Georges Truptil
Georges Truptil, né le à Therdonne[1] et mort le à Mouy[2], est un officier et aventurier français. Retraité des troupes coloniales, il est rappelé en 1915 pour aller mener une campagne de recrutement de main-d'œuvre en Chine, la mission Truptil.
Georges Truptil Georges Auguste Truptil | |
Naissance | Therdonne |
---|---|
Décès | (à 68 ans) Mouy |
Allégeance | France |
Arme | troupes coloniales |
Grade | Lieutenant-colonel |
Années de service | – 1915 |
Distinctions | Légion d'honneur |
Autres fonctions | Directeur de la mission Truptil en Chine |
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Biographie
modifierAlors lieutenant, il fait partie de la mission Bouinais, lancée en 1892 en Indochine pour étudier la circulation du Mékong[3].
Il est blessé en lors de l'assaut de Sikasso par un obus, un coup de baïonnette à la main droite, et par un coup de feu à l'avant-bras droit.
Il est maintenu dans la réserve coloniale, promu au grade de lieutenant-colonel le [4].
Mission de recrutement en Chine
modifierContexte
modifierLa première évocation de l'idée d'un recours à de la main-d'œuvre chinoise en France remonte au , lorsque le Ministre de la guerre Alexandre Millerand pense les employer à la construction de routes. Cette idée n'est pas suivie d'effet, Millerand ne trouvant pas d'appui à sa proposition parmi les autorités politiques françaises. Mais en juin, la situation militaire et économique ne s'étant pas améliorée, la France accueille à bras ouverts la proposition de Liang Shiyi — alors conseiller de Yuan Shikai et futur premier ministre chinois — de fournir des hommes pour assurer des tâches non militaires en Europe. L'ambassadeur de France à Beijing Alexandre-Robert Conty est chargé d'étudier les conditions de recrutement de cette main-d'œuvre[5]. De son côté, la Chine, tenue par sa neutralité, souhaite néanmoins faire quelques démarches en direction des Alliés, afin de lui permettre de récupérer la concession allemand de Qingdao, occupée par les Japonais qui mettent le siège devant le port allemand dès le déclenchement des hostilités[6].
Fin 1915, le Royaume-Uni et la France connaissant de graves problèmes de recrutement de main-d'œuvre, et se résolvent finalement à engager respectivement 100 000 et 35 000 Chinois afin de contribuer à l’effort de guerre, soit un total de 135 000 « coolies », c'est-à-dire concrètement des travailleurs forcés sous contrat[7]. Le , un traité est signé entre la France et le gouvernement chinois, alors dirigé par Duan Qirui, qui s'engage à fournir ces hommes, surnommés « travailleurs célestes », pour participer à des tâches non militaires, la Chine ne voulant pas entrer en guerre avec l'Allemagne. Il ne devait donc pas y avoir de soldat chinois sur le front européen, contrairement par exemple aux 4 000 tirailleurs indochinois des colonies d'Indochine, recrutés dès 1915, qui complètent également un recrutement de main-d'œuvre pour les industries d'armement.
La mission Truptil
modifierÀ la demande de l'ambassadeur Conty, une commission est mise sur pied. La condition mise par Beijing pour apporter son aide à la France est que les recrutements se fassent au travers de compagnies privées, la Chine étant officiellement neutre. Liang Shiyi, vraisemblablement, donne son accord pour un contingent de 30 000 à 40 000 Chinois[5].
Le , Truptil est choisi pour prendre la tête de la commission de recrutement. Lui et son équipe appareillent deux semaines plus tard, le [7], et arrivent à Beijing le . Pour contourner tout risque d'accusation de violation de neutralité de la part de l'Empire allemand, les Chinois donnent comme interlocuteur à Truptil une société ad hoc, l'entreprise Huimin, cofondée à Tianjin en par Liang Shiyi et Wang Kemin, directeur de la Banque chinoise de l'industrie. De son côté, Truptil doit lui aussi user de subterfuge, se faisant passer pour un ingénieur agronome représentant des producteurs agricoles en quête de main-d'œuvre. La mission Truptil, après de longues négociation entre État chinois d'une part, Ministère français de la guerre et CGT d'autre part — la CGT craignant que l'arrivée de travailleurs chinois ne soit l'occasion d'une baisse des salaires[8] — signe donc un contrat avec Huimin, dit « contrat Truptil-Huimin », pour assurer le recrutement d'ouvriers agricoles le [9]. Il convient également avec une autre entreprise d'un contrat de 600 ouvriers spécialisés avec une autre société chinoise. Le premier contingent de 1 698 travailleurs chinois arrive à Marseille le [5].
Le recrutement devait se faire initialement dans le nord de la Chine car, croyait-on, les Chinois du Nord pourraient mieux s’acclimater au froid de l’hiver ; de fait, 85 % des travailleurs chinois viennent du Shandong[10]. La gestion des recrues se fait en France par le département des troupes coloniales, dépendant du Ministère de la guerre. Ces jeunes paysans robustes comptent bien faire fortune mais ne savent même pas que la guerre sévit sur le continent européen. Le recrutement commencé dans le Nord se fera également dans le Sud en raison des difficultés de recrutement, mais les objectifs convenus avec le gouvernement chinois, d'abord 40 000 volontaires puis un nombre toujours plus grand, comme 100 000 ouvriers fin 1917, ne seront jamais atteints[7].
Il faut noter que la mission Truptil n'est pas la seule envoyée en Chine pour exécuter ce type de mission. Le Ministère du travail envoie le une mission de la Société franco-chinoise d'éducation avec le même objectif de trouver de la main-d'œuvre à engager dans les usines en France. Puis la mission Louis Grillet arrive à son tour début 1917, commandée comme la mission Truptil par le Ministère de la guerre, et officiellement subordonnée à la mission Truptil, toujours active. Mais cette fois-ci, la mission Grillet concentre son action de recrutement sur les provinces du sud, Yunnan et Sichuan en tête. La mission Truptil n'en demeure pas moins la plus productive des missions françaises durant la guerre[5], avec environ 50 000 Chinois envoyés en France. Les Britanniques font de même, avec l'envoi en Chine de Thomas J. Bourne fin 1916, et la création du Chinese Labour Corps[11].
Distinctions
modifier- Légion d'honneur[12]
- Chevalier (1898)
- Officier (1912)
- Médaille commémorative de l'expédition du Tonkin
- Médaille coloniale
- Officier de l'ordre royal du Cambodge
- Officier de l'ordre du Dragon d'Annam
- Ordre du Soleil levant du Japon
Notes et références
modifier- Base Léonore
- Registre journalier des inhumations au cimetière de Montmartre, vue 13/31, avec la mention marginale « venant de Mouy (Oise), mort le 23/3/1934 ».
- « Colonel Bouinais », sur www.military-photos.com (consulté le ).
- Joseph Gallieni, « Décret et décisions portant promotions et mutations (troupes coloniales) », Journal officiel, no 342, , p. 9261 (ISSN 0373-0425, lire en ligne).
- (en) Xu Guoqi, Strangers on the Western Front : Chinese workers in the Great War, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, , 336 p. (ISBN 978-0-674-04999-4, lire en ligne), p. 16-20.
- (nl) redactie, « Chinezen in Poperinge em omstreken in… 1917 », sur www.chinasquare.be, (consulté le ).
- Véronique Poisson, « Les grandes étapes de cent ans d’histoire migratoire entre la Chine et la France », Hommes & Migrations, no 1254, , p. 6-17 (ISSN 1142-852X, lire en ligne [PDF]). Dossier spécial « Chinois de France », coordonné par Véronique Poisson.
- (en) Mark O'Neill, The Chinese Labour Corps, Penguin Books, , 100 p. (lire en ligne).
- Voir le contrat-type reproduit dans (en) Da Chen, Chinese Migrations, with Special Reference to Labor Conditions, (ASIN B001BP3J1K, lire en ligne), p. 207.
- Laurent Ribadeau Dumas, Li Ma, interview, « Les ouvriers chinois de la Première guerre mondiale », sur geopolis.francetvinfo.fr, France Télévisions, (consulté le ).
- Gao Zhuan, « La Grande Guerre vue sous l’angle de la Chine », La Chine au présent - en ligne, (ISSN 1003-0921, lire en ligne).
- « Cote 19800035/451/60306 », base Léonore, ministère français de la Culture
Bibliographie
modifier: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) Xu Guoqi, China and The Great War : China's Pursuit of a new National Identity and Internationalization, Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge University Press, , 316 p. (ISBN 978-0-521-28323-6, présentation en ligne). Alain Roux mentionne une « bonne présentation de la mission Truptil ». Alain Roux, « Xu Guoqi, China and The Great War. China’s Pursuit of a New National Identity and Internationalization », Perspectives chinoises, no 90, juillet-, mis en ligne le , consulté le .
- Sion Live Yu, La Diaspora chinoise en France : immigration, activités socio-économiques, pratiques socio-culturelles, École des hautes études en sciences sociales, , 417 p., p. 85-95. Mémoire de thèse non publié. Cité par François Duchêne et Jérôme Godard, De l'isolement à l'oubli, le cantonnement des travailleurs allogènes : Relégations urbaine, environnementale, citoyenne et occultation mémorielle dans les territoires de l'industrie chimique lyonnaise (69) et roussillonnaise (38), Vaulx-en-Velin, Laboratoire RIVES - UMR CNRS-ENTPE 5600, , p. 38.
- SHAT, « Recrutement d'ouvriers chinois — Mission Truptil », Vincennes, carton 5 N 134.
- Ma Li (sous la direction de), « La mission Truptil et les travailleurs chinois en France », dans Ma Li, Les travailleurs chinois en France dans la Première Guerre mondiale, Éditions du CNRS, .
- Marc Pottier, Normands de tous les pays : L'immigration étrangère en Basse-Normandie de 1900 à 1950, Cabourg, Cahiers du Temps, , 175 p. (ISBN 978-2-911855-17-7), p. 46-60.
- Laurent Dornel et Céline Regnard, Les Chinois dans la Grande Guerre : Des bras au service de la France, Paris, Les Indes Savantes, .
Liens externes
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