Hopepunk
Le hopepunk (composé des mots anglais hope, signifiant « espoir », et punk) est un sous-genre des littératures de l'imaginaire, qui est conçu comme l'opposé des dystopies des sous-genres grimdark et cyberpunk. Les œuvres de ce sous-genre traitent de personnages qui luttent pour un changement positif, en coopérant avec une solidarité et une bienveillance radicales pour apporter des solutions communautaires aux problèmes.
Origine
modifierEn 2017, l'auteure de fantasy Alexandra Rowland a proposé le terme hopepunk pour nommer un sous-genre opposé aux dystopies amorales ou violentes du grimdark[1],[2]. Sa publication initiale sur le réseau social Tumblr, « Le contraire du grimdark est le hopepunk. Diffusez-le », a suscité plus de 50 000 réactions[3],[4].
Rowland a développé le concept dans un article sur le sujet intitulé « One Atom of Justice, One Molecule of Mercy, and the Empire of Unsheathed Knives » (Un atome de justice, une molécule de miséricorde et l'empire des couteaux dégainés) en y expliquant que le hopepunk « dit que la gentillesse et la douceur ne sont pas synonymes de faiblesse, et que dans ce monde de cynisme brutal et de nihilisme, être gentil est un acte politique. Un acte de rébellion »[5].
Au fur et à mesure que de plus en plus de personnes se sont intéressé au concept, la définition du hopepunk a été affinée. Il est généralement admis que l’esthétique du hopepunk incorpore une atmosphère bienveillante, un optimisme conscient et assumé, une vision du monde selon laquelle la lutte pour des systèmes sociaux positifs est un combat qui en vaut la peine. L’accent est mis sur la coopération plutôt que sur le conflit. Il y a dans les œuvres hopepunk une conscience que les fins heureuses ne sont pas garanties et que rien n'est permanent.
Description
modifierLes différents sous-genres littéraires désignés comme punk sont liés par l’idée de rébellion et de révolution sociale. Ainsi, parmi les littératures de l'imaginaire, le hopepunk explore la résistance et la résilience contre l'apathie et le cynisme[6]. Le hopepunk est associé à des œuvres telles que des livres, des films et des émissions de télévision qui révèlent l'espoir face aux défis et agissent comme un contrepoids au pessimisme[7].
La chercheuse Elin Kelsey le décrit comme « un récit de résistance positive » et le distingue du genre noblebright, qui part également du principe qu'il existe de bons combats qui valent la peine d'être menés, mais qui les présente comme tous gagnables[1],[8], contrairement au hopepunk, où l'issue des luttes n'est pas systématiquement favorable ; de plus, alors que le noblebright est centré sur le récit d'un héros, le hopepunk met davantage en scène l'effort collectif[8].
Rowland a souligné que la colère fait également partie du hopepunk, affirmant que « parfois, la chose la plus gentille que vous puissiez faire pour quelqu'un est de tenir tête à un tyran en son nom, et cela demande du courage et de la rage »[9]. Décrivant initialement un sous-genre, son utilisation s'est étendue pour désigner les motivations, le ton narratif ou les perspectives des auteurs. Les rédacteurs d'Uncanny Magazine le définissent comme une « empathie radicale » et une « gentillesse radicale », en le contrastant avec le désespoir du grimdark[9]. Rowland a écrit que « le hopepunk n'est pas immaculé et sans tache. Le hopepunk est sale, parce que c'est ce qui arrive quand on se bat »[10]. Bien qu'ils puissent décrire des événements horribles, des injustices et des inégalités, les récits de Hopepunk mettent en scène des personnages qui choisissent d'agir, rejetant le pessimisme et la passivité. Les traits humains positifs et la communauté contribuent aux solutions[11].
Les récits associés au hopepunk rejettent le fatalisme et le cynisme du grimdark. Les personnages de Hopepunk ne cèdent pas au défaitisme et croient en la possibilité d'améliorer des situations difficiles[12], choisissent de lutter pour y parvenir et sont motivés par des motifs nobles. Certains critiques et fans ont considéré les prix Hugo et Nebula décernés à Vers les étoiles (The Calculating Stars) de Mary Robinette Kowal comme une reconnaissance de la littérature hopepunk par l'industrie culturelle[13].
Le hopepunk, en réaction à des décennies de science-fiction dystopique et nihiliste, explore comment la bonté et l'optimisme peuvent être des actes de rébellion[14]. Les récits hopepunk sont portés par un profond souci de bienveillance et par la volonté de lutter pour une cause juste[15]. Les univers décrits dans les œuvres hopepunk ne sont pas nécessairement utopiques ni même porteurs d’espoir ; le genre s’exprime dans la manière dont les personnages abordent les problèmes[16].
Popularisation
modifierLe hopepunk est né pendant une période sociopolitique difficile, qui a entraîné le développement d'un vaste mouvement de self-care (en) axé sur la recherche du bien-être et de la solidarité communautaire[1]. Selon de nombreuses analyses du genre, la perception souvent négative de l’état du monde dans les années 2010 et 2020, marquée par les conséquences du changement climatique, les pandémies, les crises sociales, économiques et géopolitiques, ou encore les meurtres terroristes de masse, a provoqué une baisse des ventes de fictions dystopiques pour jeunes adultes et attiré davantage de lecteurs vers le hopepunk[15].
En mai 2018, la conférence Nebula (en) a présenté un panel d'œuvres hopepunk[1]. Vox a décrit le troisième prix Hugo de N.K. Jemisin en 2018 comme un activisme réel en faveur du hopepunk, reconnaissant les thèmes de l'humanité et de l'amour dans son travail[1]. En 2018, Cat Rambo, alors présidente de l'association des écrivains de science-fiction et de fantasy d'Amérique, a déclaré que cette année-là davantage de nominés pour les prix Nebula comportaient des « éléments forts et agréables » que les années précédentes[7].
Destiné à décrire un sous-genre littéraire, le terme a été utilisé pour décrire des films, la politique, la religion et les activités quotidiennes[17]. Ce terme a été popularisé dans des discussions sur « tout, de la politique à la grossesse », selon Jim McDermott, rédacteur en chef adjoint du magazine America, qui affirme que le fondement de la foi catholique est une forme de hopepunk[12].
En 2019, la BBC a alloué 150 000 £ aux podcasts hopepunk. Jason Phipps, directeur de la BBC, affirme que les gens veulent « des personnages détaillés et diversifiés qui n'ont pas peur de se battre pour quelque chose, choisissant l'espoir même lorsque les choses sont sombres »[18].
Un article publié dans l'International Journal of Educational Technology in Higher Education décrit le hopepunk comme un mouvement visant à « spéculer, changer et améliorer le monde et son avenir en mettant l'accent sur l'optimisme, la coopération, la construction de la communauté, le rejet de l'apathie et l'incarnation de l'espoir radical » et défend son approche pour orienter l'avenir de l'enseignement supérieur[19].
Critiques
modifierDans une interview, la journaliste et auteure Annalee Newitz a contesté que le hopepunk soit un genre, affirmant que « tout type d'histoire peut contenir des éléments de hopepunk » et que le hopepunk est simplement l’opposé de l’apathie[20].
Lee Konstantinou, professeur associé de littérature anglaise à l'Université du Maryland, est également sceptique sur la pertinence de ce genre : « On ne peut pas se contenter de décrire un monde imaginaire ravagé par une catastrophe environnementale, une guerre ou une oppression, puis y ajouter un peu d'espoir à la fin. L'espoir doit être gagné »[7].
Certains critiques ont qualifié le hopepunk de « pieux », de « sentimental » et de « micro-esthétique avec des ambitions marketing »[14].
Exemples
modifierThe Goblin Emperor de Katherine Addison a été décrit comme le « roman de fantasy hopepunk par excellence »[1]. Parmi les récits de littératures de l'imaginaire qui ont été associés au hopepunk on peut notamment citer la série de romans et nouvelles Lady Astronaute de Mary Robinette Kowal, les séries Les Voyageurs et Histoires de moine et de robot de Becky Chambers[13],[21] (et de manière plus générale l'ensemble des œuvres du sous-genre solarpunk), la saga Harry Potter de J.K. Rowling[12],[1] et la trilogie Le Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien[1],[13].
Au-delà de la littérature, le terme hopepunk a été associé à des émissions de télévision, des films et des personnages de fiction. Le site Den of Geek l'utilise par exemple pour des films tels que Snowpiercer (lorsque Curtis fait exploser le train), Mad Max: Fury Road (lorsque Max et Furiosa retournent à la Citadelle) et The Expanse (lorsque Naomi permet à des réfugiés désespérés de Ganymède de monter à bord du Rocinante)[9]. D'autres l'associent aux personnages fictifs Jean-Luc Picard dans la franchise Star Trek[22] et Doctor Who[23].
Voir aussi
modifierNotes et références
modifier- (en) Aja Romano, « Hopepunk, the latest storytelling trend, is all about weaponized optimism », Vox, (lire en ligne).
- (en) Jason Kehe, « Is Becky Chambers the Ultimate Hope for Science Fiction? », Wired, (lire en ligne).
- (en) Haley Nahman, « "Hopepunk" is the New Optimistic Movement with Lots of Good Feelings », sur Repeller, .
- https://ariaste.tumblr.com/post/163500138919/ariaste-the-opposite-of-grimdark-is-hopepunk
- (en) « One Atom of Justice, One Molecule of Mercy, and the Empire of Unsheathed Knives – Alexandra Rowland », sur Optimistic Indie Roleplaying, (consulté le )
- Rebecca Diem, « Hopepunk and Revolutionary Acts of Kindness », sur Tor, (consulté le )
- Ellen Gamerman, « 'Hopepunk' and 'Up Lit' Help Readers Shake Off the Dystopian Blues », Wall Street Journal (Online), New York, N.Y., United States,
- (en) Elin Kelsey, Hope Matters: Why Changing the Way We Think Is Critical to Solving the Environmental Crisis, Greystone Books Ltd, , 139–140 p. (ISBN 978-1-77164-778-6).
- (en) Kayti Burt, « Are You Afraid of the Darkness?: A Hopepunk Explainer », sur Den of Geek, .
- (en) Michelle Nijhuis, « What can conservation learn from science fiction? », High Country News, (lire en ligne)
- (en) Alex Davis, « A Wave of Hope », Writing Magazine, , p. 52.
- Jim McDermott, « What is hopepunk and why is it so quintessentially Catholic? », America: the Jesuit Review, (lire en ligne).
- (en) « Fantastic literature regains hope: 'hopepunk' era begins », CE Noticias Financieras, English ed.,
- Elisa Thévenet, « Quand la science-fiction abandonne les récits de fin du monde pour un optimisme subversif », sur LeMonde.fr, .
- (en) Liz Scheier, « The Good Fight : Science Fiction, Fantasy & Horror 2021–2022 », Publishers Weekly, vol. 268, no 38, (lire en ligne).
- (en) Alyssa Hull, « Hopepunk and Solarpunk : On Climate Narratives That Go Beyond the Apocalypse », sur Literary Hub, .
- Judy Knotts, « Embrace the hopepunk all around you », Austin American Statesman, Austin, Tex., United States, , p. 9
- « BBC lightens up with 'hopepunk' podcasts », sur The Daily Telegraph, .
- Rikke Toft Nørgård et Kim Holflod, « (No) Hope for the Future? », International Journal of Educational Technology in Higher Education, vol. 21, no 1, (lire en ligne).
- Kayti Burt, « A Hopepunk Guide: Interview with Annalee Newitz », sur Den of Geek, .
- Doug Johnstone, « A Prayer For the Crown-Shy review: 'Hopepunk' novel imagines a positive future for humanity », sur The Big Issue, .
- Mike Chen, « Jean-Luc Picard: Starfleet's Hopepunk Captain », sur Star Trek, (consulté le )
- Stuart Heritage, « In need of relentless optimism? The 10 best 'hopepunk' shows to binge now », The Guardian,
Bibliographie
modifier- (en) Onur Karakose, « Beyond Cyberpunk : Reading Hopepunk as Queer Futurism in Becky Chambers’ A Psalm for The Wild-Built », Scaffold (Journal of the Institute of Comparative Studies in Literature, Arts and Culture), vol.1, n°2, 2024.
- Emmanuelle Lescouët, « De la cosy fantasy au hope punk : vers un ralentissement des littératures de l’imaginaire », cycle de conférences Trouver le rythme, éloge de la lenteur, désir d'accélération du Figura (Centre de recherche sur les théories et les pratiques de l’imaginaire du Département d’études littéraires de l'UQAM), 2023.
- (en) Cecilia Mancuso, « Multiplicative Speculations : What We Can Learn from The Rise and Fall of Hopepunk », ASAP, vol. 6, no. 2, 2021, p. 459-483. DOI 10.1353/asa.2021.0031
- (en) Joanna Pascoe, « Future Library: Hopepunk Heroism », Heroism Science, vol. 9, n°1, 2024. DOI 10.26736/hs.2024.01.03
- (en) Donna Passara Crilly, The Process of Hopepunk : Hope in Times of Crisis A thesis submitted in partial fulfillment of the requirements, thèse en anthropologie, Université d'État de Californie à Northridge, 2023.