Grotte Mandrin

abri préhistorique dans la Drôme, en Auvergne-Rhône-Alpes, France

La grotte Mandrin est un abri sous roche, situé dans la commune de Malataverne, dans la Drôme, en Auvergne-Rhône-Alpes, dans la région naturelle et historique du Tricastin.

Grotte Mandrin
Vue de l'entrée de la grotte Mandrin en 2016 (avec les dispositifs de protection).
Localisation
Coordonnées
Pays
France
Région
Département
Localité voisine
Caractéristiques
Altitude de l'entrée
environ 225 m
Longueur connue
m
Type de roche
Signe particulier
Patrimonialité
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Elle a été occupée au Paléolithique moyen et supérieur, de 120 000 à 42 000 ans avant le présent[1].

Pour la période la plus ancienne, l'Éémien, une période interglaciaire particulièrement tempérée, les températures ont même été très élevées sur une quinzaine de millénaires[2]. Elle fait l'objet de fouilles archéologiques.

En dépit de son nom, il n'est pas prouvé qu'elle a été fréquentée par la bande du célèbre contrebandier du XVIIIe siècle, Louis Mandrin, bien que ce dernier ait séjourné dans les environs.

Situation et description

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Cet abri sous roche est situé à environ 2,5 km au sud-est du centre-ville de Malataverne (une dizaine de kilomètres au sud de Montélimar, Drôme), sur la rive gauche du Rhône à l'est de l'autoroute A7, à une altitude de 226 mètres[a], sur le flanc nord-ouest d'un rocher calcaire appelé « Roucoule » qui culmine à 392 mètres[3]. Roucoule est aussi le nom du lieu-dit de Malataverne sur lequel se situe le rocher, aux limites des communes d'Allan et Roussas.

L'ouverture d'environ 12 m de large est orientée au nord. Le plafond de la grotte atteint une hauteur de 2,5 m dans la zone d'entrée puis se réduit à 1 m vers le fond de la cavité. La surface est d'environ 25 mètres carrés[3]. En 2013, la zone située en face de l'abri est couverte et clôturée. Depuis 2016, le site est surveillé.

Historique

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Le nom de la grotte lui a été donné par son inventeur au début des années 1960, Gaston Étienne[4],[3], qui pensait qu'elle avait pu être occupée par Louis Mandrin, le célèbre contrebandier du XVIIIe siècle, car il était probablement venu séjourner plusieurs fois dans les environs, à Roucoule[5].

La grotte est fouillée depuis 1991 sous la direction de Ludovic Slimak[3],[b].

En 2017, la grotte Mandrin a été l'objet d'une des premières études fuliginochronologiques en France[1]. L'étude a porté sur des échantillons de parois calcaires dans lesquels ont été piégées des traces de suie — échantillons prélevés dans plusieurs couches stratigraphiques de 2006 à 2017. Ces dépôts de suie proviennent des feux allumés par les habitants du Paléolithique.

L'ensemble archéologique de la grotte Mandrin, couvrant l'emprise des gisements grotte et talus, thalweg, crête sommitale et tête de vallon fait l'objet d'une inscription au titre des Monuments historiques par arrêté du [6].

Préhistoire

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Occupations humaines

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Le site a été habité par des groupes d'hommes de Néandertal et d’Homo sapiens. L'intérêt que les archéologues portent à cette grotte tient notamment au fait que les installations de ces deux populations n'y sont séparées que de quelques années, ou peut-être d'un intervalle plus court ; il est même possible d'envisager que la grotte Mandrin ait été un lieu de rencontre des Néandertaliens et des Hommes modernes[1].

Une étude publiée en 2022 conclut à l'occupation par Homo sapiens datée à −54 000 ans (entre 56 800 et 51 700 ans, calibrés, avant le présent)[7],[8]. La datation, obtenue par fuliginochronologie et confirmée par thermoluminescence, concerne une couche de sédiments nommée E. Cette couche contient des outils modernes (fins et standardisés) et une molaire cassée d'un bébé, dont le talonide est moderne (carré), alors que les couches immédiatement en dessous et au-dessus contiennent des restes néandertaliens et des outils moustériens[9],[8].

Assemblages archéologiques

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Des similitudes rapprochent des assemblages archéologiques de la grotte Mandrin (couche E) et ceux trouvés dans un site levantin, Ksar Akil au Liban (couches XXV à XXI). Les chercheurs supposent une origine externe à l'Europe des industries de la grotte rhodanienne, en accord avec l'hypothèse d'une dispersion de l'Homme moderne du Proche-Orient vers l'Europe dans la période initiale du Paléolithique supérieur[10],[11],[12]. Ludovic Slimak estime possible qu'« une communauté sapiens probablement venue du Levant » ait fait une « incursion dans la vallée du Rhône »[13]. Le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin estime que cette hypothèse reste à confirmer[13].

Génétique

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Des restes fossiles d'un néandertalien surnommé Thorin ont été découverts en 2015 à l'entrée de la grotte à proximité de restes archéologiques typiques de la technologie finale datée dans la région à 50 000–40 000 ans, et sont progressivement dégagés. Un fragment du palais et plusieurs dents ont été étudiés en 2024, morphologiquement et génétiquement. Le génome indique que cette population néandertalienne à divergé il y a environ 105 000 ans des autres néandertaliens tardifs et qu'elle n'a reçu aucune introgression des autres populations de cette époque connues en Europe. Elle est donc restée isolée génétiquement pendant environ 50 000 ans, malgré la relative proximité géographique de ces autres populations européennes[14],[15].

Notes et références

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  1. D'après la courbe de niveau « 225 m » de la carte IGN sur laquelle est précisément localisée la grotte. Un pointage à l'aide de la carte IGN interactive (geoportail.gouv.fr) donne 226 m à 0,5 m près.
  2. Ludovic Slimak est chargé de recherche au CNRS, UMR 5608, TRACES, université de Toulouse-Le-Mirail.

Références

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  1. a b et c « Une nouvelle méthode pour dater la succession des occupations humaines en grotte : application à la question de la contemporanéité entre Néandertal et Homo sapiens sapiens | INEE », sur inee.cnrs.fr (consulté le ).
  2. Vincent Charpentier avec Ludovic Slimak, « Chasseur de néandertaliens », sur France Culture, Carbone 14 à 19:30/29:33, (consulté le ). On peut supposer que, dans cet interview, l'auteur parle en degrés Celsius. Ainsi l'écart est alors de 2 °C supérieurs à la température actuelle des océans, ce qui amène, sur terre à des températures bien plus élevées « plus de 10 °C, ici, localement ».
  3. a b c et d Pascale Yvorra et Ludovic Slimak, « Grotte Mandrin à Malataverne (Drôme). Premiers éléments pour une analyse spatiale des vestiges en contexte moustérien », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 98, no 2,‎ , p. 189-205 (DOI 10.3406/bspf.2001.12482, lire en ligne).
  4. « La grotte Mandrin : Gaston Étienne, inventeur de la grotte », sur malataverne.fr, mairie de Malataverne (consulté le ).
  5. « Origine du nom de la grotte Mandrin… », sur malataverne.fr, mairie de Malataverne (consulté le ).
  6. « Ensemble archéologique dit de la Grotte Mandrin », notice no PA26000037, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  7. Marine Benoit, « Une dent de lait bouleverse ce que l'on pensait savoir de Sapiens et de son apparition en Europe », Sciences et Avenir,‎ (lire en ligne).
  8. a et b (en) Ludovic Slimak, Clément Zanolli, Tom Higham, Marine Frouin, Jean-Luc Schwenninger et al., « Modern human incursion into Neanderthal territories 54,000 years ago at Mandrin, France », Science Advances, vol. 8, no 6,‎ (DOI 10.1126/sciadv.abj9496, lire en ligne  , consulté le ).
  9. (en) Michael Price, « Did Neanderthals and modern humans take turns living in a French cave? », Science,‎ (DOI 10.1126/science.ada1114, lire en ligne  , consulté le ).
  10. Ludovic Slimak, « Mosaïques culturelles des derniers Néandertaliens et des premiers Hommes modernes. Les données de la vallée du Rhône », dans Jean-Jacques Cleyet-Merle et al., Le Troisième Homme, Paris, RMN, (ISBN 978-2-7118-6431-7, lire en ligne), p. 154.
  11. (en) « Archaeological Evidence for Early Human Dispersals around the Mediterranean Basin », sur Radcliffe Institute for Advanced Study at Harvard University, (consulté le ).
  12. Damien Flas, La transition du Paléolithique moyen au supérieur dans la plaine septentrionale de l’Europe, Société royale belge d'Anthropologie et de Préhistoire, 2008, p. 127-128.
  13. a et b Barthélémy 2022.
  14. (en) Tom Hale, « Meet Thorin: A Cave-Dwelling Population Of Neanderthals Were Isolated For 50,000 Years » (consulté le ).
  15. (en) Ludovic Slimak, Tharsika Vimala, Andaine Seguin-Orlando, Olivier Dutour, Thomas Higham et al., « Long genetic and social isolation in Neanderthals before their extinction », Cell Genomics, vol. 4, no 9,‎ , article no 100593 (lire en ligne  , consulté le ).

Voir aussi

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Bibliographie (ordre de parution)

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Filmographie

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  • Rob Hope, Crépuscule néandertalien, pour aube moderne, 2015, 52 minutes, Y. N. Productions, Ville de Malataverne, Montagne TV, avec Ludovic Slimak, Tom Higham (en), Eske Willerslev (en), Laure Metz, et Ségolène Vandevelde. Prix du jury et du public du festival de films d'archéologie à Narbonne en ; sudoc [1] ; fiche sur Film documentaire.fr et présentation vidéo (3:27) [2].

Articles connexes

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Liens externes

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