Léon Gimpel

photographe et photojournaliste français

Léon Gimpel, né le à Strasbourg et mort le à Sévignacq-Meyracq dans les Pyrénées-Atlantiques, est un photographe et un photojournaliste français, qui a utilisé l’autochrome pour une partie importante de sa production. Son œuvre photographique, oubliée après sa mort, est redécouverte au début du XXIe siècle, à la suite de l'exposition organisée au musée d'Orsay à Paris en 2008.

Léon Gimpel
Autoportrait, 2 janvier 1920
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Biographie

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Léon Gimpel est le plus jeune des quatre enfants d'une famille alsacienne de confession juive de Strasbourg ; sa famille s'installe à Paris après que l'Allemagne a repris l'Alsace. Gimpel travaille pour l'entreprise de tissus familiale, dirigée par son frère aîné Eugène.

Il découvre la photographie en 1897 et y consacre sa vie professionnelle[1]. Il travaille d'abord avec un appareil Kodak, puis avec un « Spido » Gaumont. Adepte de l'autochrome, technique brevetée par les frères Lumière, qu'il rencontre dès 1904, Léon Gimpel réalise des reportages pour la presse, La Vie illustrée notamment qui publie ses premiers clichés en 1900, et devient un collaborateur de L'Illustration.

En , Gimpel est le premier photographe à publier des photographies en couleurs : le , René Baschet, le directeur de L'Illustration, organise dans les locaux de la revue, devant six cents invités, une conférence des frères Lumière sur le procédé de l'autochrome et publie un numéro spécial de la revue présentant cette nouvelle technologie avec un encart où figurent quatre autochromes de Gimpel (un groupe de soldats, deux vues panoramiques de Villefranche-sur-Mer et un coucher de soleil sur le lac Léman) ; le , la revue publie les premières photographies d'actualité en couleur, prises par Gimpel lors de la visite à Paris du roi de Danemark Frederik VIII et de son épouse Louise de Suède[2].

En 1909, il publie deux reportages dans L'illustration, le premier sur la rencontre le entre le tsar Nicolas II et le président français Armand Fallières à Cherbourg (où s'amorce l'alliance militaire de la Triple-Entente), le second en août sur le meeting aérien de Bétheny, première grande réunion de sport aéronautique. Pour ce reportage, Gimpel innove en choisissant de photographier du point de vue des aviateurs et s’embarque dans la nacelle du dirigeable Zodiac III pour photographier de haut les aéroplanes en vol et la foule au sol qui les regarde ; cinq clichés sont publiés dans l'article de L’Illustration sur l'événement[3],[N 1],[4].

Dans la soirée du , après l'accident où un autobus PB2 “Batignolles-Jardin des Plantes” tombe dans la Seine au pont de l'Archevêché, faisant onze victimes, Léon Gimpel, comme d'autres photographes amateurs ou professionnels, documente le travail de recherche et d'extraction des victimes de la carcasse immergée ; il soudoie un officier de police qui avait barré la route du pont à ses collègues afin de prendre une photo vue de haut et réalise une prise de vue aux tons crépusculaires, particulièrement saisissante, de la carcasse, dont seul le toit émerge du fleuve, qui est publiée dans L'Illustration[5],[6],[7].

Gimpel a tenu un journal de ses reportages de 1897 à 1932, qui est conservé dans un manuscrit de 394 pages à la Société française de photographie : Quarante ans de reportages. Souvenirs de Léon Gimpel, collaborateur à L’"Illustration" (1897-1932)[N 2],[6].

C'est un initiateur de la vulgarisation scientifique par l'image : il photographie au début du XXe siècle, en couleur ou en noir et blanc, la naissance de l'aéronautique, les ballons, les dirigeables, les meetings aériens, mais également l'évolution de l'éclairage nocturne de Paris au gaz néon[9]. Il a aussi photographié des champignons (hors de leur environnement naturel) pour en faciliter l'étude et des vues au microscope de végétaux, à des fins de vulgarisation scientifique.

Il s'intéresse à la recherche sur la photographie et publie en avec l'astronome Émile Touchet un article, « Les anaglyphes », consacré à un procédé de vision en relief.

Adepte de l'autochrome, Léon Gimpel a produit maintes séries dans sa longue carrière. Parmi ses clichés, il y a la série connue sous le nom de Rue de Greneta ou La Guerre des gosses dans laquelle il photographie en août et des enfants jouant à la guerre rue Greneta dans le quartier des Halles à Paris ; Gimpel a mis en scène ces petits soldats et en a tiré une série de tableaux photographiques composés, en couleur (autochrome) et en noir et blanc, à la fois pleins d'humour et patriotiques[10],[11]. Le reportage est refusé par L'Illustration qui « ne trouva pas ces sujets assez sérieux pour ses lecteurs » d'après Gimpel ; neuf images sont publiées dans la revue Lectures pour tous. Revue universelle et populaire illustrée le  ; les plaques sont conservées par la Société française de photographie[12]. En 1908, il réalise les premières photographies en couleur prises depuis un ballon, à l'occasion d'un vol qui l'emmène de Saint-Cloud à Fouquerolles.

Il photographie également les décorations lumineuses des façades des grands magasins parisiens (Le Bon Marché, le Bazar de l'Hôtel de Ville, les Galeries Lafayette, La Samaritaine notamment), ainsi que de la tour Eiffel, illuminées par l’ingénieur florentin Fernand Jacopozzi ; Gimpel réalise ainsi les premières photographies en couleur de Paris la nuit[13].

Léon Gimpel épouse Marguerite-Marie Bouillon en 1939 ; le couple s'installe dans le Béarn, à Sévignacq-Meyracq ; il y meurt le et est inhumé dans le cimetière de la commune[14].

Son œuvre photographique tombe dans l'oubli dans la seconde partie du XXe siècle, notamment parce que les plaques de verre autochromes ne se prêtent guère à l'exposition ; elle est redécouverte avec l'exposition organisée à Paris en 2008 par le Musée d'Orsay et la Société française de photographie[15],[8] et depuis étudiée et exposée régulièrement.

Collections

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Léon Gimpel donne de son vivant à la Société française de photographie, dont il est devenu membre en 1908 sous le parrainage des frères Lumière, ses photographies : 1 200 autochromes, 800 stéréogrammes et 2 000 plaques de projection en noir et blanc, ainsi que le manuscrit de ses Mémoires[16].

Publications

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  • « La photographie des couleurs à L'Illustration », L'Illustration, no 3355,‎ , p. 387–389 (présentation en ligne).
  • « Reproduction sur plaque autochrome des épreuves obtenues sur ces mêmes plaques », Bulletin de la Société française de photographie, no 15,‎ , p. 317.
  • « Le centième de secondes en autochromie et l’instantané nocturne sur plaques noires avec l’éclairage ordinaire par l’ultrasensibilisation de M. F. Monpillard », Bulletin de la Société française de photographie, no 5,‎ , p. 130-145.
  • avec Émile Touchet : « Les anaglyphes », Revue française de photographie, no 105,‎ .
  • « Évolution de l’art des illuminations depuis le début du siècle », Bulletin de la Société française de photographie, no 3,‎ , p. 77.

Expositions

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  • -  : Léon Gimpel : les audaces d'un photographe, 1873-1948, Musée d'Orsay, Galerie de photographie, Paris ; commissaires d'exposition Dominique de Font-Réaulx et Thierry Gervais[1],[17],[15],[7].
  •  : Les fééries lumineuses de Léon Gimpel (1925-1933), Galerie Lumière des Roses, Montreuil, dans le cadre de Paris Photo[18].
  • -  : L’armée de la rue Greneta, Espace Don Quichotte / Proméo, Sète, dans le cadre du festival Images Singulières.
  • -  : Léon Gimpel. La guerre des gosses, Rencontres de la photographie d'Arles, Église des Frères Prêcheurs ; commissaire d'exposition, Luce Lebart[19],[20],[21].
  • -  : Scrivere con la luce: fotografie notturne di Léon Gimpel, Museo di palazzo Poggi, Bologne, dans le cadre de la biennale Foto/Industria ; commissaire d'exposition, Luce Lebart[13],[22].
  • -  : La guerre des gosses. Léon Gimpel, 1915, Panthéon, Paris, dans le cadre de l'exposition 36 000 cicatrices : les monuments aux morts de la Grande guerre[23].
  • -  : Guerre et paix. Léon Gimpel, Galerie La Chambre, Strasbourg[24].

Notes et références

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  1. Notamment la photographie Les tribunes de Bétheny comme les voyait Hubert Latham quand il volait à 150 mètres d’altitude, p. 162.
  2. Partiellement publié dans l'article de Thierry Gervais, « Léon Gimpel, "Mes grands reportages", 2006, ainsi que dans le catalogue de l'exposition de 2008 au Musée d'Orsay, Léon Gimpel (1873-1948). Les audaces d’un photographe[8].

Références

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  1. a et b « Léon Gimpel (1873-1948), les audaces d'un photographe », sur Musée d'Orsay.
  2. « Une histoire haute en couleurs », sur www.lillustration.com.
  3. « La Grande Semaine de l’aviation », L’Illustration,‎ , p. 153-164.
  4. Thierry Gervais, « Un basculement du regard. Les débuts de la photographie aérienne, 1855-1914 », Études photographiques, no 9,‎ , p. 88-108 (lire en ligne  ).
  5. « Un autobus parisien tombé dans la Seine du pont de l’Archevêché », L’Illustration, no 3579,‎ , p. 252
  6. a et b Thierry Gervais 2006.
  7. a et b Françoise Dargent, « Léon Gimpel, photoreporter de la Belle Époque », Le Figaro,‎ (lire en ligne).
  8. a et b Vincent Lavoie, « "Dominique de Font-Réaulx et Thierry Gervais (dir.), Léon Gimpel (1873-1948). Les audaces d’un photographe" [compte-rendu] », Études photographiques,‎ (lire en ligne  ).
  9. Nathalie Boullouch, « Les néons de Léon : Léon Gimpel et l’invention de la photographie nocturne en couleurs », sur www.lafuriaumana.com.
  10. Luce Lebart 2014.
  11. Claire Guillot, « Les batailles enfantines de Léon Gimpel aux Rencontres d’Arles », Le Monde,‎ (lire en ligne  ).
  12. « Plaques de La Guerre des gosses », sur Société française de photographie.
  13. a et b (fr + en + it) Luce Lebart, « Illuminations. Paris nocturne des années vingt, par Léon Gimpel », sur lucelebart.org.
  14. Thibault Seurin, « Béarn : Léon Gimpel, ce pionnier du reportage photo en couleur », Sud Ouest,‎ (lire en ligne  ).
  15. a et b Claire Guillot, « Gimpel, aventurier de l'image. Au Musée d'Orsay, redécouverte d'un pionnier de la photographie », Le Monde,‎ (lire en ligne  ).
  16. « Léon Gimpel », sur Société française de photographie.
  17. Thierry Gervais et Nathalie Boulouch 2008.
  18. « Les fééries lumineuses de Léon Gimpel (1925-1933) », sur L'Œil de la photographie, .
  19. Luce Lebart, « Léon Gimpel. La guerre des gosses », sur Rencontres de la photographie d'Arles.
  20. Brigitte Hernandez, « Rencontres d'Arles 2014 : Gimpel et sa drôle de guerre », Le Point,‎ (lire en ligne).
  21. Geoffroy Caillet, « Rencontres d'Arles: la Grande Guerre vue par les mômes », Le Figaro,‎ (lire en ligne).
  22. (fr + it) « Illuminations, Léon Gimpel », sur Société française de photographie.
  23. Justine Philippe, « Gimpel et Depardon : ça bouge au Panthéon », sur actuphoto.com, .
  24. « Guerre et paix. Léon Gimpel. Dossier de presse », sur www.la-chambre.org.
  25. Arman Mohtadji, « Le 114e régiment d’infanterie à Paris », sur lignesdefront.hear.fr, .

Bibliographie

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  • Nathalie Boulouch, « Gimpel Léon », dans Dictionnaire mondial de la photographie des origines à nos jours, Paris, Larousse, (lire en ligne), p. 240-241.
  • Nathalie Boulouch et Thierry Gervais, Léon Gimpel : les audaces d'un photographe, 1873-1948 (catalogue d'exposition, Musée d'Orsay), Milan, 5 Continents, , 190 p. (ISBN 978-88-7439-455-5).
  • Thierry Gervais, Les points de vue de Léon Gimpel : la rencontre d'un photographe amateur avec la presse illustrée, Paris, Céros, coll. « Venti » (no 6), , 48 p. (ISBN 2-84940-006-8).
  • Thierry Gervais, « Léon Gimpel, « Mes grands reportages » », Études photographiques, no 19 « La photographie pédagogue / Modèles critiques »,‎ , p. 120-139 (lire en ligne  ).
  • Luce Lebart, La guerre des gosses : Léon Gimpel, 1915, Paris, Société française de photographie, (ISBN 978-2-911961-99-1) ; contient un extrait du chapitre XII de Quarante ans de reportages photographiques, souvenirs de Léon Gimpel, collaborateur à l'Illustration.
  • Peter Walther, La Grande Guerre en couleur, Taschen, 2014, (ISBN 978-3836554190).

Liens externes

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