Islam aux Maldives
L'islam aux îles Maldives est la religion d'État[1],[2]. Du fait de leur isolement par rapport aux centres historiques de l'islam d'Asie et du Moyen-Orient, des croyances pré-islamiques ont cependant perduré.
L'anthropologiste Clarence Maloney a étudié les Maldives dans les années 1970 et un imam lui expliquait que pour beaucoup de Maldiviens, l'islam consistait à observer des ablutions, à jeûner et à réciter le Coran. Néanmoins, la situation a changé[réf. nécessaire]. En 1991, les Maldives avaient un total de 725 mosquées et de 266 mosquées féminines.
Histoire
modifierLa conversion des Maldives à l'islam est assez tardive comparée à d'autres parties de l'Asie du Sud. Les marchands arabes avaient converti à l'islam des populations de la côte de Malabar dès le VIIe siècle. Le conquérant Muhammad ibn al-Qasim avait propagé l'islam sur les larges territoires du Sindh à la même époque. Les Maldives sont restées bouddhistes pendant 500 ans, avant de se convertir par le biais des commerçants arabo-musulmans[3].
Les premiers contacts de l'archipel avec l'islam eurent lieu du fait des marins et des commerçants d'Arabie ou du golfe du Bengale. Mais l'acteur majeur de l'arrivée de l'islam dans les Maldives fut Abu al-Barakat al-Barbari, un marchand berbère nord africain. Sa tombe se trouve à l'intérieur de la mosquée Hukuru, ou Miski, dans la capitale Malé. Il semble que ce voyageur ait obtenu la conversion à l'islam d'un roi[4] qui a régné de 1141 à 1166. Néanmoins, les chroniques de Raadavalhi et de Tharik, attribuent à un Perse, Yusuf Tabrizi, la conversion du royaume des Maldives à l'islam en 1153. Le roi devient sultan à la suite de sa conversion après 12 ans de règne et il envoie des émissaires dans tous les atolls pour convertir les habitants à la foi musulmane, sans exception. Le roi lui-même voyage jusqu'à l'île de Nilandhe pour appeler ses habitants à embrasser l'islam. On rapporte que la conversion de l'archipel entier a lieu le 2 de Rabi ul Akhir de l'an 548 de l'Hégire, la 17e année de règne d'Al-Muqtafi, calife de Bagdad[5]. Dès lors, les Maldives deviennent un pays à prédominance islamique. Le roi ordonne à son frère Siri Kalo de construire la première mosquée de Malé, avec l'aide d'Al-Wazir Shanivirazaa. Un voyageur marocain, Ibn Battûta, accrédite cette conversion de Dhovemi par l'entremise d'Abu al-Barakat al-Barbari. Ibn Battûta a laissé en 1340 une résidence qui atteste son passage. Dhovemi fait appliquer la loi islamique. Le sultan fait disparaître toute trace d'« idolâtrie » de l'archipel, et fait construire des mosquées sur de nombreuses îles, mêmes inhabitées.
L'archéologie et d'autres sources scripturaires confirment au moins partiellement cette version. Un document appelé le Dhanbidhū Lōmāfānu apporte des informations sur la disparition du bouddhisme dans l'atoll Hadhdhunmathi, qui fut un important centre religieux. Il apparaît que les moines furent emmenés à Malé et exécutés. Les satihirutalu (trois cercles de pierres concentriques couronnant un stupa) furent détruits pour défigurer les stupas, de même que les statues de Vairocana, que l'on trouvait au milieu de l'archipel. L'état d'endommagement des manuscrits réalisés par les moines dans leur monastère laisse penser que les bâtiments ont été brûlés ou rasés de sorte qu'on n'en trouve plus aucune trace[6]
L'islam dans la vie publique
modifierL'islam modèle la vie quotidienne des Maldiviens. L'État applique la loi islamique, la charia, appelée en divehi, la sariatu ; elle sert de base aux codes de loi, interprétée selon les conditions de vie des Maldiviens par le président de la République, le procureur général, le ministère de l'intérieur et le majlis.
Comme le vendredi est le jour traditionnel de la grande prière à la mosquée, les commerces et les bureaux ferment vers 11h le matin. Ils ferment aussi pendant quinze minutes après chacun des cinq appels quotidiens à la prière. Pendant le mois du Ramadan, les cafés et les restaurants sont fermés la journée, et les heures de travail sont réduites.
La plupart des îles ont plusieurs mosquées, même si elles sont peu habitées. Malé, la capitale, en a plus de trente. La plupart des mosquées sont réalisées avec la pierre de corail, peintes en blanc et avec des toits en tôle ondulée ou de chaume. À Malé, un centre islamique à l'architecture recherchée a été construit en 1984, avec des fonds d'États du golfe Persique, du Pakistan, de Brunei et de Malaisie.
Islamisme
modifierEn , le blog[7] du journaliste Ismail Khilath Rasheed est fermé par l'autorité des communications des Maldives sur ordre du Ministère des Affaires Islamiques, au motif que ce blog contenait des contenus anti-islamiques[8]. Ismail Rasheed est musulman soufi, et appelait à davantage de tolérance religieuse. Cet acte de censure fut condamné par l'ONG Reporters sans frontières[9] et par Navanethem Pillay, haut représentant des Nations unies aux droits de l'homme. Ismail Rasheed organisa un rassemblement en faveur de la liberté religieuse le . Ce rassemblement fut l'objet d'attaques et il eut le crâne fracturé[10]. À la suite de cela, il fut arrêté à la demande pressante du parti islamiste Adhaalath, qui organisa une contre-manifestation le . Un site internet associé à cette contre-manifestation appelait à le tuer[11],[12]. Ismail Rasheed fut finalement relâché le à la suite de protestations d'Amnesty International et de Reporters sans Frontières.
Alors que les Maldives étaient traditionnellement un pays d'islam modéré[Quoi ?][réf. souhaitée], l'arrivée au pouvoir du président Abdulla Yameen en 2013, à la faveur d'une élection présidentielle au résultat contesté et soutenu par les islamistes, change la donne. Influencés par des religieux wahhabites formés en Arabie saoudite et au Pakistan, le prosélytisme islamiste gagne du terrain, notamment dans les milieux carcéraux. De nombreux cheikhs radicaux occupent ainsi de plus en plus l'espace public (universités, télévision – leurs sermons étant retransmis une fois par mois sur les chaînes nationales –, etc.). Plusieurs ONG dénoncent une augmentation des mariages précoces dans les îles reculées ainsi que le refus grandissant de vacciner les enfants. Le docteur Mohamed Iyaz, un influent conseiller du gouvernement en jurisprudence coranique, fait d'ailleurs l'apologie de l'excision, en tant qu'« obligation religieuse ». En 2014, une centaine de Maldiviennes ont été fouettées en public pour « actes de fornication ».
En 2015, on enregistre entre 50 et 200 départs de Maldiviens vers les territoires de l'État islamique. Si le gouvernement a officiellement condamné le djihad vers la Syrie, des activistes et des opposants critiquent son inaction sur le sujet, certains craignant même l'instauration d'un califat aux Maldives[13].
Lors de sa campagne électorale de l'élection présidentielle maldivienne de 2018 qu'il perd finalement face à Ibrahim Mohamed Solih, le président sortant Abdulla Yameen déclare être le candidat de l'islam face aux « infidèles »[14].
Références
modifier- Voir la notice du Ministère des Affaires étrangères.
- Depuis la révision de la constitution de 2008, l'adhésion à l'islam est requise pour être citoyen des Maldives. L'article 9 de la constitution, section D, dit : « un non-musulman ne peut pas devenir citoyen des Maldives. »
- Maldives-Religious Practices
- (en) Maldives, de Stefania Lamberti, p. 15
- Ce qui correspond au 27 juin 1153 dans le calendrier grégorien.
- Romero-Frias, Xavier, The Maldive Islanders, A Study of the Popular Culture of an Ancient Ocean Kingdom. Barcelona 1999, (ISBN 84-7254-801-5).
- Voir le blog en question, fermé par le Ministère des Affaires Islamiques.
- (en) Article « Copie archivée » (version du sur Internet Archive) d'un site d'information indépendant des Maldives.
- Le communiqué de Reporters Sans Frontières.
- Compte-rendu de RSF.
- (en) Un autre article « Copie archivée » (version du sur Internet Archive) du même site d'information indépendant.
- Se fondant sur certains passages du Coran, la charia punit de la peine capitale un musulman qui abjure sa foi. Un avis juridique (fatwa) peut être rendu pour demander l'application d'une telle sentence dans des cas particuliers.
- Manon Quérouil-Bruneel, « Maldives, l'enfer du décor », Le Figaro Magazine, semaine du 12 juin 2015, p. 38-48.
- (en) « Maldives police raid opposition headquarters on eve of election », sur Al Jazeera, .