Datation par les traces de fission

méthode de datation radiométrique

La datation par les traces de fission est une méthode de datation radiométrique qui repose sur l'analyse des traces laissées dans un minéral par la fission spontanée de l'uranium 238 qu'il contient[a],[1]. Cette méthode peut être utilisée pour dater la formation d'un matériel géologique ou archéologique, ou le dernier épisode de haute température d'une roche[1].

Traces de fission révélées dans un minéral observé au microscope optique.

Historique

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Les premières traces de fission ont été observées en 1959 au microscope électronique ; en 1962 est découverte une méthode chimique d'élargissement des traces, ce qui permet de les observer avec un microscope optique[1].

Principe

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Tout matériau contenant naturellement de l'uranium contient à un âge donné la même proportion d'uranium 235 et d'uranium 238[b]. L'uranium 238 a plusieurs modes de désintégration, le principal est une désintégration α en thorium 234, mais une petite partie (5,45 × 10−5 % du nombre total de désintégrations) des atomes d'uranium 238 se désintègre par fission spontanée[2]. Les autres atomes présents dans la nature et pouvant subir une fission spontanée sont essentiellement l'uranium 235 (7 × 10−9 % du nombre total de désintégrations[3]) et le thorium 232 (1,1 × 10−9 % du nombre total de désintégrations[4]) mais ces cas sont marginaux et peuvent être ignorés, si bien que l'on considère que toute trace de fission est due à une fission spontanée d'uranium 238[1]. De là, on peut déduire par simple comptage du nombre de traces le nombre de fissions spontanées d'uranium 238 ayant eu lieu dans le matériau, en déduire le nombre d'atomes d'uranium 238 s'étant désintégré par fission spontanée ou désintégration α et donc en mesurant la quantité d'uranium encore présent dans l'échantillon déduire la quantité d'uranium présent au moment de sa formation[1]. La connaissance de la constante de désintégration de l'uranium 238 permet alors de calculer l'âge de l'échantillon[1]. De plus la longueur des traces de fission, de l'ordre de la dizaine de micromètres, est significativement supérieure à la longueur des traces provoquées par d'autres phénomènes, comme le recul d'un noyau qui subit une désintégration qui provoque une trace d'une longueur de l'ordre du dixième de micromètres[1]. Il est donc possible de distinguer relativement facilement les traces de fission.

Pour pouvoir dater du matériel jeune il faut donc que celui-ci soit riche en uranium ; tandis que pour dater de vieilles roches il faut utiliser des minéraux qui en contiennent peu[1].

Paramètres affectant le nombre de traces observées

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La méthode des traces de fission ne s'intéresse pas aux atomes produits par fission mais seulement aux défauts physiques provoqués par celle-ci[1]. Ces défauts peuvent disparaître sous l'effet de contraintes extérieures, principalement la température mais aussi dans une bien moindre mesure sous l'effet de l'altération chimique des roches et sous de fortes pressions[1]. Les âges mesurés sont donc généralement les âges de refroidissement des roches en dessous d'une certaine température dépendant du matériau[1].

Bibliographie

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  • Philippe Vidal (préf. Jean Aubouin), Géochimie, Dunod, coll. « Sciences Sup », (1re éd. 1994), 190 p., chap. 4 (« Isotopes radiogéniques »)
  • Étienne Roth (dir.), Bernard Poty (dir.), Joëlle Carpena, Didier Mailhe et al. (préf. Jean Coulomb), Méthodes de datation par les phénomènes nucléaires naturels, Paris, Éditions Masson, coll. « Collection CEA », , 631 p. (ISBN 2-225-80674-8), chap. 8 (« La méthode des traces de fission : son intérêt en géologie »)

Notes et références

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  1. Dans le cas particulier d'échantillons très anciens, comme la plupart des météorites, on met aussi à profit les traces de fission du plutonium 244, une radioactivité éteinte (on est capable de distinguer les traces de fission produites par 244Pu de celles dues à 238U, en raison notamment de la différence des deux énergies de recul).
  2. Les seules exceptions sont celles de roches provenant de sites dans lesquels ont naturellement eu lieu des réactions de fission nucléaire auto-entretenue, et dont le seul exemple connu en 2018 est le gisement d'uranium d'Oklo, au Gabon.

Références

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  1. a b c d e f g h i j et k Étienne Roth (dir.), Bernard Poty (dir.), Joëlle Carpena, Didier Mailhe et al. (préf. Jean Coulomb), Méthodes de datation par les phénomènes nucléaires naturels, Paris, Éditions Masson, coll. « Collection CEA », , 631 p. (ISBN 2-225-80674-8), chap. 8 (« La méthode des traces de fission : son intérêt en géologie »)
  2. « Isotope data for Uranium238 in the Periodic Table », sur www.periodictable.com (consulté le )
  3. « Isotope data for Uranium235 in the Periodic Table », sur www.periodictable.com
  4. « Isotope data for Thorium232 in the Periodic Table », sur www.periodictable.com (consulté le )