'extrême sobriété des moynes, l'aspect général donne une juste impression des localités ainsi représentées[8]. »

Dans les Mémoires de la Section des lettres, un membre de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier rapporte avoir tenu l'ouvrage entre ses mains, et s'il ne parle que de 66 planches, il fait l'analyse technique suivante :

« manifeste une faculté rare de traiter, par les moyens les plus variés, toute espèce de sujets en rapport avec le paysage, tels que marines, intérieurs, rochers désolés, glaciers, scènes terribles d'orage, aspects riants de bosquets, etc. La science du clair-obscur se manifeste dans tous ces sujets d'une manière frappante [...] [ces œuvres] n'arrivent pas, pour la grandeur de style ni pour le caractère idéal de la composition, à la hauteur des sujets empruntés à Claude Lorrain et à notre jeune contemporain Th. Rousseau[9]. »

 
Near Blair Athol, Scotland, tirée du Liber Studiorum, partie VI. Cette version est conservée au Metropolitan Museum of Art

Analyse

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Le Liber Studiorum (« Livre d'Étude »), que Turner exécute au retour de son premier voyage[10], s'inspire largement du Liber Veritatis (« Livre de la Vérité ») du Lorrain[7], à qui Turner vouait un culte, mais aussi pour des raisons financières[4].

Ce recueil de 72 estampes est une expression des intentions de Turner pour la peinture de paysage : il s'attache à établir une catégorisation de la peinture de paysage[1] en six sous-genres : Marine, Montagne, Pastorale, Historique, Architecturale et Pastorale épique[11]. Malgré le nom du recueil, « ce ne sont pas des études, mais, comme dans le livre de Claude, des compositions gravées en partie par lui-même, en partie par un graveur en mezzotinte travaillant sous l’œil du peintre. Cette attirance vers l'humanisme latin est un trait distinctif de quelques-uns des plus grands esprits de l'Angleterre[12]. » Cette recherche dans l'étude des paysages influencera de nombreux artistes du genre[13]

Ses œuvres sont accompagnées de citations de l'œuvre épique de Thomson[Qui ?] ou, après, 1813, de son propre poème inachevé, The Fallacies of Hope (« les Leurres de l'espérance »)[1].

Liber Studiorum est un succès commercial, mais Turner ne souhaite pas exploiter davantage ce format[4]. À la suite de l'impression originale, l'artiste de la fin du XIXe siècle et début du XXe siècle Frank Short réalise des réimpressions réussies des plaques, malgré quelques détails perdus dans le processus[7].

À la mort de Turner, ses œuvres sont vendues aux enchères, et certains exemplaires de Liber Studiorum « furent disputés jusqu'à 125 000 francs[14] ».

Un musée est consacré à l'œuvre gravé de Turner, le Turner Center for the Arts à Sarasota en Floride, fondé en 1974[15]. D'autres collections d'estampes sont conservées à la Tate Gallery, au Metropolitan Museum of Art et à l'Art Institute of Chicago.

Notes et références

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Notes
  1. A noter que Charles Turner n'avait, contrairement à ce qui est affirmé dans le Bénézit, aucun lien de parenté avec J. M. W. Turner.
  2. Le Bénézit rapporte une anecdote sur la relation entre Turner et ses graveurs : « [L'avarice de Turner] lui joua de mauvais tours. Il avait engagé plusieurs graveurs, parmi lesquels son frère Charles, artiste de beaucoup de talent[N 1]. Turner exigeait une exécution parfaite, mais quand il s'agissait de régler le prix des travaux, il oubliait systématiquement les promesses de gratifications prodiguées pour stimuler le zèle des artistes. De violentes discussions éclatèrent à ce sujet entre les deux frères. Ils finirent par se brouiller irrémédiablement par suite d'une autre forme de l'horreur qu'éprouvait le grand peintre à payer quoi que ce fut. Dans un but d'économie, et surtout pour éviter qu'on lui dérobât des épreuves, il avait engagé des ouvriers imprimeurs, des brocheuses, qu'il faisait travailler chez lui. » Il aurait aussi découvert qu'on vendait à très bas prix l'une des gravures du Liber Studiorum, exécutée par son frère, qu'il prit pour responsable ; mais c'est après la grave dispute qui s'ensuivit que l'on découvrit qu'il s'agissait d'« une brocheuse qui, n'étant pas payée de son salaire hebdomadaire, avait pris un paquet d'épreuves et l'avait pour ainsi dit vendu au poids du papier[4]. »
Références
  1. a b et c « Turner, Joseph Mallord William », dans Michel Laclotte et Jean-Pierre Cuzin, Dictionnaire de la peinture, Paris, Larousse, (lire en ligne), p. 869.
  2. Smiles 2006, p. 55.
  3. Smiles 2006, p. 73.
  4. a b et c Emmanuel Bénézit, Vie et l'œuvre des grands peintres anciens et modernes, (lire en ligne), p. 204.
  5. « Détail d'une vente comprenant 4 estampes du Liber Studiorum », sur INHA (consulté le ).
  6. Armand Dayot, La peinture anglaise : de ses origines à nos jours, Paris, L. Laveur, (lire en ligne), p. 160.
  7. a b et c (en) « Turner's Liber Studiorum », Bulletin of the Art Institute of Chicago (1907-1951), vol. 5, no 1,‎ , p. 5-7 (DOI 10.2307/4116953, JSTOR 4116953).
  8. Émile Michel, Les Maîtres du paysage, Paris, Hachette, (lire en ligne), p. 320.
  9. Académie des sciences et lettres de Montpellier, Mémoires de la Section des lettres, Montpellier, Boehm, Delord-Boehm et Martial, Imprimerie du Midi, (lire en ligne), p. 168-169.
  10. Armand Dayot, « La peinture anglaise », L'Art et les artistes : revue mensuelle d'art ancien et moderne, Paris,‎ , p. 118 (lire en ligne).
  11. (en) Matthew Imms, « J.M.W. Turner: Sketchbooks, Drawings and Watercolours », sur Tate Gallery, (consulté le ).
  12. Léonce de Grandmaison, Études : publiées par des Pères de la Compagnie de Jésus, Paris, V. Retaux, (lire en ligne), p. 593-594.
  13. (en) Linda Hults, The Print in the Western World : An Introductory History, Madison, Wisconsin, The University of Wisconsin Press, , 948 p. (ISBN 978-0-299-13700-7), p. 522.
  14. Emmanuel Bénézit, Vie et l'œuvre des grands peintres anciens et modernes, (lire en ligne), p. 206.
  15. (en) « Site officiel du Turner Museum », sur The Turner Museum and Thomas Moran Galleries (consulté le ).

Annexes

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Bibliographie

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Réédition
  • (en) J.M.W.Turner, Liber studiorum reproduced in facsimile by the autotype process, Londres, Sotheran anc C°, 1899, 2 vol. in-4°

Liens externes

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