Tentative de coup d'État de 2015 au Burkina Faso
La tentative de coup d'État de 2015 au Burkina Faso a lieu du au [3]. Elle avait pour objectif de mettre fin au gouvernement de transition mis en place après la chute de l'ancien président burkinabè Blaise Compaoré. Cet objectif a été soldé par un échec et un retour des organes de transition.
Date |
16 - (7 jours) |
---|---|
Lieu | Burkina Faso |
Issue | Échec du coup d'État et dissolution du Régiment de sécurité présidentielle[1]. |
Gouvernement provisoire du Burkina Faso | Régiment de sécurité présidentielle |
Michel Kafando Chérif Sy Isaac Zida |
Gilbert Diendéré Mamadou Bamba |
11 morts et 271 blessés[2] |
Contexte
modifierLe Conseil national de transition (CNT) du Burkina Faso a voté le un nouveau Code électoral qui, par le biais de son article 135, interdit indirectement les partisans de l'ancien président Blaise Compaoré de se présenter aux prochaines élections et, en particulier, à l'élection présidentielle d'. Ce changement législatif a été attaqué devant la Cour de justice de la Cédéao, par les proches de Blaise Compaoré, qui a donné raison à ces derniers. Néanmoins, selon le constitutionnaliste Luc-Marius Ibriga contacté par le journal Libération, les juges de la Cédéao ont simplement demandé de préciser les conditions d'inéligibilité énoncées à l'article 135[4].
Cette précision a été apportée par la décision du du Conseil constitutionnel burkinabé qui avait exclu six des vingt-deux candidats à l'élection présidentielle du , dont Eddie Constance Komboïgo (en), candidat du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), qui est l'un des proches de Blaise Compaoré[5]. Par ailleurs, deux jours avant le coup d'État, la Commission de réconciliation nationale et des réformes (CRNR) du Burkina Faso avait recommandé la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle[6],[7].
Le journal Jeune Afrique souligne aussi la coïncidence de la date du coup d'État[8], ce dernier ayant eu lieu le jour même où les ossements du président Thomas Sankara aurait dû être expertisés pour lever possiblement le voile sur son assassinat[9]. D'autant plus que le principal auteur du coup d'État, Gilbert Diendéré, est fortement soupçonné d'être l'un des assassins du président Sankara, en 1987[10].
Déroulement
modifierLe , des militaires du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), créé par Blaise Compaoré en 1995 et composé d'environ 1 200 hommes, interrompent le Conseil des ministres au palais de Kosyam où résident le chef de l'État et prennent en otage quatre personnes :
- le président de transition Michel Kafando ;
- le Premier ministre Isaac Zida ;
- le ministre de la Fonction publique Augustin Loada ;
- le ministre de l'Urbanisme René Bagoro[11],[12].
Après le coup d'État, le lieutenant-colonel Mamadou Bamba a annoncé le , à travers la chaîne Radio-Télévision de la télévision burkinabé, que quatre mesures immédiates avaient été prises :
- le président de la transition, Michel Kafando, a été démis de ses fonctions ;
- le gouvernement de transition a été dissous ;
- le Conseil national de transition (CNT) a été dissous ;
- le Conseil national de démocratie (CND) a été créé.
Cette dernière structure avait deux objectifs :
- reconstruire démocratiquement le pays à travers l'organisation des élections présidentielle et législatives ;
- rassurer les acteurs régionaux que les accords engageant le Burkina Faso étaient maintenus[13],[14].
Après cette annonce, un couvre-feu a été instauré de 19 heures à 6 heures et les frontières terrestre et aérienne ont été fermées. Néanmoins, des manifestations anti-putschistes se sont déroulées dans la matinée à Ouagadougou mais elles ont été rapidement dispersées avec des tirs de sommation. Ces manifestations se sont propagées dans les autres villes et villages du pays du Burkina Faso dont notamment Bobo Dioulasso, Fada-Ngourma et Yako où la maison du général Gilbert Diendéré a été incendiée[15],[16],[14]. La montée des tensions entre les manifestants et les membres du Régiment de sécurité présidentielle a obligé le président du CND, Gilbert Diendéré, à annoncer que des élections présidentielles et législatives, initialement prévues le , seront rapidement organisées et que les otages allaient être libérées[17].
Le , le CND annonce que les otages ont été libérés la veille au soir, à l'exception d'Isaac Zida qui a été assigné à résidence. Par ailleurs, les frontières ont été rouvertes pour normaliser la situation du pays[18],[19].
À la même date, le président sénégalais Macky Sall, également président de la Cédéao, et le président béninois, Boni Yayi, se sont rendus dans la capitale du Burkina Faso pour relancer le processus de transition à travers des négociations et notamment avec le général Gilbert Diendéré[20].
Le , la médiation de la Cédéao comprenant le président sénégalais Macky Sall et le président béninois Boni Yayi, assistée du représentant de l'ONU en Afrique Mohamed Ibn Chambas, et les représentants des putschistes et de la société civile, ont décidé de se réunir à 10 heures locales dans l'hôtel Laico d'Ouagadougou pour négocier et trouver un plan de sortie de crise. À l'annonce de ce rendez-vous, le mouvement Le Balai Citoyen avait appelé à un rassemblement devant l'hôtel pour faire pression sur les négociants et ainsi retrouver le gouvernement de transition[21],[22].
Le , au soir, des unités militaires loyalistes, qui soutiennent le gouvernement de transition et sont opposées au général Diendéré, ont encerclé le palais où réside les putschistes. Elles répondent en cela à l'appel du mouvement Le Balai Citoyen, qui a appelé la population à se réunir sur la place de la République, à Ouagadougou, au même moment[23].
Le , le président de transition Michel Kafando reprend la tête du pays après un accord entre l'armée loyaliste et les putschistes. Il annonce par ailleurs le rétablissement du gouvernement de transition[24]. Le même jour, le général Diendéré annonce la fin du coup d'État et ajoute que « le plus gros tort avait été de faire ce putsch » lors d'une déclaration à la presse[25]. Il se déclare prêt à répondre de ses actes devant la justice, et annonce le désarmement du Régiment de sécurité présidentielle, à l'origine du putsch[26].
Le , à l'issue du premier Conseil des ministres après le coup d'État, le gouvernement de transition prend quelques mesures importantes dont :
- la dissolution et le désarmement du Régiment de sécurité présidentielle, demandée depuis plus de 15 ans par la société civile burkinabé[27] ;
- la création d'une commission d’enquête d'une durée maximale de 30 jours pour déterminer les acteurs du coup d'État et les faire juger devant un tribunal militaire ;
- la destitution des hauts gradés militaires ayant collaboré directement ou indirectement avec les putschistes[1],[28].
Les avoirs de 14 personnalités liées au coup d'État, dont le général Diendéré, et de quatre partis politiques proches de l'ancien président Blaise Compaoré ont été gelés par la justice burkinabé le . Ces quatre partis sont le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), la Nouvelle alliance du Faso (NAFA), un Burkina nouveau (UBN) et l'Organisation pour la démocratie et le travail (ODT)[29].
Le , le vice-président du Mouvement national pour la libération de l'Azawad, Mahamadou Djéri Maïga, est arrêté à l'aéroport de Ouagadougou à la suite d'allégations qui portent à croire qu'il allait fournir un appui logistique au coup d'État[30]. Le même jour, Gilbert Diendéré est arrêté après avoir séjourné pendant deux jours chez le nonce apostolique de l'ambassadeur du Vatican, Piergiorgio Bertoldi (en), à Ouagadougou[31].
Le , le général Diendéré et l'ex-ministre des affaires étrangères Djibrill Bassolé, arrêté le , sont inculpés de 11 chefs dont « atteinte à la sûreté de l'État » et un mandat de dépôt est décerné à leur encontre[31].
Réactions internationales
modifierDans un communiqué commun publié le , les Nations unies, la Cédéao et l'Union africaine ont exigé « la libération immédiate et inconditionnelle des otages ».
L'Union européenne a déclaré, par la voie de la haute représentante Federica Mogherini, qu'elle condamne « toute tentative d'évincer les autorités de la transition » et appelle à « la libération immédiate des personnes retenues et au respect de la transition et de l'intérêt général »[32].
Pour la France, le Quai d'Orsay a également demandé « la libération immédiate de toutes les personnes retenues » et condamné l'usage de la force[33].
Le , l'Union africaine annonce qu'elle suspend le Burkina Faso de ses membres. Par ailleurs, elle précise qu'elle interdit aux putschistes de voyager dans les pays membres de l'Union africaine et que leurs avoirs, dans ces pays, sont bloqués[34].
Références
modifier- « Burkina Faso: le Régiment de sécurité présidentielle dissout - Afrique - RFI » (consulté le )
- « Au Burkina Faso, pas de mansuétude pour les putschistes », lemonde.fr,
- Dehlinger, Makdeche et Magnenou 2015
- « Burkina Faso : pourquoi la justice ouest-africaine a retoqué le nouveau code électoral » (consulté le )
- « Trois questions pour comprendre le coup d’État au Burkina Faso », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
- Brahima Ouedraogo, « Military detains Burkina Faso's president, prime minister weeks ahead of landmark vote », U.S. News & World Report, (lire en ligne, consulté le )
- Nadoun Coulibaly et Daniel Flynn, « Burkina Faso presidential guard detains cabinet - military sources », Reuters, (lire en ligne, consulté le )
- « Burkina : les résultats de l'enquête sur l'assassinat de Thomas Sankara devaient être dévoilés ce 17 septembre - JeuneAfrique.com » (consulté le )
- « Burkina : ce qu'il faut savoir sur Gilbert Diendéré - JeuneAfrique.com » (consulté le )
- « Qui est Gilbert Diendéré, nouvel homme fort du Burkina Faso ? », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
- « Burkina Faso : le président et le premier ministre retenus par des militaires », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
- itele.fr, Burkina Faso : le président et le Premier ministre "pris en otage" par la garde présidentielle, (lire en ligne)
- Le Monde.fr, « La destitution de Michel Kafando annoncé à la télévision burkinabé - vidéo dailymotion », sur Dailymotion (consulté le )
- « Au Burkina Faso, les putschistes nomment un proche de l’ex-président Compaoré », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
- « Burkina : la deuxième journée du coup d'État minute par minute - JeuneAfrique.com » (consulté le )
- « Burkina Faso : les putschistes instaurent un couvre-feu et ferment les frontières », sur euronewsfr (consulté le )
- Centre France, « Burkina Faso: le nouvel homme fort promet des élections "rapidement" » (consulté le )
- « Les militaires putschistes libèrent le président au Burkina Faso », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
- « Burkina Faso : les putschistes ont libéré le président Michel Kafando » (consulté le )
- « Burkina Faso: les médiateurs africains continuent de consulter - Afrique - RFI » (consulté le )
- « Le Burkina dans l'attente d'une sortie de crise », sur Le Journal de Montréal (consulté le )
- « Au Burkina Faso, des incidents ont été signalés devant l'hôtel Laico de Ouagadougou où se tiennent les négociations - RFI » (consulté le )
- « Burkina : des unités loyalistes de l'armée positionnées autour de Ouagadougou à la nuit tombée - JeuneAfrique.com » (consulté le )
- lefigaro.fr, « Burkina Faso: le président Kafando revient au pouvoir » (consulté le )
- « Burkina Faso: le «très grand regret» du général Diendéré - Afrique - RFI » (consulté le )
- « Gilbert Diendéré : « Le putsch est terminé » » (consulté le )
- La Croix, « Le Burkina Faso dissout le régiment putschiste » (consulté le )
- « Au Burkina Faso, pas de mansuétude pour les putschistes », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
- « Burkina Faso: le procureur annonce le gel des avoirs des putschistes et complices présumés du coup d'Etat (communiqué) - RFI » (consulté le )
- « Burkina : arrestation d'un chef de la rébellion touareg en lien avec le putsch avorté », (consulté le ).
- « Burkina Faso : le chef des putschistes et l’ex-ministre des affaires étrangères inculpés « d’attentat à la sûreté de l’Etat » », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
- Déclaration de la Haute Représentante - 17 septembre 2015.
- Le Monde, 16 septembre 2015
- « Burkina Faso: sanctions de l’Union africaine contre les putschistes - Afrique - RFI » (consulté le )
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifier- Deuxième révolution burkinabé, en 2014
Liens externes
modifier- (fr) « Burkina Faso : le président et le premier ministre retenus par des militaires », Le Monde, (lire en ligne)
- (fr) Mathieu Dehlinger, Kocila Makdeche et Fabien Magnenou, « Burkina Faso : l'ex-chef d'état-major de l'ancien président Compaoré à la tête des putschistes », France TV, (lire en ligne)
- (fr) « Déclaration de la haute représentante/vice-présidente, Mme Federica Mogherini en vue des événements au Burkina Faso », sur Service européen pour l'action extérieure,
- [PDF] Code électoral du Burkina Faso du 21 mai 2015