Couvent Sainte-Marie de La Tourette

couvent situé dans le Rhône, en France
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Le couvent Sainte-Marie de La Tourette se situe dans la commune d'Éveux, à environ 25 km au nord-ouest de Lyon, dans le département du Rhône en France.

Couvent de La Tourette
Image illustrative de l’article Couvent Sainte-Marie de La Tourette
Façade sud du couvent Sainte-Marie de La Tourette
Présentation
Culte Catholique romain
Type Couvent
Rattachement Ordre des Prêcheurs
Début de la construction 1956
Fin des travaux 1960
Architecte Le Corbusier & Fernand Gardien
Autres campagnes de travaux 1981: restauration des toitures-terrasses
Style dominant Mouvement moderne
Protection Logo monument historique Classé MH (2011)
Logo monument historique Patrimoine XXe siècle
Site web http://www.couventlatourette.fr/
Géographie
Pays France
Région Auvergne-Rhône-Alpes
Département Rhône
Ville Éveux
Coordonnées 45° 49′ 09″ nord, 4° 37′ 20″ est[1]
Patrimoine mondial Patrimoine mondial
Site du Bien L'œuvre architecturale de Le Corbusier
Numéro
d’identification
1321-015
Année d’inscription
Géolocalisation sur la carte : Rhône
(Voir situation sur carte : Rhône)
Couvent de La Tourette
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Couvent de La Tourette

Construit dans la seconde moitié des années 1950, cet édifice de béton est l'une des œuvres significatives de l'architecte Le Corbusier. Le site est inscrit, avec 16 autres œuvres architecturales de Le Corbusier, sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 2016.

Histoire

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Au milieu du XXe siècle, les dominicains disposaient d'un centre d’études destiné à la formation des jeunes frères situé à Chambéry. Désireux de se rapprocher de la métropole lyonnaise, le Révérend Père Couturier, du chapitre provincial des dominicains de Lyon, demande dès 1953 à Le Corbusier d'élaborer un projet suivant les préceptes de la communauté. Le nouveau couvent sera alors construit sur le domaine de la Tourette que l'ordre avait acheté le [2]. Ce domaine avait été autrefois une propriété de la famille du botaniste lyonnais Marc Antoine Louis Claret de La Tourrette, et de son frère l'explorateur, puis ministre de la marine Charles Pierre Claret de Fleurieu[3].

Le Corbusier y met en œuvre, aidé en cela par Fernand Gardien, les cinq points de l'architecture moderne et les proportions du Modulor. Le chantier, débuté en 1956, rencontre des difficultés de financement.

Après l'installation des frères dans le nouvel édifice en juillet 1959, le couvent est finalement inauguré le , en présence de l'architecte et de l'archevêque de Lyon, le cardinal Gerlier[2].

Le , Le Corbusier meurt à Roquebrune-Cap-Martin. Sa dépouille mortelle qui doit être transférée à Paris pour des obsèques nationales, fait une halte le 31, au couvent de La Tourette où elle est veillée par les frères durant une nuit dans l’église conventuelle[2].

Une semaine plus tard, le , le couvent est inscrit à l’inventaire des monuments historiques[2].

Après la crise de mai 1968, le couvent d'étude conçu pour 80 étudiants est fermé et l'ordre dominicain songe à le vendre mais une vingtaine de frères résistent, convaincus que l'architecture du lieu incarne bien la quête spirituelle de leur ordre. Le lieu s'ouvre alors comme centre de colloque national et international ou pour les personnes désireuses de faire une retraite spirituelle.

Il fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le remplacé par un classement en date du incluant les dépendances du couvent au titre de la protection[4]. Il est également labellisé « Patrimoine du XXe siècle ».

Grâce à deux mécènes, Spie Batignolles et Velux, le couvent ferme en 2006 pour des travaux de restauration concernant 3 des 4 ailes. Après 4 ans de travaux, il rouvre ses portes, en février 2010, aux visiteurs et aux frères.

À l'automne 2011, débutent les travaux concernant l'église, la crypte et la sacristie[5]. Ceux-ci prennent fin en avril 2013[2].

Le site s'est progressivement ouvert à l'hôtellerie, pour tenter d'atteindre un équilibre économique[6].

Classement à l'UNESCO

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La candidature de plusieurs sites construits par Le Corbusier (dont le couvent) au patrimoine mondial de l'UNESCO a déjà été refusée en 2009 puis en 2011 en raison d'une liste trop longue et l’absence du site de Chandigarh en Inde[7],[8]. Un nouveau dossier de candidature tenant compte des différentes remarques est déposé fin [9] et proposé lors de la 40e session du Comité du patrimoine mondial qui se tient à Istanbul (Turquie) du 10 au [10]. L'ensemble est finalement classé le [11].

Architecture

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L'ensemble conventuel comporte une église, un cloître, une salle de chapitre, des salles de cours, une bibliothèque, un réfectoire, des parloirs, des cuisines et une centaine de cellules individuelles, le tout en béton armé.

La conception est le fruit d'une collaboration étroite de Le Corbusier avec son associé André Wogenscky. Iannis Xenakis, compositeur et architecte, s'est particulièrement impliqué dans la création harmonique[12] des « pans de verre ondulatoires », vitrages verticaux sertis dans des panneaux géométriques (en claustra) de béton qui illuminent certaines parties telles que les galeries du cloître : ces vitrages se veulent l'adaptation de son œuvre Metastasis.

L'église a été détachée du reste des bâtiments, de façon à pouvoir protéger le couvent des vents du Nord, aérer l'espace et ne pas donner de sensation d'étouffement. On peut noter, devant les fenêtres du couvent aux extrémités des couloirs de distribution, des « fleurs de béton », c'est-à-dire des formations de béton dressées en face des grandes fenêtres des couloirs, comme pour en gâcher la vue. En réalité, Le Corbusier estimait que si une fenêtre donne directement sur un paysage, on finit très vite par l'oublier et ne plus y prêter attention. Le Corbusier a ainsi eu l'idée de ces « fleurs » afin que, pour pouvoir voir le paysage, le passant dans le couloir soit obligé de se pencher à la fenêtre et ainsi fasse plus attention au paysage environnant. Les couloirs sont éclairés par de longues meurtrières horizontales qui donnent sur la cour intérieure et sont accentuées par des « morceaux de sucre » (parallélépipèdes de béton qui font partie de la structure porteuse). Les façades tournées vers la cour intérieure sont constituées de « carrés Mondrian » de béton et de verre.

Les toitures-terrasses forment un cloître de méditation entouré par un mur d'un mètre soixante-dix de haut. Le cloître de circulation adopte une géométrie particulière, en forme de croix désaxée au centre du couvent[13].

Le principe hors-sol de cette construction sur pilotis qui comporte cinq étages en élévation permet de conjuguer l'organisation horizontale des espaces intérieurs avec la forte déclivité du terrain (cependant que la terre ainsi « libérée » est devenue une friche de terre battue, sans aucune végétation). Le couvent constitue de ce fait l'un des premiers bâtiments français en forme de pyramide renversée[14]. Le couvent, isolé, s’insère dans le paysage naturel avec une grande expressivité ; on peut en apprécier le contraste depuis le versant opposé de la vallée. Le récent lycée Germaine-Tillion à Sain-Bel, qui a justement été érigé sur la colline en face, a été conçu de façon à rappeler l'architecture du couvent qui lui fait face.

Le Corbusier déclara : « Ce couvent de rude béton est une œuvre d'amour. Il ne se parle pas. C'est de l'intérieur qu'il se vit. C'est à l'intérieur que se passe l'essentiel. »

Réalisée avec une économie drastique, l'église en forme de quadrilatère fait l'objet d'un programme spécifique sur la lumière. Il s'agit d'un lieu plutôt sombre, car éclairé uniquement avec des fentes horizontales murales, l'essentiel de la lumière venant elle de la crypte (sur laquelle donne l'église). Cependant, ces fentes, parées de vitraux, ont été orientées selon la position du soleil et assurent ainsi un éclairage constant de l'intérieur. De plus, le haut du mur de l'église orienté vers l'ouest est troué sur toute sa longueur d'une large fente, qui permet au soleil couchant d'été d'éclairer pleinement l'église et de teindre la moitié du plafond en orange.

La crypte absidiole, adjacente à l'église (l'église domine la crypte comme un balcon) est elle relativement colorée, comparée à la sobriété des autres bâtiments. Son élégante courbure lui donnent le surnom d' "oreille" ou de « piano ». Son éclairage est lui traité au moyen d'un dispositif multiple de puits de lumière, conçus comme des cheminées. Ils sont métaphoriquement appelés « canons à lumière », car ils permettent un excellent éclairage de la crypte. L'église est accolée d'une crypte et d'une sacristie qui forment le transept, lui donnant un plan en croix latine[15].

Les cellules des frères dominicains (longues de 5,92 m, larges de 1,83 m et de la hauteur de 2,26 m, celle d'un homme le bras levé) sont des volumes simples qui mettent en application l'optimisation d'un espace individuel minimal, adaptant le principe modulaire de Le Corbusier. Disposant d'un lit, d'un espace de toilette, d'un bureau et d'une loggia qui ouvre sur le grand paysage, organisant le repos, l'activité et la méditation[16].Le réfectoire destiné aux rassemblements nombreux favorise davantage la communication, disposant de larges baies lumineuses intégrant le panorama à l'architecture.

Les toitures-terrasses sont restaurées en 1981.

Galerie

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Les activités culturelles et artistiques

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Le couvent, toujours occupé par des dominicains de la province de France, est de nos jours accessible au public[17]. Conçu à l'origine comme studium de la province de Lyon, c’est un lieu de formation pour les jeunes entrant dans l'ordre des Prêcheurs pour leurs sept années d'études. Le couvent devient ensuite un centre de colloque et d'études sous l'appellation Centre Thomas More, puis un centre culturel de rencontre jusqu'en 2009. À présent le couvent organise tous les ans un programme culturel « Les Rencontres de La Tourette » ainsi que des expositions d'art contemporain tous les automnes.

Notes et références

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  1. Coordonnées trouvées sur Géoportail et Google Maps.
  2. a b c d et e Historique du couvent.
  3. Les propriétaires successifs du domaine de la Tourette à Eveux de 1576 à nos jours.
  4. Notice no PA00117761, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  5. Le Moniteur no 5621 du 19 août 2011.
  6. « Au couvent de La Tourette, près de Lyon, le gîte et le couvert pour 61 euros », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. « Chapelle : écourter la liste de l'UNESCO », sur L'Est républicain, .
  8. « Le Corbusier va postuler à l'UNESCO », sur L'Est républicain, .
  9. « L'œuvre de Le Corbusier de nouveau présentée pour son inscription à l'UNESCO », sur France 3 Franche-Comté.
  10. « Patrimoine mondial : vingt-quatre nouveaux sites inscrits sur la liste », sur adiac-congo.com.
  11. « L'œuvre de Le Corbusier entre au Patrimoine mondial », sur lamontagne.fr, .
  12. Xenakis recourut à la suite de Fibonacci pour déterminer les proportions rythmiques des séries de vitrages blancs.
  13. Sérgio Ferro, Le Couvent de la Tourette, Editions Parenthèses, , p. 20.
  14. Notice no PA00117761, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  15. Sérgio Ferro, Le Couvent de la Tourette, Editions Parenthèses, , p. 21.
  16. Le symbolique, le sacré, la spiritualité dans l'œuvre de Le Corbusier, Fondation Le Corbusier, , p. 143.
  17. Le couvent propose des visites commentées pour la découverte de l'intérieur du bâtiment. Il est également possible d'y séjourner.

Voir aussi

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Articles connexes

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Liens externes

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Bibliographie

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  • Sergio Ferro, Chérif Kebbal, Philippe Potié et Cyrille Simonnet, Le Corbusier : Le Couvent de La Tourette, Marseille, Parenthèses, coll. « Monographies d'architecture », , 127 p. (ISBN 2-86364-047-X et 978-2-86364-047-0)
  • Pierre Boulais et Luc Moreau, La Tourette : Un couvent de Le Corbusier, Le Touvet, Pierre et Etienne Boulais, , 160 p. (OCLC 800399220, présentation en ligne)