La crise autistique est une réponse intense, généralement incontrôlable, à une situation vécue comme une souffrance et/ou un bouleversement émotionnel par des personnes autistes.

« Irritabilité », « crise de nerfs » et « crise de colère » sont des termes qui ont été autrefois utilisés pour décrire ce comportement, mais qui sont inappropriés. Ces crises sont généralement créées par l'imprévu, une surcharge émotionnelle et/ou sensorielle (surstimulation).

On distingue aujourd'hui deux grands types de crises autistiques:

  • le meltdown, une crise explosive avec des manifestations émotionnelles intenses (cris, pleurs, gestes violents) ;
  • le shutdown (ou « effondrement »), une période d'épuisement et de retrait survenant chez une personne submergée par l'émotion ou un excès de stimuli (sonores, lumineux, odorants, tactiles...). Cette crise peut durer plusieurs jours, et peut être confondue avec la fatigue chronique ou la dépression. Elle survient généralement après une crise explosive.

Il existe une grande variété de comportements observés durant ces crises, que chaque personne autiste peut vivre de manière unique, et différente selon le contexte, l'évènement déclencheur, mais aussi l'âge et l'expérience.

Ces crises, surtout quand elles ne sont pas comprises par l'entourage, accentuent les difficultés d'insertion sociale (scolaire et professionnelle notamment) de la personne autiste. Des routines, la détection et prises en compte de signes précurseurs, la prévisibilité (de la journée, de l'agenda), l'évitement des surcharges émotionnelles et sensorielles (ex : limitation du bruit perçu grâce à un casque anti-bruit) et diverses techniques de gestion du stress et des émotions peuvent limiter le nombre de crise et leur intensité, et améliorer leur prise en charge par les proches-aidants.

Ces crises se manifestent toutes, plus ou moins cycliquement, par une réaction intense et subie par la personne autiste qui la vit[1]. Elles s'accompagnent durant l'enfance et l'adolescence d'une détresse morale et de troubles anxieux.

Types de crises

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On distingue généralement :

  • les crises autistiques explosives (aussi dites « meltdown »), souvent confondues, chez les enfants notamment, avec des accès de colère, des caprices ou entêtements ;
  • les crises autistiques d'épuisement (aussi dites « shutdown »), parfois aussi qualifiés d' effondrements ; elles durent souvent plusieurs jours, et ne doivent pas être confondues avec la fatigue chronique ou avec la dépression, dont la guérison prend toujours un certain temps[2]. Ces crises surviennent souvent après une crise explosive. Si la crise est plus longue, il peut s'agir d'un « burnout autistique »[3],[4],[5],[6],[7],[8].

Prévalence, fréquence

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La prévalence des crises autistiques est probablement sous-estimée car fréquemment confondues avec des crises de colère (à l'école par exemple).

Le nombre et l'intensité de ces crises diminuent souvent avec l’âge, mais elles peuvent, chez certaines personnes, s’aggraver avec l’âge[9].

Spécificités

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Il n’existe pas de distinction scientifiquement consensuelle pour différentier une crise de colère et d'une crise autistique explosive de type Meltdown[10],[11]. Dans la littérature, ces termes sont souvent utilisés de manière interchangeable ou en fonction de la population étudiée[1],[12],[13],[14]. Des crises de colères passagères sont normales du point de vue du développement, mais chez les enfants neurotypiques, leur fréquence diminue à mesure que l'enfant grandit ; alors que chez les enfants et adolescents autistes, ces crises peuvent persister plus longtemps et, dans un tiers des cas, elles s'aggravent quand l'enfant grandit[9].

Les crises autistiques ne sont pas manipulatrices ; elles ne sont pas des choix, mais résultent d’une détresse aiguë[15].

Période post-crise

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Les personnes autistes oublient souvent les détails de ce qui s’est passé pendant leurs crises[16].

Comorbidités

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  • L'épilepsie (Syndrome de West y compris) est plus fréquente chez les personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme que dans la population générale, en particulier chez les personnes (14% de risque en plus) ayant eu des crises d'épilepsie très jeunes dans l'enfance[17]. Le risque d'une épilepsie débutant à l’adolescence semble aussi plus élevé chez la personne autiste, sans que cette association soit expliquée [une hypothèse est que les personnes autistes et épileptiques pourraient manquer d'une protéine (PMCA2/ATP2B2), protectrice contre la suractivation neuronale][18]. Quand elle est associée à un « meltdown » elle doit être prise en charge[réf. nécessaire]. Dans ce cas, il est recommandé de laisser la crise suivre son cours sans tenter d'immobiliser la personne ou empêcher les convulsions, en limitant l'entourage aux personnes indispensables à la prise en charge, en éloignant les lunettes ou objets dangereux proches, en desserrant les vêtements, en plaçant un objet mou ou un vêtement sous la tête ; les crises durent souvent moins de 5 minutes (sinon contacter un service d'urgence). Après les convulsions mettre la personne en Position latérale de sécurité pour que les voies respiratoires soient libres, la rassurer, lui expliquer ce qui s'est passé en la touchant le moins possible, sauf si elle en manifeste le désir ;
  • syndromes d'hyperactivité avec déficit de l'attention ;
  • syndrome de Gilles de la Tourette ;
  • autres troubles (troubles affectifs, trouble obsessionnel compulsif (TOC)
  • mutisme sélectif[19],[20]

Sources

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Luke Beardon affirme qu'une crise autistique est une « réponse intense à un état de dépassement » de la personne[21], source d'une souffrance psychique[22] devenant insupportable.

Les crises peuvent être mal interprétées par un personnel médical insuffisamment formé[23], par les premiers intervenants et les forces de l'ordre, ce qui peut conduire à une escalade de la situation. Il est essentiel de reconnaître la différence entre les crises autistique et une colère typique pour apporter une réponse et un soutien appropriés[21] (pp2033-2034)

Prévention des crises

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Prévenir les crises autistiques est souvent, au moins dans une certaine mesure possible, notamment quand le diagnostic est précoce et avec l'aide de professionnels de la santé, et d'un accompagnement adapté pour mieux comprendre, anticiper et éventuellement gérer les crises (thérapies comportementales).

Ces stratégies sont nécessairement personnalisées et peuvent, par exemple, s'appuyer sur des supports visuels, l'aménagement d'un environnement calme, l'apprentissage des signes précurseurs et de techniques d'évitement du stress et d'automutilations[24] dangereuses, l'apprentissage de techniques de relaxation, de yoga[25] et de gestion des émotions.

Communiquer de manière adéquate avec la personne autiste peut aider à mieux comprendre ses besoins et à l'aider à exprimer ses émotions.

« De nombreux symptômes présentés par les enfants et les adolescents autistes peuvent certes être soulagés par des psychotropes, mais à l'heure actuelle, il n'existe pas de schéma thérapeutique clairement établi (peut-être en raison de la grande hétérogénéité des troubles). Il n'existe aucun traitement curatif qui serait fondé sur une étiologie affirmée de l'autisme, et il n'existe pas de traitement médicamenteux spécifique des troubles du langage ou de la socialisation ».

Références

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  1. a et b Denis G. Sukhodolsky, Theresa R. Gladstone et Carolyn L. Marsh, « Irritability in Autism », dans Fred R. Volkmar, Encyclopedia of Autism Spectrum Disorders, Cham, Springer, , 2561–2562 p. (ISBN 978-3-319-91279-0, DOI 10.1007/978-3-319-91280-6_102263) :

    « Historically, the term irritability was used in ASD literature as an umbrella category for severe disruptive behaviors including temper tantrums, aggression, and non-compliance ... anger outbursts in ASD have been described as 'immature' with labels such as 'meltdowns' being used to reflect the uncontrollable nature of these behaviors. »

  2. « Recovering from meltdowns: info for autistic people and carers », Bristol Autism Support,
  3. Samuel RC Arnold, Julianne M Higgins, Janelle Weise et Aishani Desai, « Confirming the nature of autistic burnout », Autism, vol. 27, no 7,‎ , p. 1906–1918 (ISSN 1362-3613 et 1461-7005, DOI 10.1177/13623613221147410, lire en ligne, consulté le )
  4. Samuel RC Arnold, Julianne M Higgins, Janelle Weise et Aishani Desai, « Towards the measurement of autistic burnout », Autism, vol. 27, no 7,‎ , p. 1933–1948 (ISSN 1362-3613 et 1461-7005, DOI 10.1177/13623613221147401, lire en ligne, consulté le )
  5. Dora M. Raymaker, Alan R. Teo, Nicole A. Steckler et Brandy Lentz, « “Having All of Your Internal Resources Exhausted Beyond Measure and Being Left with No Clean-Up Crew”: Defining Autistic Burnout », Autism in Adulthood, vol. 2, no 2,‎ , p. 132–143 (ISSN 2573-9581 et 2573-959X, DOI 10.1089/aut.2019.0079, lire en ligne, consulté le )
  6. Julianne M Higgins, Samuel RC Arnold, Janelle Weise et Elizabeth Pellicano, « Defining autistic burnout through experts by lived experience: Grounded Delphi method investigating #AutisticBurnout », Autism, vol. 25, no 8,‎ , p. 2356–2369 (ISSN 1362-3613 et 1461-7005, DOI 10.1177/13623613211019858, lire en ligne, consulté le )
  7. Jane Mantzalas, Amanda L. Richdale, Achini Adikari et Jennifer Lowe, « What Is Autistic Burnout? A Thematic Analysis of Posts on Two Online Platforms », Autism in Adulthood, vol. 4, no 1,‎ , p. 52–65 (ISSN 2573-9581 et 2573-959X, DOI 10.1089/aut.2021.0021, lire en ligne, consulté le )
  8. Jane Mantzalas, Amanda L. Richdale, Xia Li et Cheryl Dissanayake, « Measuring and validating autistic burnout », Autism Research, vol. 17, no 7,‎ , p. 1417–1449 (ISSN 1939-3792 et 1939-3806, DOI 10.1002/aur.3129, lire en ligne, consulté le )
  9. a et b Denis G. Sukhodolsky, « Irritability in Autism », dans Fred R. Volkmar, Encyclopedia of Autism Spectrum Disorders, Cham, Springer, , 2561–2564 p. (ISBN 978-3-319-91279-0, DOI 10.1007/978-3-319-91280-6_102263) :

    « The intensity and number of tantrums tend to decrease with age although typically developing children continue to outwardly display anger and frustration, behaviors that parents often label as tantrums. This decrease in the frequency of temper tantrums as children age is paralleled by the development of emotion regulation skills and the acquisition of socially appropriate ways to express anger (Blanchard-Fields and Coats 2008). In children with ASD, if temper tantrums and disruptive behavior are present in childhood, they are likely to persist and may escalate in up to one third of adolescents (Shattuck et al. 2007; Simonoff et al. 2013). »

  10. Lisa Dorothea Benaron, Autism, Westport, Conn. : Greenwood Press, (ISBN 978-0-313-34763-4, lire en ligne)
  11. Brooks, « Review of Freedom from Meltdowns: Dr. Thompson's Solutions for Children with Autism », Education and Treatment of Children, vol. 33, no 4,‎ , p. 647–652 (ISSN 0748-8491, DOI 10.1353/etc.2010.0002, JSTOR 42900574, S2CID 143732235, lire en ligne)
  12. Brenda Smith Smith Myles, Asperger Syndrome and Difficult Moments: Practical Solutions for Tantrums Second Edition, 2nd, (ISBN 978-1-931282-70-3)
  13. (en) Mayes, Lockridge et Tierney, « Tantrums are Not Associated with Speech or Language Deficits in Preschool Children with Autism », Journal of Developmental and Physical Disabilities, vol. 29, no 4,‎ , p. 587–596 (ISSN 1573-3580, DOI 10.1007/s10882-017-9546-0, S2CID 254652712, lire en ligne)
  14. Beauchamp-Châtel, Courchesne, Forgeot d’Arc et Mottron, « Are tantrums in autism distinct from those of other childhood conditions? A comparative prevalence and naturalistic study », Research in Autism Spectrum Disorders, vol. 62,‎ , p. 66–74 (ISSN 1750-9467, DOI 10.1016/j.rasd.2019.03.003, S2CID 150794671, lire en ligne) :

    « “Rage attacks” or “temper outbursts” are mostly used for older children or adults with Gilles de la Tourette syndrome or Obsessive-Compulsive Disorder ... “meltdown” is more frequent for autistic children in lay literature, and "temper tantrums” is more universally used for young neurotypical children ... The difference between normal and abnormal tantrums is ill defined ... »

  15. Venkata Sindhoor Preetham Patnam, Feba Thankachan George, Kiran George et Abhishek Verma, 2017 IEEE International Conference on Healthcare Informatics (ICHI), IEEE, , 391–396 p. (ISBN 978-1-5090-4881-6, DOI 10.1109/ichi.2017.35, S2CID 26023992), « Deep Learning Based Recognition of Meltdown in Autistic Kids »
  16. Lewis et Stevens, « The lived experience of meltdowns for autistic adults », Autism, vol. 27, no 6,‎ , p. 1817–1825 (PMID 36632658, DOI 10.1177/13623613221145783, lire en ligne)
  17. [https://www.fahres.fr/wp-content/uploads/sites/16/2020/03/BIBLIO-EPI-AUTISME-V1-2020.pdf Bibliographie de références (non exhaustive)} sur l'autisme et l'épilepsie ; classée par type de texte et par année décroissante, version octobre 2024
  18. (en) M. Dolores Martín-de-Saavedra, Marc Dos Santos, Lorenza Culotta et Olga Varea, « Shed CNTNAP2 ectodomain is detectable in CSF and regulates Ca2+ homeostasis and network synchrony via PMCA2/ATP2B2 », Neuron, vol. 110, no 4,‎ , p. 627–643.e9 (ISSN 0896-6273, DOI 10.1016/j.neuron.2021.11.025, lire en ligne, consulté le )
  19. Peter Muris et Thomas H. Ollendick, « Selective Mutism and Its Relations to Social Anxiety Disorder and Autism Spectrum Disorder », Clinical Child and Family Psychology Review, vol. 24, no 2,‎ , p. 294–325 (ISSN 1096-4037 et 1573-2827, DOI 10.1007/s10567-020-00342-0, lire en ligne, consulté le )
  20. Hanna Steffenburg, Suzanne Steffenburg, Christopher Gillberg et Eva Billstedt, « Children with autism spectrum disorders and selective mutism », Neuropsychiatric Disease and Treatment, vol. Volume 14,‎ , p. 1163–1169 (ISSN 1178-2021, PMID 29765220, PMCID PMC5944454, DOI 10.2147/ndt.s154966, lire en ligne, consulté le )
  21. a et b Luke Beardon, Nick Chown et Kleio Cossburn, « First Responders and Autism », dans Fred R. Volkmar, Encyclopedia of Autism Spectrum Disorders, Cham, Springer, , 2031–2039 p. (ISBN 978-3-319-91279-0, DOI 10.1007/978-3-319-91280-6_102159, lire en ligne) :

    « Many autistic people experience meltdowns. The public often finds it hard to tell meltdowns and temper tantrums apart, but they are different things. A meltdown is an intense response to a situation an autistic person finds overwhelming. To cope with such a situation, the autistic person may need to engage in repetitive body movements (stimming). Interrupting this may increase levels of anxiety, exacerbating the situation. »

  22. Philippe Gabbaï, « Les souffrances psychiques dans les TSA : aspects théorico-pratiques autour des troubles dits du comportement », Les Cahiers de l’Actif, vol. 564567, no 5,‎ , p. 25–42 (ISSN 1145-2684, lire en ligne, consulté le )
  23. « Personne autiste en crise, comment réagir ? », sur www.autismeinfoservice.fr (consulté le )
  24. Kai Elias Forcey-Rodriguez, « Risk Factors and Preventative methods of Self-Harm and Suicidality for Autistic People », Canadian Journal of Autism Equity, vol. 3, no 1,‎ , p. 12–26 (ISSN 2563-9226, DOI 10.15173/cjae.v3i1.5127, lire en ligne, consulté le )
  25. Sandrine Chavallard et Nathalie Poirier, « Revue de la littérature scientifique concernant les effets du yoga chez les enfants et les adolescents ayant un trouble du spectre de l’autisme », Revue québécoise de psychologie, vol. 44, no 2,‎ , p. 119–148 (ISSN 2560-6530, DOI 10.7202/1109743ar, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

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Articles connexes

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Bibliographie

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Vidéographie

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Moocs, formations

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