Les Sauvages (musique)

pièce de musique de Jean-Philippe Rameau

Les Sauvages est une pièce de musique baroque pour clavecin[2], composée en 1727 par Jean-Philippe Rameau (1683-1764). Ce rondeau baroque, chef-d'œuvre du répertoire lyrique français est rendu célèbre par son orchestration pour deux tableaux de la 4e entrée finale de son opéra-ballet Les Indes galantes de 1736[3] (la chaconne « Danse du Grand Calumet de la Paix » et le duo et chœur « Forêts paisibles », sur des paroles et livret de Louis Fuzelier[3]).

Les Sauvages
Œuvres musicales de Rameau
Image illustrative de l’article Les Sauvages (musique)
Jean-Philippe Rameau et son clavecin en 1760,
au musée Condé du château de Chantilly

Genre Musique classique, opéra-ballet lyrique, musique baroque
Nb. de mouvements 4e entrée finale de l'opéra-ballet Les Indes galantes de 1736
Musique Jean-Philippe Rameau
Livret Louis Fuzelier
Langue originale Français
Chorégraphie Opéra-ballet, rondeau baroque, chaconne
Effectif Clavecin, orchestre symphonique et chœur
Durée approximative min 45 s
Dates de composition 1727
Création 10 mars 1736[1]
Académie royale de musique de Paris (actuel Opéra de Paris)

Genèse de l'œuvre

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Le tamtam des Iroquois

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Le sinon un des jours suivants[4], Jean-Philippe Rameau, qui, la quarantaine passée, doit encore se contenter de composer pour des animateurs de foires, assiste[5] à un spectacle donné à la Comédie italienne[6], en l'hôtel de Bourgogne de Paris, par deux Iroquois[4] venus de Louisiane[6].

Trois tableaux sont présentés, la danse du calumet de la paix, la danse de la guerre et la danse de la victoire. Au cours de celle-ci, un guerrier, coiffé, armé d’un arc et d’un carquois garni de flèches, mime le pistage d'un ennemi, pendant que son compagnon, assis en tailleur, rythme la scène en frappant de ses mains « du tambour ou espece de timballe pas plus gros que la forme d'un chapeau »[6].

Le spectacle connait un grand succès[4], même si le public ne comprend rien aux paroles chantées[4] et peine à imaginer les situations évoquées[6]. La Comédie italienne, voyant sa recette augmenter considérablement, organise plusieurs représentations sous le titre « Danse de deux »[4].

L'ambassade des « Sauvages de Missicipi »

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Presque simultanément, à moins d'une semaine d'écart, un événement va donner une ampleur considérable à l'intérêt des Parisiens pour les Indiens d'Amérique, la visite officielle de quatre personnalités Illiniwek représentant les différents peuples du Pays des Illinois. Elles ont fait une désastreuse[7] traversée depuis l'Île Dauphine dans le cadre d'une ambassade organisée à La Nouvelle-Orléans sur ordre de la Compagnie des Indes par le commandant Étienne Veniard[8].

 
Affiche de l'opéra-ballet Les Indes galantes de 1736, bibliothèque nationale de France de Paris

Ces ambassadeurs, élus un an plus tôt, le [9], lors d'une assemblée qui s'est tenue à Fort Orléans en présence de l'Onontio Pierre Dugué de Boisbriant[9] et du commandant de la Haute de Louisiane Claude Charles du Tisné[10], sont les chefs Chicagou, qui sera malade durant tout son séjour[11], Mensperé, Boganienhin, alias Boganiouhim, et Aguiguida[12]. Seul le premier est baptisé[11]. Accompagnés par un nommé Pilate, un de leurs esclaves arraché à la nation vaincue des Atanana, ils sont arrivés à Paris le 22 septembre[12]. Pour la Ferme d'Occident, il s'agit de faire connaître la France et sa civilisation à leurs nations respectives, les Metchigamias, qui se sont confédérés aux Illinois algonquins, les Missouris, les Osages et les Otoptatas. Mamantouensa, Grand Soleil des Illinois, voulait être du voyage mais a été retenu à Kaskaskia, sa capitale, par la guerre contre les Mesquakies[13]. Dix-sept autres délégués[12] ont renoncé à la suite d'un naufrage[8] au cours duquel l'un d'eux périt[14]. Est en revanche présente Ignon Ouaconisen[12]. Surnommée la Princesse des Missouris, elle est la fille du cacique et avait pris ce titre en épousant, non chrétiennement, le coureur des bois Étienne Veniard[15]. Elle vient prendre le baptême à Notre-Dame[15].

Avant de partir pour Fontainebleau[6], le 22 novembre[16], où ils revêtiront leurs tenues traditionnelles pour être présentés par le premier ministre Louis Henri de Bourbon au jeune Onontio Goa Louis XV, c'est-à-dire presque nus et peints[11], les « Sauvages », comme les appellent les Parisiens peut-être avec quelqu'envie, visitent la capitale, le Louvre[17], Versailles, Marly[18]. Ils sont dégoûtés par les petits maîtres qui racolent aux Tuileries[19] mais fascinés par les cuisines des Invalides[11], l'abondance des viandes de la Grande Boucherie, les marionnettes du Pont-Neuf[20]. À l'Opéra, ils en redemandent[18].

Deux suites modernes pour clavecin

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Deux ans plus tard[5], l'ostinato entendu en septembre 1725 durant la Danse de deux, long, bref, bref, long, bref, bref, inspire à Rameau un rondeau, Les Sauvages, qui est publié en 1728 dans les Nouvelles Suites de Pièces de Clavecin. Cette variation compose le sixième mouvement de la suite en sol. Elle est caractéristique de cette recherche de « résonance »[21] qui s'entend dans les « clangs (en) » de Rameau, où, comme dans le hoquet, les silences, accentuent, par contraste, l'effet de la mélodie.

Le compositeur conserve également les souvenirs de l'ambassade du Mississippi, souvenirs dont ils se servira pour compléter son second opéra-ballet Les Indes galantes quand celui ci fera face à l'insuccès.

La réponse aux Barbares « habitant les bords de la Seine »

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Le , Les Indes galantes sont créées au Palais-Royal par l'Académie royale de musique. Si la grâce de la ballerine Marie Sallé est louée par la critique, le spectacle est un four. Le public, aristocratique, se veut raffiné et ne goûte pas l'excentricité ni l'excès. La musique est jugée trop « italienne » et les paroles trop proches de la langue du peuple. Les lullistes les plus conservateurs dénoncent dans l'ensemble de l'œuvre une musique « diabolique »[22]. Plus que tout, un personnage de travesti, le généreux prince turc Tacmas, heurte les bonnes mœurs. Ce rôle est modifié et la direction musicale est confiée à André Chéron.

Cependant Rameau voit se former, par réaction, une coterie en sa faveur dans une sorte de nouvelle querelle des Anciens et des Modernes. Comme par revanche, il répond par l'outrance en ajoutant une quatrième entrée encore plus audacieuse, qui mette encore plus en avant la vedette Louis Dupré[23] et reprend le titre de la danse publiée en 1728, Les Sauvages. Les colons, français ou espagnols, et leurs alliés indigènes, militairement vainqueurs, y ont le mauvais rôle et la société des autochtones, vivant dans la proximité avec la nature et triomphant par l'amour idyllique, est peinte comme un nouveau modèle de civilisation.

C'est le , lors de la vingt huitième représentation, que l'opéra-ballet est prolongé par les six nouvelles scènes. Le thème de 1727 est développé dans deux des partitas de la dernière scène, la deuxième et la troisième. Celle-là, intitulée Danse du Grand Calumet de la Paix, exécutée par les sauvages. est instrumentale, symphonique. Celle-ci est vocale, accompagnée par les cordes, les vents et les percussions de l'orchestre.

Musique

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La forme rondeau, danse qui combine au branle deux pas brefs, est ici rendue au clavecin par trois procédés dont la combinaison en ont fait le succès, la répétition d'une rupture rythmique entre une première mesure et les suivantes, l'accentuation de ce contraste rythmique par le développement de celles-ci en arpèges, la composition contrapuntique en sauts fugués entre intervalles diatoniques. L’exotisme, particulièrement marqué dans cette pièce, est produit par des effets harmoniques[24] et sonores peu conventionnels mais finalement heureux.

Paroles

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Le costume de Zima imaginé par Jean-Baptiste Martin pour la soprano Marie Pélissier accompagnant la taille Louis-Antoine Cuvillier dans le rôle d'Adario. Lors de sa réception à la Compagnie des Indes, le , la « Princesse des Missouris » s'est présentée en cheveux vêtue d'une robe à panier de damas couleur de feu, cousue de fleurs d'or et agrémentée de rubans or et argent unis[25].
Duo (Zima et Adario) :
Forêt paisibles,
Jamais un vain désir ne trouble ici nos cœurs.
S’ils sont sensibles,
Fortune, ce n’est pas au prix de tes faveurs.


Chœur des sauvages :
Forêt paisibles,
Jamais un vain désir ne trouble ici nos cœurs.
S’ils sont sensibles,
Fortune, ce n’est pas au prix de tes faveurs.


Duo (Zima et Adario) :
Dans nos retraites,
Grandeur, ne viens jamais offrir de tes faux attraits !
Ciel, Ciel, tu les as faites
Pour l’innocence et pour la paix.


Duo (Zima et Adario) :
Jouissons dans nos asiles,
Jouissons des biens tranquilles !
Ah ! Peut-on être heureux,
Quand on forme d’autres vœux ?
.

Reprises

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Annexes

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Bibliographie

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Notes et références

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  1. « Les Indes Galantes », sur www.operabaroque.fr (consulté en ).
  2. [vidéo] « Jean Rondeau (clavecin) - Les Sauvages - Jean-Philippe Rameau », sur YouTube
  3. a et b [vidéo] « Frédéric Chopin - Nocturne, op. 48 N°1 - Alexander Lubyantsev », sur YouTube.
  4. a b c d et e Th. S. Gueulette, Notes et souvenirs sur le théâtre-italien au XVIIIe siècle, p. 107, coll. Bibliothèque de la Société des historiens du théâtre, vol. XIII, Librairie Droz, Paris, 1938, rééd. Slatkine, Genève, 1976.
  5. a et b J. Ph. Rameau, Lettre à Antoine Houdar de La Motte, Paris, 25 octobre 1727, citée in Mercure de France, p. 39, Paris, mars 1765.
  6. a b c d et e « Spectacles », in Mercure de France, vol. II, p. 2274-2276, Paris, septembre 1725.
  7. « Relation de l'arrivée en France de Quatre Sauvages de Missicipi », in Mercure de France, p. 2836, Paris, décembre 1725.
  8. a et b « Relation de l'arrivée en France de Quatre Sauvages de Missicipi », in Mercure de France, p. 2827, Paris, décembre 1725.
  9. a et b Mamantouensa, « Paroles de Mamantouensa, chef des Illinois Kaskaskias. », cité in « Relation de l'arrivée en France de Quatre Sauvages de Missicipi », supra, p. 2842.
  10. Mamantouensa, « Paroles de Mamantouensa, chef des Illinois Kaskaskias. », cité in « Relation de l'arrivée en France de Quatre Sauvages de Missicipi », supra, p. 2843.
  11. a b c et d « Relation de l'arrivée en France de Quatre Sauvages de Missicipi », in Mercure de France, p. 2830, Paris, décembre 1725.
  12. a b c et d « Relation de l'arrivée en France de Quatre Sauvages de Missicipi », in Mercure de France, p. 2828, Paris, décembre 1725.
  13. N. I. de Beaubois (en), « Harangue au Roy du Père du Beaubois, jésuite. », cité in « Relation de l'arrivée en France de Quatre Sauvages de Missicipi », supra, p. 2844.
  14. « Relation de l'arrivée en France de Quatre Sauvages de Missicipi », in Mercure de France, p. 2835, Paris, décembre 1725.
  15. a et b J. B. Bossu, Nouveaux voyages aux Indes occidentales, I, p. 161, Le Jay, Paris, 1768.
  16. « Relation de l'arrivée en France de Quatre Sauvages de Missicipi », in Mercure de France, p. 2838, Paris, décembre 1725.
  17. J. B. Bossu, Nouveaux voyages aux Indes occidentales, I, p. 163, Le Jay, Paris, 1768.
  18. a et b « Relation de l'arrivée en France de Quatre Sauvages de Missicipi », in Mercure de France, p. 2831, Paris, décembre 1725.
  19. J. B. Bossu, Nouveaux voyages aux Indes occidentales, I, p. 164, Le Jay, Paris, 1768.
  20. J. B. Bossu, Nouveaux voyages aux Indes occidentales, I, p. 162, Le Jay, Paris, 1768.
  21. J. Ph. Rameau Génération harmonique, Prault & fils, Paris, 1737.
  22. M. Barthélemy, « L'Actualité musicale dans les publications périodiques de Pierre-François Guyot Desfontaines, 1735-1746 », p. 110, in Coll., Recherches sur la musique française classique, vol. X, p. 107-116, A. & J. Picard, Paris, 1970.
  23. Laura Naudeix, « Euphonie de la fête », in Voyage dans le temps, p. 9, OPL, Luxembourg, 10 octobre 2016.
  24. P. Florentin, « Nouvelles suites de pièces de clavecin », in L'Année Rameau, Centre de musique baroque, Versailles, 2014.
  25. « Relation de l'arrivée en France de Quatre Sauvages de Missicipi », in Mercure de France, p. 2834, Paris, décembre 1725.
  26. Mlle Leclerc, Les Gentils Airs ou Airs Connus Ajustée en duo pour deux Violoncelles, bassons ou violes., p. 1, Le Clerc, Paris, [s.d.]
  27. Jeffrey Lyman, Helen Peyrebrune & Joseph Gascho, « Les Sauvages" and Tambourin for bassoon and basso continuo », École de musique, théâtre & danse de l'université du Michigan (en), Ann Arbor, 25 janvier 2016.
  28. F. de Genlis, Lettre à Margaret Chinnery (en), Paris, 25 janvier 1808, cité in Denise Yim, The Unpublished Correspondance, p. 131, coll. SVEC (en), no 2, Voltaire Foundation, Oxford, 2003.
  29. Klara Wośkowiak, « Concert inaugural », Journées de la harpe, Cracovie, 22 mars 2015.
  30. « Private Domain », Cité de la musique, Paris 2009.
  31. « Les Indes galantes », Opéra national, Paris, 2019.

Voir aussi

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Liens externes

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