Grande Rhêtra
La Grande Rhêtra (μεγάλη ῥήτρα / megalê rhêtra) est le texte fondateur des institutions de Sparte.
Composition et contenu
modifierElle est censée avoir été rédigée par Lycurgue, un personnage semi-légendaire (et possiblement fictif)[1] qui se serait vu attribuer les pleins pouvoirs afin de résoudre une crise agraire, sur les indications d'Apollon pythien. Elle nous est connue par deux sources : des fragments de Tyrtée et un passage de la Vie de Lycurgue (VI, 1–9) de Plutarque, qui mentionne quatre décrets :
- la construction d'un temple à Zeus Sullanios et Athéna Sullania ;
- la division du peuple en sections : tribus (φυλαί / phulai) et ὠϐαί / ôbai ;
- l'institution de la gérousie ;
- l'assemblée du peuple à l'époque de la pleine lune.
Les distiques de Tyrtée ne nous sont connus que par l'intermédiaire de Plutarque (ibid., VI, 10) et de Diodore de Sicile (VII, 12, 6) :
- Ainsi en effet le Seigneur à l'arc d'argent, l'agissant-au-loin Apollon
- à la chevelure d'or, a prophétisé depuis son gras adyton :
- « Que président toujours la délibération les rois honorés des dieux,
- rois qui ont souci de l'aimable cité de Sparte,
- et les Anciens du Conseil et qu'ensuite [ce soient] les hommes du peuple,
- répondant à leur tour par [ou à] de droites rhêtras
- [qu'ils] parlent honorablement et fassent tout justement
- et ne délibèrent pas [de travers] pour notre cité
- et qu'à la masse du peuple s'attachent victoire et suprématie.
- Phoibos en effet là-dessus a ainsi révélé à la cité. »
Le terme rhêtra (de εἴρω / eirô, parler) désigne un accord solennel et verbal, inspiré ou sanctionné par les dieux. C'est le nom que donnent les rois de Sparte à leurs décrets.
Dans son poème, Tyrtée évoque la royauté, une assemblée (Gérousia) et un conseil populaire (ecclésia ou apella). L'objectif de cette constitution est d'atteindre l'eunomia.
Critique d'Aristote
modifierDans ses Politiques, Aristote critique de nombreux aspects de la constitution de Sparte. Il s'attaque notamment aux institutions. Il commence par critiquer les éphores, qu'il accuse d'être trop puissants. Pour étayer sa critique, il met en avant des supposées affaires de corruption et de trahison impliquant les éphores. Il se réfère notamment à une affaire méconnue des historiens. Ensuite, il s'attaque à la Gérousie et à son système d'élection qu'il qualifie de « puérile » car il n'a pas évolué. En effet, les gérontes sont élus parmi les volontaires. Ceux qui sont élus sont ceux qui provoquent le plus de clameur dans l'assemblée populaire. Ce système est caractéristique des cités guerrières, contrairement à Athènes où le mode d'élection est d'abord un vote puis un tirage au sort à partir de 487 avant notre ère. Il est évident que Aristote, bien que métèque, fasse la promotion du système athénien. Enfin, Aristote fait la critique des deux rois en mettant en avant une concorde impossible entre ces deux personnages.
Bibliographie
modifier- Edmond Lévy :
- Sparte : Histoire politique et sociale jusqu'à la conquête romaine, Seuil, coll. « Points histoire », 2003.
- [Lévy 1997] « La Grande Rhètra », Ktèma, no 2, , p. 85-103 (DOI 10.3406/ktema.1977.2374, lire en ligne [PDF]).
- La Grèce au Ve siècle, de Clisthène à Socrate, Éditions du Seuil, collection « Points histoire », 1995.
- Françoise Ruzé :
- [Ruzé 1991] « Le Conseil et l'Assemblée dans la grande Rhètra de Sparte », Revue des études grecques, t. 104, nos 495-496, , p. 15-30 (OCLC 9978159223, DOI 10.3406/reg.1991.2500, JSTOR 44264623, lire en ligne [PDF]).
- [Ruzé 2012] « Dire le droit : retour sur la Grande Rhètra », dans Bernard Legras et Gerhard Thür (éd. et préf.), Symposion : études d'histoire du droit grec et hellénistique (Paris, -) / Vorträge Zur Griechischen Und Hellenistischen Rechtsgeschichte (Paris, 7.-10. September 2011), Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, philosophisch-historische Klasse, Kommission für antike Rechtsgeschichte, coll. « Akten der Gesellschaft für griechische und hellenistische Rechtsgeschichte » (no 23), , 1re éd., IX-434 p., 23 cm (ISBN 978-3-7001-7370-0, EAN 9783700173700, OCLC 863699048, BNF 43540035, DOI 10.2307/j.ctt1vw0q8s, JSTOR j.ctt1vw0q8s, SUDOC 168580373, lire en ligne [PDF]), chap. 2, p. 5-15.
- (de) Luther Andreas, Könige und Ephoren. Untersuchungen zur Spartanischen Verfassungsgeschichte, Frankfurt-am-Main, 2004.
Références
modifier- Claude Mossé, Les institutions grecques à l'époque classique, Paris, Armand Colin, , 8e éd. (1re éd. 1996), 215 p. (ISBN 9782200633660), p. 113