Concours international de piano Frédéric-Chopin
Le Concours international de piano Frédéric-Chopin à Varsovie est l'un des concours de piano parmi les plus anciens et actuellement un des plus prestigieux. C'est également un des rares concours de piano consacrés à un seul compositeur. Il a lieu tous les cinq ans et a été fondé en 1927 par le professeur Jerzy Żurawlew (pl), en hommage au grand compositeur polonais Frédéric Chopin dont l'instrument de prédilection a toujours été le piano. Le premier président était le compositeur polonais Witold Maliszewski.
Histoire
modifierLe concours a été créé en 1927 à l’initiative du pianiste et pédagogue polonais Jerzy Żurawlew[1]. Le concours est ensuite organisé tous les cinq ans, avec une interruption entre 1937 et 1949 en raison de la Seconde Guerre mondiale. Par exception, la Ve édition du concours a eu lieu en 1955. Le concours est d’abord organisé par la Société de musique de Varsovie puis coorganisé après la guerre par le ministère polonais de la Culture. De 1960 à 2005, la compétition est organisée par la Société Frédéric Chopin de Varsovie. En 2010, c’est l’Institut Frédéric-Chopin qui s’y substitue. Depuis 1957, le concours international de piano Frédéric-Chopin fait partie de la Fédération mondiale des concours internationaux de musique de Genève[1] (dont il fait d’ailleurs partie des fondateurs[2]) .
Depuis l’origine, le concours a lieu à la Philharmonie nationale de Varsovie (à l’exception de la IVe édition en raison des destructions dues à la Seconde Guerre mondiale)[2].
La XVIIIe édition, qui devait avoir lieu en 2020, est reportée en 2021 en raison de la pandémie de Covid-19[3].
Jury
modifierLe jury est traditionnellement présidé par un grand musicien et généralement pédagogue polonais[4], spécialiste des œuvres de Frédéric Chopin : Witold Maliszewski en 1927, Adam Wieniawski en 1932 et 1937, Zbigniew Drzewiecki de 1949 à 1965, Kazimierz Sikorski en 1970 et 1975, Kazimierz Kord en 1980, Jan Ekier de 1985 à 1995 et Andrzej Jasiński depuis 2000[1]. En 2010, Jan Ekier, auteur de l'édition nationale polonaise des œuvres de Chopin, était président honoraire du jury.
Depuis l’origine, le jury était essentiellement composé de grands professeurs de piano et, de quelques concertistes invités (Marguerite Long, Wilhelm Backhaus, Nadia Boulanger, Arturo Benedetti Michelangeli…) ou de gagnants des éditions précédentes (Lev Oborine, Halina Czerny-Stefańska, Martha Argerich…). En 2010, l’Institut Frédéric Chopin a choisi de constituer le jury d’abord autour de grands pianistes concertistes, la plupart lauréats des précédentes éditions du concours (Martha Argerich, Dang Thai Son, Fou Ts’ong, Kevin Kenner (en), Adam Harasiewicz, Bella Davidovitch, Piotr Paleczny, Michie Koyama (pl)) ou non (Nelson Freire, Philippe Entremont), et d’une minorité de pédagogues (Katarzyna Popowa-Zydroń (en) et Andrzej Jasiński). Ce choix est souvent cité comme l’une des explications du palmarès 2010, jugé sévèrement notamment par la presse et la critique.
Règlement et répertoire
modifierRèglement
modifierLe concours est actuellement ouvert aux pianistes âgés de 17 à 30 ans[5], même si l’âge des participants a varié de 16 à 32 ans compte tenu de l’évolution des règlements au cours du temps[2].
Le règlement du concours a évolué au fil des éditions. Les candidats admis au concours après les épreuves de sélection (environ 80 candidats retenus, après avoir passé chacun une audition d'une vingtaine de minutes) sont soumis à deux ou trois étapes éliminatoires selon les éditions avant de pouvoir espérer arriver en finale, étape au cours de laquelle ils doivent exécuter l’un des concertos (le nº 1 ou le nº 2) avec l’Orchestre philharmonique de Varsovie. Chacune des étapes éliminatoires comporte une liste d'œuvres à exécuter obligatoirement parmi un choix restrictif d'opus et dans un délai imparti.
De 1970 à 2000, les étapes éliminatoires ont été au nombre de trois. En 2005, il n’y en eut plus que deux (mais précédées désormais d’une nouvelle étape préliminaire). En 2010, le règlement est revenu au principe de trois étapes éliminatoires pendant la durée du concours (trois semaines), tout en conservant celui d’une étape préliminaire (quelques mois auparavant) [5], et en ajoutant une première sélection de cent soixante candidats sur enregistrements vidéo, compte tenu de l’augmentation très importante du nombre de candidats (deux cent cinquante-sept en 2005[6], trois cent quarante-six[7] en 2010, comparés aux vingt-six candidats de 1927).
En 2021, le 1er Prix est doté de quarante mille euros et d'une médaille en or, ce qui en fait le 2e prix de piano le mieux doté au monde (après celui de Cleveland)[8].
Répertoire
modifierLes œuvres retenues aux différentes étapes éliminatoires ont également varié au cours des années.
En 2005, lors du 1er tour, les candidats devaient exécuter une liste de morceaux imposés, auxquels s’ajoutaient ceux choisis par chacun dans une large liste d’œuvres de Chopin de manière à constituer une audition d’une durée de quarante à quarante-cinq minutes. Au 2e tour, les candidats devaient exécuter une sonate, une polonaise et des mazurkas[1].
En 2010, lors du premier tour, les candidats devaient choisir deux études (parmi deux groupes définis), un nocturne et un scherzo ou une ballade (ou encore la Fantaisie op. 49 ou la Barcarolle). Lors du deuxième tour, un opus de mazurkas, une polonaise, un scherzo ou une ballade, une valse étaient à choisir dans une liste limitative, œuvres complétées par des pièces au choix du candidat pour constituer une audition d’une durée d’environ quarante-cinq minutes. Au troisième tour, la polonaise-fantaisie était obligatoire pour tous les candidats, ainsi qu’une sonate au choix et à nouveau des œuvres au choix du candidat pour constituer une audition d’une durée d’environ quarante-cinq minutes[5].
Règles d'évaluation des candidats
modifierLors des étapes éliminatoires, chaque candidat est évalué par chaque membre du jury de deux manières : par un oui/non indiquant si le membre du jury estime que le candidat doit ou non participer au tour suivant, et par une note allant de 1 à 100. Pour chaque candidat, une moyenne arithmétique des points obtenus est calculée, après application d’une procédure de calcul faisant intervenir deux moyennes auxiliaires visant à limiter l’impact de notes trop éloignées de la moyenne initiale. De même, lors de la finale, chaque candidat est évalué par une note allant de 75 à 100. C’est sur la base de la somme des moyennes des notes obtenues aux quatre étapes, qu’est établie la liste des lauréats[9]. Les points attribués par chaque membre du jury à chaque candidat ont été publiés en 2010 sur le site officiel du concours, à l’issue de la proclamation des résultats[10].
Prix et récompenses
modifierLe concours comporte six récompenses principales sous forme de prix avec une somme en dollars (certains d'entre eux pouvant ne pas être attribués à l'appréciation du jury). Le premier prix était ainsi assorti en 2010 d'une médaille d'or et d'une somme de trente mille dollars[11]. Chacun des finalistes reçoit une distinction.
Des récompenses spéciales, ayant évolué au fil des éditions, sont décernées hors concours pour la meilleure interprétation d'une polonaise, d'une mazurka, d'une sonate ou d'un concerto. Le prix de la Radio polonaise pour la meilleure interprétation d'une mazurka est décerné depuis l’origine. Le prix pour la meilleure interprétation dans une polonaise est décerné par la Société Frédéric Chopin depuis 1960. Le prix de l’Orchestre philharmonique de Varsovie pour la meilleure exécution d'un concerto est décerné depuis 1980[2]. En 2005, Rafał Blechacz a non seulement remporté le premier prix, mais également les trois prix spéciaux d'interprétation. En 2010, des prix ont été offerts pour la meilleure interprétation de la polonaise-fantaisie et dans une sonate, respectivement par l'Université de musique Frédéric-Chopin et par le pianiste et ancien lauréat du concours, Krystian Zimerman[5].
Événements accompagnant le concours
modifierLe concours Chopin est un événement national en Pologne. La cérémonie de remise des prix est marquée par la présence du président de la République et de représentants du gouvernement polonais. La ville de Varsovie vit à l’heure du concours Chopin. La dernière édition, imprégnée de l’évolution due aux nouvelles technologies, était accompagnée d’une retransmission intégrale des épreuves sur internet et sur la chaîne TVP Kultura, de l’édition quotidienne d’un CD reprenant les performances les plus remarquables de l’avant-veille, CD diffusé gratuitement à la Philharmonie, dans les rues de Varsovie et sur Internet, ainsi qu’un journal quotidien comprenant des commentaires sur les prestations de la veille, des articles historiques et des interviews de personnalités autour du concours Chopin[12].
Le concours s’accompagne également de nombreux événements : des concerts, des opéras ou des ballets, des rencontres, des débats, ainsi que des expositions. Ainsi, pas moins de 30 expositions différentes ont eu lieu en rapport avec Chopin depuis le début de l’organisation du concours. Depuis 1975, le concours est marqué le par la commémoration de la mort du compositeur. À cette occasion, le Requiem de Mozart est joué dans l’Église de la Sainte-Croix de Varsovie, en mémoire des funérailles du compositeur à Paris, au cours desquelles ce même requiem avait été joué[2].
Polémiques
modifierLe cas d'Ivo Pogorelich
modifierLa Xe édition du concours, qui a eu lieu en 1980, a été marquée par la controverse née autour de l’un des candidats, le pianiste yougoslave Ivo Pogorelich[13]. Certains membres du jury, parmi lesquels Martha Argerich, Paul Badura-Skoda et Nikita Magaloff se sont montrés particulièrement enthousiastes à l’égard du style du jeune pianiste, quand d’autres trouvaient son interprétation inacceptable et son comportement provocant. Au milieu d’eux, Andrzej Jasinski déclara : « Je ne peux pas noter cette personne »[13]. Alors que Pogorelich allait être éliminé du concours avant la finale, Martha Argerich quitta le jury, déclarant sa colère et n’hésitant pas à comparer Pogorelich à un « nouvel Horowitz[14] » et affirmant « Ivo Pogorelich est un génie »[15]. S’il n’obtint pas le premier prix, il obtient celui de la critique et une mention. La carrière de Pogorelich était lancée. Deutsche Grammophon signa même un contrat avec lui peu de temps après l'incident.
Pour autant, vingt-huit ans après, Ivo Pogorelich tente, lors d’un passage à Varsovie, en 2008 de relancer la polémique en demandant la publication des délibérations du jury afin de « lever l’ombre qui pèse » sur lui depuis ce concours[16].
Ioulianna Avdeïeva, 1er prix de l’édition 2010
modifierLa victoire de la pianiste russe Ioulianna Avdeïeva a donné lieu à une nouvelle polémique à l’issue de la XVIe édition du concours en 2010, la presse et la critique attendant plutôt la victoire de l’Autrichien Ingolf Wunder (et soutenant également les trois candidats arrivés deuxième ex æquo, troisième et quatrième, le Russo-Lituanien Lukas Geniušas, le Russe Daniil Trifonov et le Bulgare Evgeni Bozhanov)[17]. Le musicologue et journaliste Adam Rozlach a, par exemple, déclaré : « C’est la plus grande surprise dans l’histoire de ce concours ». Il explique son jugement : « Jusqu’à présent, les décisions du jury témoignaient de l’importance, au-dessus de tout, de la fidélité à l’âme de Chopin. Mais cette année, on a choisi non pas Chopin, mais la pianiste Avdeeva. » Le quotidien Rzeczpospolita titre « Un verdict bouleversant » le lendemain des résultats, qualifiant même le jeu de la gagnante de « lamentablement prévisible ». Le ministre polonais de la Culture, Bogdan Zdrojewski explique ce résultat par la composition du jury : « C’est une pianiste qui intrigue les pianistes, et il faut se rappeler que cette fois-ci, le jury était dominé par les grands pianistes. »
On constatera pourtant[18] que sept jurés sur douze ont placé dans leur vote Ioulianna Avdeïeva en première en finale (dont Martha Argerich qui a défendu son choix dans la presse et salué la victoire d’une femme pour la première fois depuis sa propre victoire en 1965[19]), tandis que cinq sur onze seulement ont placé Ingolf Wunder en première (dont quatre jurés les ayant placés tous deux premiers ex æquo). En outre, la pianiste russe a obtenu des notes moyennes la positionnant en première place à chaque étape du concours. Et Philippe Entremont, membre du jury, déclare sur Arte, le soir de la cérémonie de remise des prix, qu’aucune discussion n’a été nécessaire lors des délibérations du jury, les notes s’imposant d’elles-mêmes.
Lauréats
modifierLauréats des six premiers prix de chaque édition
modifierLe tableau ci-après recense les pianistes ayant reçu les six premiers prix des différentes éditions du concours international de piano Frédéric-Chopin[20] (4 ont été attribués en 1927, 15 en 1932, 13 en 1937, 12 en 1949, 10 en 1955, 6 depuis).
Lauréats remarquables
modifierPlusieurs pianistes ont marqué le concours, parmi lesquels[12] :
- Fu Cong (Chine) en 1955 est le premier pianiste asiatique à remporter un prix (derrière Adam Harasiewicz et Vladimir Ashkenazy) au concours Chopin (doublé du prix spécial d'interprétation pour une mazurka).
- Martha Argerich (Argentine) est la première Sud-Américaine (et la seule à ce jour) à avoir remporté en 1965 le premier prix lors du concours Chopin. Si le concours Chopin ne marque pas le début de sa carrière, le triomphe qui en résulte lui donne une autre dimension et lie à jamais son histoire tumultueuse et celle du concours[13].
- Đặng Thái Sơn (Viêt Nam) remporte en 1980 le premier prix, mais également les trois prix d'interprétation (mazurka, polonaise et concerto) tout en étant le premier Asiatique à remporter le premier prix au concours Chopin.
- Comme à chaque fois que le concours est remporté par un Polonais, Adam Harasiewicz (1955), Krystian Zimerman (1975) et Rafał Blechacz (2005) connaîtront une ferveur particulière du public dans leur pays d'origine.
- Yundi Li (Chine), à l'âge de 18 ans, a remporté le premier prix avec le prix de la meilleure Polonaise au 14e concours Chopin en 2000. Li a été le plus jeune et le premier lauréat chinois du concours. Il a également été le premier lauréat du premier prix en 15 ans depuis que Stanislav Bounine l'a remporté en 1985.
- Rafał Blechacz (Pologne) obtient en 2005 le premier prix, les quatre prix spéciaux d'interprétation, ainsi que le prix du public. Le deuxième prix n'est pas attribué par le jury lors de cette XVe édition du concours pour marquer l'écart avec les autres candidats.
- Caroline Sageman (France) est à 17 ans la plus jeune lauréate du concours en 1990.
- Tony Yike Yang (Canada), âgé alors de 16 ans, est devenu en 2015 le plus jeune lauréat du concours.
- Alexei Sultanov (Russie) refuse le deuxième prix qui lui est attribué en 1995, compte tenu de la non-attribution du premier prix.
Concours sur instruments d'époque
modifierLe 2 septembre 2018 a eu lieu, toujours sous l'égide de l’Institut Chopin de Varsovie, le Premier concours international Frédéric Chopin interprété sur instruments d'époque. Le jury, et son président Artur Szklener, ont jugé une trentaine d’interprètes de neuf nationalités différentes jouant sur des pianos de l'époque du compositeur entre 1830 et 1849 de marque Pleyel, Érard, Buchholtz, Broadwood et Graf[27]. Le vainqueur du concours fut le pianiste polonais Tomasz Ritter[28].
Notes et références
modifier- Histoire du concours Chopin sur le portail polonais culture.pl – Consulté le 16-09-11
- Histoire du concours sur le site officiel – Consulté le 17-09-11
- Philippe Gault, « Coronavirus : Le concours de piano Chopin de Varsovie reporté à 2021 », sur Radio Classique, (consulté le )
- Avec quelques exceptions, comme en 1955 et 1960 le Tchèque Emil Hájek.
- Règlement du concours 2010 sur le site officiel – Consulté le 17-09-11
- Compte rendu de la XVe édition (2005) du concours sur le site officiel – Consulté le 17-09-11
- Liste des candidats au concours 2010 sur le site officiel – Consulté le 17-09-11
- NIFC, Site officiel
- Règles de fonctionnement du jury sur le site officiel – Consulté le 17-09-11
- Scores des participants à chaque étape sur le site officiel – Consulté le 17-09-11
- Liste des prix de la XVIe édition (2010) sur le site officiel – Consulté le 17-09-11
- Site officiel du concours international de piano Frédéric Chopin – Consulté le 17-09-11
- Martha Argerich, L’Enfant et les Sortilèges, Olivier Bellamy, Buchet Chastel, Collection Musique
- Biographie d’Ivo Pogorelich – Consulté le 17-09-11
- Biographie d’Ivo Pogorelich sur le site Sostenuto – Consulté le 17-09-2011
- Le pianiste Ivo Pogorelich règle ses comptes, 28 ans après, 20 Minutes, 19 août 2008]
- Communiqué AFP du 20 octobre 2010 : Concours Chopin : vive polémique après la victoire de la Russe Avdeeva
- Points given by the members of the Jury of the 16th International Fryderyk Chopin Piano Competition
- BBC News Entertainment & Arts
- Compte rendu des précédentes éditions du concours sur le site officiel - Consulté le 18-09-11
- Prix de la radio polonaise pour la meilleure performance dans des mazurkas
- Prix de la Société Frédéric Chopin pour la meilleure performance dans une polonaise
- Prix de la Philharmonie de Varsovie pour la meilleure performance dans un concerto
- Prix de la Société Frédéric Chopin et de la ville de Varsovie pour la meilleure performance dans une polonaise
- Prix Krystian Zimerman pour la meilleure performance dans une sonate
- Prix du vice-chancelier de l'Université de musique Frédéric-Chopin pour la meilleure performance dans une Polonaise-Fantaisie (op. 61)
- Sofia Anastasio, « Lancement d’un concours international Chopin sur pianos d’époque », France Musique, (lire en ligne, consulté le )
- La Rédaction, « Le palmarès du 1er Concours international Frédéric Chopin sur instruments historiques », sur ResMusica, (consulté le )
Voir aussi
modifierArticle connexe
modifierLiens externes
modifier
- (pl + en) Site officiel
- Ressource relative à la musique :