Lors d'une transition de phase de deuxième ordre, au voisinage du point critique, les systèmes physiques ont des comportements universels en lois de puissances caractérisées par des exposants critiques.

Paramètre d'ordre et point critique

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Premier exemple

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Au point critique, un fluide est caractérisé par une température critique   et une densité critique  . Pour une température   légèrement supérieure à   (à nombre de particules et volume constants), le système est homogène avec une densité  . Pour une température légèrement inférieure à  , il y a une séparation de phase entre une phase liquide (de densité  ) et une phase gazeuse (de densité  ). On observe que

 

  est l'un des exposants critiques associés à ce problème.

Ici, la notation   est un log-équivalent, ce qui signifie que   est l'équivalent mathématique de   quand   tend vers   par le bas. Cela signifie qu'il y a un préfacteur dans la formule ci-dessus (positif pour le liquide, négatif pour le gaz) et peut-être même des corrections logarithmiques. On ne s'intéresse cependant qu'à l'exposant critique   et non au préfacteur pour une raison très simple: l'exposant est universel et ne dépend pas du corps pur choisi pour réaliser l'expérience (alors que le préfacteur ou la température critique   en dépendent).

Deuxième exemple

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Un matériau ferromagnétique est un corps qui conserve une aimantation spontanée en l'absence de champ magnétique extérieur. On observe cependant que si on le chauffe, ce corps perd son aimantation assez brutalement à une certaine température   dite température critique ou température de Curie. Si on mesure la magnétisation   d'une petite région du système[1], on observe que

 

  est encore l'un des exposants critiques associés à ce problème. La valeur de   pour le ferromagnétisme est très proche, et sans doute identique (voir plus bas), à celle de la transition liquide/gaz.

  1. Un ferromagnétique en dessous de la température critique est composé de régions appelées domaines de Weiss dans lesquelles la magnétisation est uniforme. On mesure la magnétisation d'une de ces régions.

Formulation générale

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On considère une transition de phase de second ordre (sans chaleur latente) à une température critique  . La transition est caractérisée par un paramètre d'ordre, noté  , qui est uniforme et nul pour  , mais non nul et non uniforme (à l'échelle du système) pour  : quand on est en dessous de  , le système se sépare en plusieurs régions ou phases telles que le paramètre d'ordre prend des valeurs différentes entre deux régions, mais reste uniforme à l'intérieur d'une région donnée.

Pour la transition liquide/vapeur, le paramètre d'ordre est   et le système se décompose en deux phases en dessous de la température critique (liquide et gaz). Pour le ferromagnétisme, le paramètre d'ordre est la magnétisation et le système se découpe en de nombreuses régions de magnétisation uniforme qui sont les domaines de Weiss. Pour la transition superfluide de l'hélium-4 ou la transition supraconductrice, le paramètre d'ordre est la fonction d'onde du condensat.

Le paramètre d'ordre peut être un réel (liquide/gaz), un vecteur (ferromagnétisme), un nombre complexe (superfluidité et supraconductivité).

Au paramètre d'ordre est associé un champ conjugué (au sens thermodynamique), noté de manière générique   qui est la quantité qu'un expérimentateur manipulerait pour fixer la valeur du paramètre d'ordre. Pour le ferromagnétisme, le champ conjugué est le champ magnétique  . Pour la transition liquide/gaz, c'est  , où   est la pression et   la pression au point critique (on s'arrange toujours pour que le champ conjugué s'annule au point critique).

Une quantité très importante dans ces phénomènes est la longueur de corrélation  , qui décrit la taille d'une fluctuation du paramètre d'ordre ou, de manière équivalente, la distance qu'il faut parcourir pour que le paramètre d'ordre puisse changer de manière significative. Mathématiquement, on définit une fonction de corrélation   (où   est la valeur de   à la position  , et où   signifie une moyenne sur toutes les réalisations du systèmes). On observe que   décroît exponentiellement avec la distance, et le taux de décroissance est donné par la longueur de corrélation:

 

La longueur de corrélation diverge au point critique.

Pour simplifier les notations, on définit une température réduite   par

 

On est donc dans la région haute température (paramètre d'ordre uniforme et nul) pour   et dans la région basse température (paramètre d'ordre non nul et non uniforme) pour  . La théorie des phénomènes critiques fournit des prédictions pour  .

On définit enfin des exposants critiques, tel   par des relations du genre

 

Liste des exposants critiques

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Tous les exposants sont définis de manière à être positifs ou nuls.

L'exposant  
La chaleur spécifique   diverge au point critique en
  (en gardant  )
Remarquez que la divergence est présente des deux côtés de la transition.
L'exposant  
Il décrit la manière avec laquelle le paramètre d'ordre dans une petite région tend vers 0 quand la température augmente vers la température critique:
  (en gardant  , et seulement pour  )
Rappelons que   pour  .
L'exposant  
Il décrit comment la susceptibilité généralisée en champ nul   diverge au point critique
  (pris en  )
Là encore la divergence est présente que l'on tende de la gauche ou de la droite vers  . Pour le ferromagnétisme, la susceptibilité généralisée est la vraie susceptibilité, et pour la transition liquide/gaz, il s'agit de   qui est, à un facteur près, la compressibilité isotherme.
L'exposant  
Il décrit comment varie le paramètre d'ordre à champ faible quand le système est à la température critique
  (en gardant  )
L'exposant  
Il décrit comment la longueur de corrélation diverge quand on s'approche du point critique
  (en gardant  )
L'exposant  
Juste au point critique, on a   et la fonction de corrélation perd sa décroissance exponentielle pour avoir asymptotiquement une décroissance en loi de puissance. L'exposant   caractérise cette loi de puissance
  (au point critique, c'est-à-dire   et  )
Ici (et dans la suite),   est la dimension du système, c'est-à-dire 3 pour le monde physique.

Notez qu'il n'y a aucune raison a priori de supposer comme on l'a fait que le comportement critique d'une quantité soit le même à gauche ou à droite de  ; on a utilisé implicitement les résultats de la théorie d'échelle présentée dans la section suivante. Si on décide de ne pas faire cette hypothèse et que l'on veut distinguer l'exposant basse température de l'exposant haute température, on ajoute habituellement un prime aux noms des exposants pour le comportement basse température; par exemple on peut écrire

 

Relations d'échelle

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La théorie d'échelle est une hypothèse supplémentaire très séduisante et bien validée par l'expérience qui consiste à supposer que la seule quantité importante est la longueur de corrélation. La longueur de corrélation   dépend bien sûr de   et de   et, a priori, toutes les fonctions thermodynamiques devraient dépendre de manière compliquée de ces deux variables. L'hypothèse derrière les relations d'échelle est de supposer que la partie «intéressante» des fonctions thermodynamiques (la partie qui décrit les singularités associées à la transition) ne dépend que de   et pas directement de   ou  :

 

Ici,   est une fonction thermodynamique (typiquement l'énergie libre ou l'enthalpie libre, selon les cas),   est la partie régulière, «inintéressante» de cette fonction et   est la partie qui «contient» la transition de phase. On a sorti le volume   en facteur parce que la fonction doit être extensive. Comme   est une longueur, la seule formule possible est

 

De manière générale, en dimension  

 

De cette dernière relation, on déduit les relations d'échelle. Par exemple, utilisant la relation thermodynamique

 

on obtient près du point critique, en oubliant les préfacteurs et les termes réguliers

 

mais pour  , on a  , d'où

 

et donc, par comparaison,

 

Par des raisonnements similaires, on obtient une série d'égalités appelées relations d'échelle

 

Il y a là quatre égalités pour six inconnues (  est supposé donné). On voit donc qu'il suffit (en général) de connaître deux exposants critiques pour tous les déterminer.

Valeurs des exposants critiques et universalité

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Expérimentalement, les exposants critiques ont des valeurs très similaires. Tous les ferromagnétiques semblent avoir des valeurs de   et   qui vérifient

 

Les exposants de la transition liquide/gaz ou de la transition superfluide de l'hélium-4 ont des valeurs très proches de celles des ferromagnétiques. On dit que ces exposants sont universels.

La théorie de la renormalisation, développée dans les années 1970 par (entre autres) Kenneth G. Wilson et Leo P. Kadanoff a permis de mieux comprendre l'universalité des exposants critiques et les relations d'échelle. On pense maintenant que les exposants critiques ne dépendent que a) la dimension   du système, b) le caractère courte portée/longue portée des interactions (on ne s'intéresse en fait qu'aux interactions courte portée), c) le nombre de composants   des constituants élémentaires du système (pour un spin quantique, tout se passe comme s'il était orienté selon le champ magnétique et  . Un moment magnétique classique est un vecteur de l'espace et  . Pour un ferromagnétique réel, la valeur de   dépend des symétries du crystal). Il se trouve que les exposants critiques ne dépendent que faiblement de  , ce qui explique la grande homogénéité des valeurs mesurées expérimentalement. Les exposants critiques ne dépendent pas du réseau sous-jacent, du caractère discret ou continu des exposants élémentaires, de la forme précise des interactions (tant qu'elles sont de courte portée).

En dimension  , il n'y a pas de transition de phase.

En dimension  , les exposants critiques sont exactement connus dans le cas   grâce à la solution du modèle d'Ising en deux dimensions apportée par Lars Onsager en 1944.

En dimension  , on a des mesures expérimentales, des mesures numériques, et des résultats théoriques dues à la renormalisation qui donnent des approximations des exposants. Beaucoup de calculs théoriques sont faits là encore sur le modèle d'Ising.

En dimension  , la théorie de Landau (appelée également théorie classique ou théorie de champ moyen) prédit des valeurs pour les exposants critiques. (Historiquement, ce fut une surprise que la théorie de Landau ne s'applique pas aux systèmes réels en  .)

Voici les valeurs tirées du livre de Kadanoff:

Valeurs des exposants critiques
           
Ising   0 1/8 7/4 15 1 1/4
Ising     0,104   0,325   1,23   5,2   0,632   0,039
Théorie de Landau 0 1/2 1 3 1/2 0

Références

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  • David L. Goodstein, States of Matter, Prentice-Hall, INC., New Jersey, 1975, (ISBN 013843557X).
  • Leo P. Kadanoff, Statistical Physics: Statics, Dynamics and Renormalization, World Scientific, Singapore 1999, (ISBN 9810237588).
  • Cyril Domb, The Critical Point: A Historical Introduction To The Modern Theory Of Critical Phenomena, Taylor and Francis, 1996, (ISBN 074840435X).