Historiographie du régime de Vichy

L'historiographie du régime de Vichy, c'est-à-dire la manière dont les historiens et chercheurs en sciences humaines analysent le régime de l'État français (qui gouverne de facto le territoire metropolitain de à ), a été l'un des sujets les plus débattus de la recherche historique française au cours des années 1980 et 1990.

Les grandes étapes de l'historiographie

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L'historiographie du régime de Vichy peut être divisée en trois grandes étapes.

La première phase (années 1950-1960)

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André Siegfried en 1910.

Cette phase est marquée par les travaux de l’essayiste et académicien Robert Aron (Histoire de Vichy, 1954), qui s'attache particulièrement aux relations de Vichy avec l'Allemagne, et du sociologue et géographe André Siegfried (De la IIIe à la IVe République, 1956), plus attaché au fonctionnement interne du régime. Avec le recul du temps, sa caractéristique principale paraît être de distinguer entre un "bon Vichy", dominé par la figure du maréchal Pétain (1940-1942) et qui aurait joué une sorte de double jeu face à l'Allemagne, et un "mauvais Vichy", dominé par la figure de Pierre Laval (1942-1944), pleinement collaborationniste.

Robert Aron, comme nombre de ses contemporains, s'était surtout basé sur les abondantes archives juridiques des procès de la Libération, omettant cependant de signaler ce que les témoignages à charge ou à décharge pouvaient avoir de partiaux dans un tel contexte. D’un « pétainisme lénifiant » selon l’historien Julian Jackson, il s’était donné beaucoup de mal pour paraître impartial[1].

Dans tous les cas, cette production s'inscrit dans une époque où domine le "mythe résistantialiste" qui faisait de la collaboration l'affaire d'une minorité dans une France majoritairement résistante, sinon en acte du moins en pensées.

La recherche des responsabilités de l’État français (années 1970-1980)

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L'ouvrage majeur de l'historien américain Robert Paxton (université Columbia, New York) (La France de Vichy, USA, 1972 et France, 1973) basé notamment sur les archives allemandes, ainsi que la diffusion du film Le chagrin et la pitié, 1969) vont révéler à la société française, qui tourne avec la mort de Charles de Gaulle (1970) la page du gaullisme historique, un autre visage du régime de Vichy.

La question de la collaboration

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L'ouvrage de Paxton, qui se veut une réponse à l'ouvrage lénifiant de Robert Aron, révèle que le régime de Vichy a dès le début recherché la collaboration avec l'Allemagne nazie et que la politique antisémite de l’État français n'a pas été imposée par l'Allemagne, mais a été voulue en pleine autonomie par l’État français.

Commence alors une phase d'introspection collective qui mènera notamment à la reconnaissance en 1995 par le président de la République Jacques Chirac de la responsabilité de l’État de la France dans la génocide de juifs de France (discours de Jacques Chirac du 16 juillet 1995 au Vélodrome d'Hiver).

La question de la nature du régime : un fascisme français ?

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Plus accessoirement, Paxton accorde ainsi une consistance au projet de société de l’État français (la "Révolution nationale" et les réformes entreprises dans ou hors de ce cadre), ce qui constituera également un domaine de recherche fécond pour les historiens des décennies suivantes.

Les recherches sur la nature du régime ont également été relancées et approfondies par le professeur de sciences politiques franco-américain Stanley Hoffmann (université Harvard) (Essai sur la France, Déclin ou Renouveau, 1974). Il analyse le régime de Vichy comme une dictature pluraliste, une expression employée dès 1956[2] qui sera largement reprise par la suite.

 
Zeev Sternhell en 2008.

De là, sont nés les débats sur la nature fasciste ou non du régime de Vichy. Les analyses plus larges de l'historien franco-israélien Zeev Sternhell (université de Jérusalem) sur les origines de fascisme l'ont mené à défendre l'idée que l'idéologie fasciste, ou du moins une idéologie fasciste, est née en France d'une réaction antilibérale et antirationaliste. Son interprétation large du fascisme français l'amène de facto à inclure des éléments du régime de Vichy, même si celui-ci n'a pas directement été son objet d'étude.

 
Alain-Gérard Slama en 2013.

Les thèses de Zeev Sternhell ont été critiquées par l'"École française", composée notamment de l'historien René Rémond (FNSP), Serge Berstein (IEP de Paris), Alain-Gérard Slama (IEP de Paris) qui estiment que la culture républicaine était trop profondément intégrée dans la société française.

Dans une perspective communiste, les historiens Robert Bourderon (Le régime de Vichy était-il fasciste ? in Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, ) et Germaine Willard (Histoire de la France contemporaine, tome IV, Éditions sociales, 1980) estiment que le régime de Vichy était, à l'instar des autres régimes fascistes, une adaptation du grand capital.

L'historien Yves Durand parle d'une évolution de Vichy vers le fascisme après que le poids des éléments conservateurs ont été prédominant au début du régime (La France dans la Deuxième Guerre mondiale, 1939-1945, Paris, Armand Colin, 1989).

Dans ce sens vont également :

  • l'historien Denis Peschanski (CNRS), qui insiste sur les tentatives fascistes de Vichy (Vichy au singulier, Vichy au pluriel. Une tentative avortée d’encadrement de la société. 1941-1942), in Annales : économies, sociétés, civilisations, no 43, 1988, pages 639-662).
  • l'historien Pierre Milza (IEP de Paris), qui parle de "dérive totalitaire" et de "fascisation" du régime à partir de 1942 (Les fascismes, 1985).

L'historien suisse Philippe Burrin (Institut universitaire de hautes études internationales (HEI) de Genève) nie à Vichy le qualificatif de fasciste en raison des éléments qu'il juge consubstantiels au fascisme : le projet de conquête, l'épreuve de la guerre (Fascisme, nazisme, autoritarisme, Points Seuil, Histoire, 2000).

Les études thématiques (années 1990-2000)

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Les années 1990 et 2000 ont été marquées par la multiplication des études thématiques et sectorielles sur les divers aspects de la société française sous le régime de Vichy : l'étude des corps de l’État (police, magistrature, fonctionnaires en général), l'étude des politiques sectorielles de l’État français (politique de la jeunesse, projet culturel, politique sociale, etc.), l'étude de la société civile (les entreprises sous l'occupation, etc.).

Ces études, basées notamment sur des archives privées et en tout cas inexploitées, ont permis de considérablement préciser la vie et les évolutions qui ont eu lieu sous le régime de Vichy. Dans un contexte de "repentance" et de transparence, mais aussi parce que les années avaient passé, les institutions publiques ou privées ont allégé leur réflexe traditionnel de défense corporatiste et ouvert progressivement leurs archives, quitte à révéler des éléments noirs de leur histoire. l'introspection du fonctionnement de l'administration française a également été poussée par le procès Papon en 1997.

Ces études ont précisé plusieurs éléments sur la collaboration et les crimes du régime de Vichy.

Ces études ont également posé la question de la continuité du régime de Vichy avec le régime précédent comme avec les régimes suivants en matière de continuité administrative, de montée du pouvoir technicien, de contrôle de l'État sur la société, de développement du salaire social à côté des revenus du travail, etc.

Parmi les principales études thématiques sur l'État, l'administration et les fonctionnaires :

Parmi les principales études sur les politiques de Vichy :

Sur les autres acteurs de la société :

Les grands thèmes

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La collaboration

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La politique antisémite

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L'État et les politiques : continuité ou rupture ?

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Notes et références

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  1. Julian Jackson, Le Procès Pétain, Le Seuil, , p. 348
  2. Hoffmann Stanley, « Aspects du régime de Vichy », Revue française de science politique, vol. 6-1,‎ , p. 63. (lire en ligne)

Annexes

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Articles connexes

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Liens externes

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Bibliographie

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Études historiographiques

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