Algèbre

branche des mathématiques s'intéressant aux structures et à la résolution d'équations
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L'algèbre (de l’arabe : الجبر, al-jabr) est une branche des mathématiques qui permet d'exprimer les propriétés des opérations et le traitement des équations et aboutit à l'étude des structures algébriques. Selon l’époque et le niveau d’études considérés, elle peut être décrite comme :

Algèbre
Page de l'Algebra d'Al-Khwârizmî.
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Le domaine d'application de l'algèbre s'étend des problèmes arithmétiques, qui traitent de nombres, à ceux d'origine géométrique tels que la géométrie analytique de Descartes ou les nombres complexes. L'algèbre occupe ainsi une place charnière entre l'arithmétique et la géométrie permettant d'étendre et d'unifier le domaine numérique[n 1].

Étymologie

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Le mot « algèbre » est dérivé du titre d’un ouvrage rédigé vers 825, Kitāb al-mukhtaṣar fī ḥisāb al-jabr wa-l-muqābala (« Abrégé du calcul par la restauration et la comparaison »), du mathématicien d'origine persane Al-Khwarizmi. Ce livre avait des objectifs pratiques : le calcul d’héritage, l'arpentage, les échanges commerciaux, etc.[1], et s'inscrivait dans l'époque d'essor des sciences et techniques islamiques.

Le mot arabe al-jabr (الجبر) signifie « réduction d'une fracture », « réunion (des morceaux) », « reconstruction », « connexion », « restauration », « reboutement ». Dans le contexte mathématique, il désigne la transformation d'une équation par ajout d'un terme. En langage actuel, par exemple, on peut transformer  , en ajoutant la quantité b aux deux membres de l'équation pour n'avoir que des termes positifs :  .

Il est à l’origine du mot latin algebra qui a donné « algèbre » en français. En espagnol, le mot algebrista[2] désigne aussi bien celui qui pratique le calcul algébrique que le rebouteux (celui qui sait réduire les fractures).

Histoire

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Antiquité

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Dès l'Antiquité égyptienne ou babylonienne, les scribes disposaient de procédures pour trouver une quantité inconnue soumise à certaines conditions. Ainsi, les anciens Babyloniens et Égyptiens savaient déjà résoudre des problèmes qui peuvent être traduits en équations du premier ou second degré. Les Babyloniens utilisaient également la technique des algorithmes[3], et cela bien avant Euclide.

Par exemple, le papyrus Rhind (conservé au British Museum de Londres, il date des années 1650 av. J.-C.) comporte l'énoncé suivant :

« On doit diviser 100 miches de pain entre dix hommes comprenant un navigateur, un contremaître et un gardien, tous trois recevant double part. Que faut-il donner à chacun ? »

Dans un autre exemple[4], un problème babylonien demande le côté d'un carré tel qu'on obtienne 870 en soustrayant ce côté de l'aire du carré. Traduit en termes algébriques cela revient à résoudre l'équation du second degré suivante :  , où « x » désigne le côté cherché.

Au IIIe siècle de l'ère chrétienne, Diophante d'Alexandrie pratique une forme d'algèbre pré-symbolique[n 2], en introduisant une inconnue sur laquelle il opère des calculs.

La mathématique grecque appelait « analyse » la méthode qui consiste à nommer une inconnue et à la manipuler afin de remonter à partir des conditions imposées par l'exercice jusqu'à l'identification des propriétés de l'inconnue qui alors peut être déterminée et devient connue.

Monde arabo-musulman

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Dans le livre Kitāb al-mukhtaṣar fī ḥisāb al-jabr wa-l-muqābala (« Abrégé du calcul par la restauration et la comparaison ») du mathématicien Al-Khwarizmi, écrit à Bagdad, sous le règne d'Al-Ma’mūn (813-833), une large proportion des méthodes utilisées sont issues de résultats élémentaires de géométrie. Pour cette raison, on classe souvent ces premiers résultats dans la branche de l'algèbre géométrique.

L'innovation majeure fut l'introduction du concept d'« équation »[6]. Il s'agissait d'une égalité entre deux expressions mathématiques comportant dans leurs termes des nombres connus et une quantité inconnue. Une telle égalité était la traduction en langage mathématique des conditions imposées par le problème pour découvrir l'inconnue. Par exemple : « quel est le carré qui combiné avec dix de ses racines, donne une somme égale à 39 ? », problème que nous traduirons en algèbre contemporaine (il s'agit plus précisément d'une « transcription » et non d'une traduction, car la notation en exposants numériques ne commence qu'avec Descartes) sous la forme :  , en notant « x » la racine inconnue du carré. Des symboles spéciaux sont créés pour désigner carré, cube, racine carrée, racine cubique : la notion d'exposant numérique, même simplement entier, n'émerge pas encore[7].

La légende attribue parfois à Léonard de Pise dit Fibonacci (1170-1250) l'importation des chiffres dits arabes qu'il aurait découverts lors d'un voyage en Afrique. C'est oublier que Gerbert d'Aurillac (945-1003), qui les avait étudiés à Cordoue, avait entrepris de les imposer à la chrétienté une fois devenu pape de l'an Mil sous le nom de Sylvestre II. C'est cependant le livre de Fibonacci Liber abaci[n 3] , qui définira la fameuse suite de Fibonacci et contribuera à populariser l'usage des chiffres arabes et du système décimal en Europe[9].

XVIe et XVIIe siècles en Europe

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François Viète.

Le pape Gerbert d'Aurillac avait ramené d'Espagne vers l'an 1000 le zéro, invention indienne que les mathématiciens Al-Khwarizmi et Abu Kamil avaient eux-mêmes fait connaître dans tout l'Empire abbasside, et aussi à Cordoue.

Cette numération de position complète bien le calcul algébrique, d'abord au moyen des algorithmes (terme dérivant de « Al-Khwarizmi »[10], mais procédé déjà utilisé dans l'algorithme d'Euclide), qui remplacent peu à peu l'usage de l'abaque.

Le premier livre imprimé sur l'algèbre a été composé par le franciscain Luca de Burgo ; il a été publié pour la première fois en 1494, puis de nouveau en 1523, sous le titre Summa de arithmetica, geometria, de proportioni et de proportionalita[11].

Les mathématiciens italiens du XVIe siècle (del Ferro, Tartaglia et Cardan) résolvent l'équation du 3e degré (ou équation cubique). Ferrari, élève de Cardan, résout l'équation du 4e degré (ou équation quartique), et la méthode est perfectionnée par Bombelli. À la fin du siècle, le Français Viète découvre que les fonctions symétriques des racines sont liées aux coefficients de l'équation polynomiale.

Jusqu'au XVIIe siècle, l'algèbre peut être globalement caractérisée comme la suite ou le début des équations et comme une extension de l'arithmétique ; elle consiste principalement en l'étude de la résolution des équations algébriques, et la codification progressive des opérations symboliques permettant cette résolution. François Viète (1540-1603), « considéré comme le fondateur de notre langage algébrique », innove en notant les inconnues et les indéterminées à l'aide de lettres[12].

Alors que chez Viète les puissances étaient notées avec des mots latins[12], René Descartes les note sous forme d'exposants et c'est cette écriture qui s'impose[12]. À peu de chose près nous avons conservé les notations littérales de Descartes qui constituent un véritable symbolisme algébrique. Le terme « algèbre » devient alors synonyme de « calcul littéral ». René Descartes et Pierre de Fermat introduisent également ce que l'on appelle toujours dans les collèges et les lycées la « géométrie analytique », autrement dit la géométrie des coordonnées : les courbes et les surfaces sont représentées par des équations que l'on manipule au moyen de l'algèbre.

Les mathématiciens commencent, aussi à cette époque, progressivement à utiliser des nombres « imaginaires » pour calculer les racines de leurs équations, parfois même quand ces dernières sont bien réelles[n 4].

XVIIIe et XIXe siècles en Europe

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Une étape décisive fut franchie avec l'écriture des exposants fractionnaires, puis rapidement réels et imaginaires. Ceux-ci permettront à Euler d'énoncer sa célèbre formule   liant cinq nombres remarquables. Par ces exposants imaginaires s’opère la jonction sans couture du monde algébrique et du monde trigonométrique.

Prendre en compte les solutions des équations qui sont des nombres complexes amène d'Alembert à énoncer (en 1746) et Gauss à démontrer (en 1799) le théorème fondamental de l'algèbre :

Théorème — Toute équation polynomiale de degré n en nombres complexes a exactement n racines (en comptant chacune avec son éventuelle multiplicité).

Sous sa forme moderne, le théorème s'énonce :

Théorème — Le corps   des nombres complexes muni de l'addition et de la multiplication est algébriquement clos.

Le XIXe siècle s'intéresse désormais à la calculabilité des racines, et en particulier à la possibilité de les exprimer par des formules générales à base de radicaux. Les échecs concernant les équations de degré 5 amènent le mathématicien Abel (1802-1829) (après Vandermonde, Lagrange et Gauss) à approfondir les transformations sur l'ensemble des racines d'une équation. Évariste Galois (1811 - 1832), dans un mémoire fulgurant, étudie le groupe des permutations des racines d'une équation polynomiale et aboutit à l'impossibilité de la résolution par radicaux pour les équations de degré supérieur ou égal à 5.

 
Ernst Kummer.

Dès lors, on s'est mis à calculer sur des objets qui ne sont plus forcément des nombres. L'algèbre moderne entame un parcours fécond : Boole (1815-1864) crée l'algèbre qui porte son nom, Hamilton invente les quaternions, et les mathématiciens anglais Cayley (1821-1895), Hamilton (1805-1865) et Sylvester (1814-1897) étudient les structures de matrices. L'algèbre linéaire, longtemps restreinte à la résolution de systèmes d'équations linéaires à 2 ou 3 inconnues, prend son essor avec le théorème de Cayley-Hamilton (« Toute matrice carrée à coefficients dans   ou   annule son polynôme caractéristique »). S'ensuivent les transformations par changement de base, la diagonalisation et la trigonalisation des matrices, et les méthodes de calcul qui nourriront, au XXe siècle, la programmation des ordinateurs. Dedekind (1831-1916) définit les idéaux (déjà présents plus qu'en germe dans la notion de nombre complexe idéal introduite par Kummer (1810-1893)[13]), qui permettront de généraliser et de reformuler les grands théorèmes d'arithmétique. L'algèbre linéaire se généralise en algèbre multilinéaire et algèbre tensorielle.

XXe siècle : algèbre moderne

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Au début du XXe siècle, sous l'impulsion de l'Allemand Hilbert (1862-1943) et du Français Poincaré (1854-1912), les mathématiciens s'interrogent sur les fondements des mathématiques : logique et axiomatisation occupent le devant de la scène. Peano axiomatise l'arithmétique, puis les espaces vectoriels. La structure d'espace vectoriel et la structure d'algèbre sont approfondies par Artin en 1925, avec des corps de base autres que   ou   et des opérateurs toujours plus abstraits. On doit aussi à Artin (1898-1962), considéré comme le père de l'algèbre contemporaine, des résultats fondamentaux sur les corps de nombres algébriques. Les corps non commutatifs amènent à définir la structure de module sur un anneau et la généralisation des résultats classiques sur les espaces vectoriels.

L'école française, sous le pseudonyme de Nicolas Bourbaki, emmenée par Weil (1906-1998), Cartan (1904-2008) et Dieudonné (1906-1992), entreprend de réécrire l'ensemble des connaissances mathématiques sur une base axiomatique : ce travail gigantesque commence par la théorie des ensembles et l'algèbre dans le milieu du siècle, et confirme l'algèbre comme langage universel des mathématiques. Paradoxalement, alors que le nombre de publications suit une croissance exponentielle à travers le monde, alors qu'aucun mathématicien ne peut prétendre dominer qu'une toute petite partie des connaissances, les mathématiques n'ont jamais autant paru unifiées qu'aujourd'hui.

L'étude de ces structures peut être faite de manière unifiée dans le cadre de l'algèbre universelle.

Épistémologie

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Jules Vuillemin, La philosophie de l'algèbre.

L'étude épistémologique de l'algèbre a été introduite par Jules Vuillemin (1920-2001).

Histoire des notations européennes modernes

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Domaines connexes

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Par extension, on attribue aussi le qualificatif d’« algébrique » à d’autres parties des mathématiques dont les objets ou les méthodes relèvent de l’algèbre.

Notes et références

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  1. Par l'analyse, les exposants complexes effectuent la fusion entre algèbre et trigonométrie.
  2. Par rapport à l'algebre de Viète[5].
  3. Ouvrage dans lequel il se « [réfère] plusieurs fois aux contenus des livres d'algèbre d'al-Khwârizmî et d'Abû-Kâmil[8]. »
  4. Par exemple pour les équations de degré 3 : Le calcul sur des imaginaires aboutit aux solutions réelles

Références

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  1. Georges C. Anawati, Roshdi Rashed, « Islam (La civilisation islamique) Les mathématiques et les autres sciences : 1. L'algèbre », sur Encyclopædia universalis (consulté le )
  2. Diccionario de la lengua española de la Real Academia Española
  3. http://undergraduate.csse.uwa.edu.au/units/CITS1001/extension/ancient-babylonian-algorithms.pdf
  4. « Systèmes de numération : du concret à l'abstrait » [PDF], sur cll.qc.ca, , p. 6
  5. Luis Radford, « Diophante et l'algèbre pré-symbolique », Bulletin de l'Association des Mathématiques du Québec,‎ , p. 80 (lire en ligne).
  6. Salah Ould Moulaye Ahmed, L'apport scientifique arabe à travers les grandes figures de l'époque classique, Paris, UNESCO, coll. « Histoire plurielle », , 274 p. (ISBN 978-92-3-203975-0, BNF 39289490, lire en ligne), p. 103.
  7. Encyclopédie Time-Life Le Monde des Sciences, volume Les Mathématiques
  8. Ahmed Djebbar, « La phase arabe de l'algèbre (IXe-XVe S.) », dans Dorier J.-L., Coutat S., Enseignement des mathématiques et contrat social : enjeux et défis pour le 21e siècle - Actes du colloque EMF, Genève, Université de Genève, (ISBN 978-2-8399-1115-3, lire en ligne), p. 611.
  9. Salah, p. 102.
  10. Voir l'étymologie du terme algorithme dans le tlfi.
  11. (en) Andam, Charles, Encyclopædia Britannica, Edinburgh, , p. 512 :

    « The earliest printed book on algebra was composed by Lucas de Burgo, a minoritet friar. was first printed in 1494, and again in 1523. The title is 'Summa de Arithmetica, Geometria, Proportioni, et proportionalita.' »

    .
  12. a b et c Hans Freudenthal, « Notation mathématique : 2. Le formalisme algébrique - Les lettres », sur l'Encyclopædia universalis (consulté le ).
  13. Ernst Kummer, « Zur Theorie der complexen Zahlen », Journal für die reine und angewandte Mathematik 35, 319-326 (1847), reproduit dans Ernst Eduard Kummer, Collected Papers, Volume I, Springer, 1975, p. 203-210 : « einer eigenthümlichen Art imaginärer Divisoren, welche ich ideale complexe Zahlen nenne ». Voir l'introduction d'André Weil au volume de 1975, p. 5 et 10.
  14. Hervé Lehning, Toutes les mathématiques du monde, Paris, Flammarion, , 446 p. (ISBN 978-2-08-135445-6, BNF 45340842), p. 135-136

Voir aussi

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Article connexe

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Bibliographie

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Liens externes

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