Film perdu

film qui n'existe plus dans les archives de studio

Un film perdu est un long ou un court métrage de cinéma qui n'existe plus dans aucune archive de quelque studio que ce soit ou encore qu'on ne peut plus trouver dans aucune collection privée. L'expression « lost media » est également utilisée pour désigner des œuvres dont certaines parties ou l'intégralité ont été perdues, non éditées ou dont des versions alternatives ont été égarées.

Parfois une copie d'un « film perdu » est retrouvée ; ces copies sont alors répertoriées sous le nom de films Lazare[réf. nécessaire]. Un film qui n'a pas été retrouvé dans son intégralité est appelé un « film partiellement perdu ».

Les raisons de la perte d'un film

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La plupart des films perdus sont des films muets ou des films des premières années du cinéma parlant, des années 1894 à 1930 environ[1]. La fondation de préservation du film de Martin Scorsese estime que 80 % des films de cette époque sont perdus[2].

De nombreux films des débuts du cinéma se sont perdus à cause de la présence de nitrate, particulièrement instable et inflammable, dans les pellicules photographiques cinématographiques. Le feu a ainsi détruit des archives entières de films ; par exemple, un feu de chambre de stockage en 1932 a détruit tous les négatifs originaux des métrages de la Twentieth Century Fox tournés avant 1935[3],[2]. De plus, la pellicule peut être détériorée rapidement si elle n'est pas préservée dans une température et une humidité contrôlée[4].

En 1923, ruiné, le réalisateur pionnier Georges Méliès brûle plusieurs centaines de négatifs de son stock installé à Montreuil[2].

Mais la cause la plus répandue de la perte de films muets fut la destruction intentionnelle, étant donné que les films silencieux avaient peu ou aucune valeur commerciale après la fin de l'ère du muet en 1930. Le conservateur Robert A. Harris a dit :

« La plupart des premiers films n'a pas survécu à cause de la vente en masse des studios. Il n'y avait aucune raison de sauver ces films. Ils avaient simplement besoin d'une chambre forte, mais le matériel était cher à l'époque pour les studios[5]. »

 
Theda Bara dans Cléopâtre de 1917 (film perdu).

Plusieurs des premiers films de Warner Bros et de la First National furent perdus parce qu'ils utilisaient le procédé du son sur disque, qui utilisait des enregistrements séparés sur un phonographe spécial. Ces enregistrements étaient souvent perdus ou mal placés, rendant ainsi la bobine sans valeur, « une empreinte muette », et par conséquent ils étaient jetés. Cela changea en 1930, quand ces studios se convertirent au procédé du son sur pellicule.

Avant l'ère du home vidéo et de la télévision, on considérait les films comme ayant peu de valeur après leur perte de succès au cinéma. Ainsi, de nombreux films furent délibérément détruits par les studios au nom du gain de place. Beaucoup d'anciens négatifs bicolores en Technicolor des années 1920 et 1930 furent jetés dans le même but de faire de la place, quand les studios refusaient de reprendre leurs films, qui étaient alors dans les coffres de Technicolor. Beaucoup de films furent recyclés afin de récupérer l'argent contenu dans les pellicules. Certaines impressions furent vendues intactes ou brisées en plusieurs morceaux à des personnes qui avaient acquis des appareils de projection privés et désiraient posséder des scènes de leurs films favoris afin de les montrer à leur entourage.

Afin de préserver les films à base de nitrate, on les copia sur des pellicules de sauvetage à base de cellulose ou grâce au numérique, cependant l'option cellulose est plus appréciée que l'option numérique dans la communauté des archives à cause de sa longévité prouvée et de sa ressemblance à la forme originale.

D'où le cas de Theda Bara : des 40 films qu'elle a tournés, seulement trois et demi ont survécu. Plus typique, le cas de Clara Bow ; de ses 57 films, 20 sont complètement perdus et 5 sont incomplets[6].

Il demeure des exceptions occasionnelles : tous les films de Charlie Chaplin en ont réchappé, ainsi que nombre de métrages inutilisés datant de 1914, sauf A Woman of the Sea (qu'il a lui-même détruit) et l'un de ses premiers films avec Keystone, Her Friend the Bandit.

Films perdus après 1950

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Le format de pellicule de sauvegarde en 35 mm fut introduit en 1949. Ce format était bien plus stable que la précédente pellicule au nitrate et la preuve en fut que très peu de films furent perdus après les années 1950. Cependant, certaines couleurs disparaissaient et le syndrome du vinaigre menaçait la pellicule.

La plupart des principaux films des années 1950 ont survécu jusqu'à aujourd'hui, à part quelques-uns des premiers films pornographiques et quelques séries B qui furent perdus. Dans la plupart des cas ces films obscurs restent complètement inconnus, mais quelques films de réalisateurs reconnus ont aussi été perdus. En voici quelques-uns :

  • Ecstasies of Women et Linda and Abilene de Herschell Gordon Lewis, sorti en 1969 ;
  • The Undergraduate, d'Ed Wood (1972), tout comme Take It Out In Trade du même réalisateur (1970), dont il ne reste que quelques fragments sans son. On crut pendant des années que Necromania datant de 1971, toujours d'Ed Wood, était perdu jusqu'à ce qu'une version éditée refît surface dans une brocante en 1992, puis une copie complètement inédite suivit en 2001[7]. Une copie entière d'un précédent film pornographique de Ed D. Wood Jr., The Young Marrieds fut retrouvée en 2004 ;
  • The Noble Experiment de 1955, le premier film de Tom Graeff (en), est considéré perdu. Dans ce film Tom Graeff endosse les étiquettes de réalisateur, auteur et acteur puisqu'il joue un scientifique au génie incompris ;
  • La majorité des premiers films d'Andy Milligan sont considérés également perdus ;
  • Beaucoup de films réalisés pour l'éducation, la formation, ou dans un but religieux des années 1940 jusqu'aux années 1970 ont aussi été perdus, étant donné qu'ils étaient considérés comme jetables ou améliorables.
  • Le Mariage collectif (1971) de Sven Olsen et Sven Holm a été également perdu, seule la bande-son de Jean-Pierre Mirouze a été sauvegardée[8].

Certaines versions (noir et blanc/couleur, avec ou sans son, etc.) de la plupart des films récents sont peut-être perdues également. Les premiers films en couleur, tels que L'Île mystérieuse de Lucien Hubbard (The Mysterious Island) de 1929 et The Show of Shows de John G. Adolfi, existent seulement partiellement ou pas du tout en couleur, car les copies restantes ont été faites en noir et blanc pour les archives. Deux films en 3-D de 1954, Top Banana et Southern Passage existent seulement dans leurs formes en 2-D car une seule copie fut faite au lieu d'une copie pour chaque œil comme il se doit.

Films menacés

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Beaucoup de films importants de l'ère du cinéma muet, des films où jouent des acteurs célèbres, des films au talent créatif, existent en un seul exemplaire dans les musées et collections privées. Il s'agit de films qui n'ont jamais été copiés, numérisés ou préservés d'aucune manière que ce soit.

Films dont la bande son a été perdue

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Quelques films produits avec le système du son sur disque comme avec le Vitaphone, où les disques étaient séparés de la pellicule, sont maintenant considérés comme perdus parce que les disques sont endommagés ou détruits, alors que la pellicule ne l'est pas. Plusieurs films du Vitaphone qui ont survécu existent par l'image seulement, tandis que la bande sonore est perdue alors qu'au contraire, d'autres ont seulement vu leur disque survivre, sans la pellicule.

Plusieurs enregistrements stéréophoniques du milieu des années 1950 furent joués en s'enclenchant sur une bobine magnétique 35 mm ou une bande magnétique simple (telle que la bande magnétique à quatre pistes de Fox, bande qui devint le standard de la bande sonore stéréophonique) sont à présent perdus. Des films tels que La Maison de cire[9] (House of Wax), The Caddy, La Guerre des mondes (The War of the Worlds), The 5,000 Fingers of Dr T et Tant qu'il y aura des hommes (From Here to Eternity) qui furent à l'origine enregistrés sur des bandes à trois pistes, ont aujourd'hui leur son magnétique utilisable uniquement sur des bandes son à pistes optiques monophoniques. Toute la chimie propre à la pratique du magnétique appliquée à la pellicule à base triacétate fut la cause effective du déclin du film autocatalytique ("syndrome du vinaigre"). Tant que les studios utilisaient un négatif optique monophonique pouvant être impressionné, les studios exécutifs ne ressentaient pas le besoin de préserver les versions stéréophoniques des bandes son.

Films impropres à la commercialisation

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Le terme « film perdu » a également été appliqué par erreur aux films qui survécurent en intégralité, mais qui n'ont jamais été présentés au public dans des formats comme la VHS et le DVD, et dans quelques cas, qui n'ont jamais été diffusés à la télévision (peu de ceux-là sont disponibles dans des bootlegs de qualité variable) :

Films retrouvés ou redécouverts

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Occasionnellement, les copies d'un film (comme les émissions de télévision) qui sont considérées comme perdues peuvent être retrouvées. Par exemple, la version de Frankenstein de 1910 était perdue pendant des décennies jusqu'à ce qu'une copie soit retrouvée dans les années 1970 chez quelqu'un devenu collectionneur malgré lui. Ce fut également le cas du film Richard III de James Stuart Blackton sorti en 1912 dont une copie a été retrouvée en 1996 et restaurée par l'American Film Institute. De même pour un certain nombre d'épisodes de la série télévisée britannique Doctor Who considérés comme perdus et qui furent retrouvés au cours des années, notamment chez des collectionneurs privés, comme ce fut le cas pour l'épisode The Tomb of the Cybermen.

Parfois, un film que l'on croit perdu dans son état d'origine est restauré ou modifié, que ce soit par le procédé de colorisation ou autres méthodes de restauration.

The Cage, le pilote télévisuel original de Star Trek, sorti en 1964, a seulement survécu dans sa version en noir et blanc jusqu'aux années 1980, quand des éléments en couleur furent retrouvés, permettant à une version entièrement en couleur d'être rassemblée. Et, au début des années 2000, le film allemand Métropolis de Fritz Lang — qui a été distribué sous plusieurs montages différents au fil des années — fut restauré afin qu'il soit le plus proche possible de la version originale en rétablissant le montage d'origine et en réparant les dommages par ordinateur. Pourtant, environ un quart du film d'origine a été considéré perdu, d'après le distributeur en DVD du film restauré Kino Video. Le , les experts du cinéma de Berlin déclarèrent qu'une copie complète du montage des 210 minutes originales du film avait été trouvée[11] dans les archives du Museo del Cine à Buenos Aires [12].

Considéré comme perdu le film autrichien Die Stadt ohne Juden (1924) a été redécouvert en 1991 grâce à une copie de 1930.

Films réalisés avec des morceaux de films perdus

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Plusieurs films ont été réalisés en incorporant des fragments de films perdus. Decasia sorti en 2002, composé uniquement de séquences délabrées, donne l'effet d'un poème au ton abstrait entre lumière et obscurité[13]. De même pour le film plus historique Lyrisch Nitraat de Peter Delpeut en 1990 qui contient seulement des séquences trouvées dans une boîte entreposée dans un cinéma à Amsterdam. En 1993, Delpeut réalisa Forbidden Quest composé de séquences appartenant aux débuts du cinéma et de photographies d'archives combinées avec du nouveau matériel afin de raconter l'histoire fictive d'une expédition en Antarctique destinée à l'échec.

Le documentaire parodique Forgotten Silver prétend montrer des séquences retrouvées des débuts du cinéma. Mais au lieu de cela, les réalisateurs se servent de séquences fraîchement tournées les faisant passer pour des films perdus[14].

Quant au film Eldorado de Bouli Lanners, sorti en 2008, il reprend des séquences de film amateur trouvées par hasard sur une brocante, qui ne portaient aucune date et aucun nom.

Passages télévisés et radiodiffusés perdus

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La télévision, même durant la seconde partie du XXe siècle, eut ce problème. Nommés Wiping (en), les enregistrements jusqu'aux années 1980, étaient effacés et les bandes vidéos recyclées (ou détruites pour ne pas payer l'archivage). Cela peut s'expliquer par le fait que les dirigeants ne voyaient aucune postérité dans des enregistrements, qui seront ensuite considérés comme obsolètes avec la télévision couleur. Les jeux ou les émissions tournés en direct n'étaient pas enregistrés. Quant à l'enregistrement par les téléspectateurs, il faudra attendre les magnétoscopes dans les années 1980 pour avoir plusieurs enregistrements fiables.

Des moments cultes furent perdus à la suite de ces politiques : de très nombreux feuilletons, dont les premiers épisodes de Doctor Who, des événements sportifs comme les premiers Super Bowl. Les événements culturels ne furent pas épargnés comme l'Eurovision 1956 et 1964 ou l'émission Top of the Pops (avec l'unique apparition des Beatles).

Notes et références

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  1. (en) L'Ère du muet : Présumés perdus, consulté le 22 juillet 2008.
  2. a b et c Macha Séry, « L'Atlantide des films perdus », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  3. Little Ferry, New Jersey, le .
  4. Yann Bouchez et Laurent Carpentier, « Incendie mortel à Vincennes : histoire d’un cinéphile et d’une passion inflammable », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  5. (en) Robert A. Harris, public hearing statement au National Film Preservation Board, à la Bibliothèque du Congrès, Washington, D.C., février 1993, consulté le 23 juillet 2008.
  6. (en) Clara Bow.net, consulté le 24 juillet 2008.
  7. (en) New Yorker:In the Vault article de journal paru dans The New Yorker, consulté le 25 juillet 2008.
  8. « Libération, Sophian Fanen, « Une B.O. d'art et déchet », 18 décembre 2012. »
  9. (fr) voir La Maison de cire le remake de ce film.
  10. (en) Michelle Koerner, Women Film Pioneers Project, New York, Columbia University Libraries, (lire en ligne), « Wanda Tuchock »
  11. (en) La renaissance de Metropolis, consulté le 29 juillet 2008.
  12. (en) The local, consulté le 29 juillet 2008.
  13. (fr) Hors champ, consulté le 29 juillet 2008.
  14. (fr) article sur Forgotten Silver sur le site du cinéphile, consulté le 29 juillet 2008.

Voir aussi

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Articles connexes

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