Combat du pont de Vrbanja

Combat de la guerre de Bosnie-Herzégovine

Le combat du pont de Vrbanja est un épisode de la guerre de Bosnie-Herzégovine qui oppose, le , des Casques bleus français de la Force de maintien de la paix des Nations unies à l'armée de la république serbe de Bosnie (VRS). Les Français reprennent à cette dernière le poste d'observation de la force de protection des Nations unies (FORPRONU) situé aux deux extrémités du pont de Vrbanja à Sarajevo.

Combat du pont de Vrbanja
Description de cette image, également commentée ci-après
Le pont de Vrbanja en 2011.
Informations générales
Date
Lieu Pont de Vrbanja, à Sarajevo
Issue Victoire française
Belligérants
République serbe de Bosnie FORPRONU
Commandants
Chefs d'État major des armées Colonel Erik Sandahl
Capitaine François Lecointre
Lieutenant Bruno Heluin
Forces en présence
14 soldats
1 véhicule de transport de troupes
100 soldats
6 blindés ERC-90 Sagaie
Plusieurs véhicules de transport de troupes
Pertes
4 morts
3 blessés
4 prisonniers
2 morts[1]
17 blessés[1]
12 prisonniers (1 échappé, 1 blessé par sniper serbe rendu le jour même, 10 échangés en juin)[2]

Guerre de Bosnie-Herzégovine

Coordonnées 43° 51′ 12″ nord, 18° 24′ 23″ est
Géolocalisation sur la carte : Bosnie-Herzégovine
(Voir situation sur carte : Bosnie-Herzégovine)
Combat du pont de Vrbanja
Géolocalisation sur la carte : Europe
(Voir situation sur carte : Europe)
Combat du pont de Vrbanja

Déroulement

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Le 25 mai 1995, l'ONU fait bombarder des dépôts de munitions serbes, à Pale. En représailles, les Serbes emprisonnent 375 Casques bleus, dont 103 Français[3]. Leurs images humiliantes circulent. Ils servent de boucliers humains, parqués dans des sites militaires.

Le 27 mai 1995, déguisés en Casques bleus français[4], à quatre heures trente du matin, des militaires serbes de la VRS, de la faction menée par Slavko Aleksic (les Tchetniks), s'emparent sans combat du poste Sierra Victor situé aux deux extrémités du pont historique de Vrbanja. Enjambant la rivière Miljacka, l'ouvrage se trouve au centre dévasté de Sarajevo, entre des immeubles tenus par les belligérants (l'un, au sud, occupés par les Bosniaques ; deux, à l'ouest et au sud-ouest, par les Serbes). Les Serbes capturent ainsi douze soldats français, qu'ils retiennent en otages[5].

Sans réponse aux appels à la radio, le capitaine Lecointre, escorté du sergent Taukapa, se rend sur place. Un soldat serbe tente de le prendre en otage[6]. Lecointre tourne les talons, protégé par le sous-officier[7].

À la demande du colonel Erik Sandhal, le général Hervé Gobilliard commandant ces unités françaises, sort de son mandat légal et ordonne de reprendre le poste[8]. Il ne consulte pas le général français Bernard Janvier, qui commande les Casques bleus. La France a tout juste changé de Président de la république[9], lequel vient de donner des consignes de fermeté.

D'une longueur de soixante-cinq mètres, le long de la berge sud de la rivière, le poste comprend un point d'observation Est, une zone de vie établie par trois containers ; un couloir d'une trentaine de mètres conduit au poste d'observation Est.

La première section de la 1re compagnie (surnommée "les Forbans"), soit 31 soldats du 3e régiment d'infanterie de marine, qui sort de dix journées passées dans ce poste, est désignée pour l'opération "Douaumont". Elle se reposait en vue d'une cérémonie de prise d'armes. Aux premières heures de la matinée, la section se met en route. Elle sort des véhicules, au cimetière juif, à quatre cent mètres au sud du pont. Le sergent-chef Check, adjoint de la section, se déploie en appui, avec des fusils de précision de 12,7 mm. Les Français parlementent avec les Bosniaques pour traverser leurs lignes. Menée par son chef, le lieutenant Heluin[10] ainsi que par le capitaine Lecointre, elle reconquiert les trois bunkers du poste et le pont, en lançant des grenades et en tirant sur ses occupants. Parti à trente mètres du pont, le premier groupe du sergent Le Couric, stoppé par les barbelés, déplore cinq blessés, dont Colantonio et Maudoigt. Le peloton de chars français et la section de VAB tirent en appui sur les deux immeubles serbes. Le lieutenant Heluin franchit le découvert avec le deuxième groupe. Dannat, l'infirmier, est blessé gravement, au poumon. Djaouti et Coat sont blessés. Les défenses de barbelés et de croisillons sont franchies. Un merlon protège l'entrée du poste. Le FAMAS du lieutenant ne fonctionne pas. Ce dernier jette une grenade et s'élance, suivi de Dupuch, de Llorente, de Humblot et de Jego. Le bunker Est est pris. À son poste d'appui, le Marsouin Amaru est tué. Du toit d'où il couvre la progression, le Marsouin Jacky Humblot est mortellement frappé au ventre également par la balle d'un tireur serbe. Delcourt avance. Dans la zone-vie, un rideau blanc se trouve devant une cuisine. Le lieutenant lance une grenade, qui fait exploser une bouteille de gaz. Delcourt et Dupuch reculent. Blessé au visage par un éclat, le lieutenant Heluin s'arrête. Un Serbe tire sur trois Français s'inquiétant du lieutenant, ensanglanté. Ils ripostent et le tue. Trois Serbes sont capturés. Le lieutenant s'évanouit. Le capitaine Lecointre poursuit avec deux sergents, Taukapa et Hohmann, ainsi qu'avec trois autres hommes, dont le caporal-chef Dupuch. Les Serbes reculent. Deux d'entre eux font feu : l'un est blessé, l'autre, tué. Le couloir est trop étroit ; le capitaine et le groupe passent par l'extérieur, longeant les défenses. Ils lancent deux grenades. Les chars français mitraillent les Serbes qui ripostent. À l'entrée du deuxième bunker, Ouest, les Serbes menacent de tuer deux soldats français, otages gardés sur place. Le capitaine Lecointre menace à son tour un prisonnier serbe[11]. Le colonel, un médecin et un interprète viennent négocier. En fin de journée, les soldats français prisonniers sont libérés en échange des prisonniers serbes. Le bunker Ouest est repris, le pont ainsi que le poste Sierra Victor.

À 10h30, la section du lieutenant Heluin est relevée. Elle rejoint sa base, la patinoire Skanderja. Les blessés partent vers l'immeuble médical de l'État major du régiment.

Parmi les quatorze soldats serbes : quatre morts, deux blessés et quatre prisonniers. L'opération a duré de 8h45 à 9h08[12].

L'attaque est appuyée par le régiment d'infanterie chars de marine, ses 70 soldats tirant au moyen des mitrailleuses de véhicules blindés, dont des ERC-90 Sagaie. Profitant de l'assaut français, des soldats de l'armée de la république de Bosnie-Herzégovine (ARBiH) ouvrent le feu sur les postes d'observation tenus par la VRS, blessant accidentellement un otage français.

Deux soldats français, les marsouins Marcel Amaru[13] posté en appui avec une mitrailleuse de 12,7, ainsi que Jacky Humblot[14], tireur de VAB, sont tués durant l'assaut par des tireurs embusqués. Dix-sept autres fantassins sont blessés, dont le lieutenant Heluin[1].

Après ce combat, les forces serbes de la VRS évitent de s'engager contre les soldats français de l'ONU déployés dans la ville[2].

En juillet 1995, les Serbes provoquent le massacre de Srebrenica.

Hommages

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Ce combat est considéré comme la dernière charge « baïonnette au canon » de l'armée française (les soldats avaient munis leurs fusils d'assaut de cet équipement). Il eut une grande répercussion dans l'opinion publique.

Lors des obsèques des marsouins Amaru et Humblot, le à Vannes, le président Jacques Chirac déclare : « les marsouins Amaru et Humblot sont morts pour une certaine idée de la France, une France qui refuse de s'abandonner à la fatalité et à l'irresponsabilité[15]. » Une plaque sur le pont mentionne leurs noms[16].

Par décret du 14 juin 1995, le capitaine Lecointre et le lieutenant Heluin sont faits chevaliers de la Légion d'honneur[17].

Par décret du 20 juin 1995, le sergent-chef Check, les sergents Taukapa et Le Couric, le caporal-chef Dupuch et le soldat Lemarie reçoivent la médaille militaire.

Par décret du 26 juillet 1995, le soldat de première classe Marcel Amaru et le soldat Jacky Humblot sont décorés de la médaille militaire.

Une voie d'Angoulême, sa ville natale, porte le nom de Jacky Humblot.

En 2016, un musée est créé à Bordeaux, dans la caserne Nansouty, en hommage à ce fait d'armes[18].

Le 29 mai 2020, une cérémonie commémorative rappelle le 25e anniversaire de l'assaut[19].

Soldats du 3e RIMa lors de l'assaut

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  • Capitaine François Lecointre
  • Lieutenant Bruno Heluin
  • Sergent-chef Amir Check
  • Sergent Alefonsio Taukapa[20]
  • Sergent Philippe Le Couric
  • Sergent Frédéric Hohmann
  • Caporal-chef Patrick Dupuch
  • Caporal-chef Saada Bentehami
  • Caporal-chef Evaristo Llorente
  • Caporal-chef Cyril Jego
  • Caporal-chef Stéphan Colantonio
  • Caporal-chef Jérôme Ibanez
  • Caporal-chef Patrice Dannat
  • Caporal Anthony Brebion
  • Caporal Éric Coat
  • Caporal Olivier Launay
  • Caporal Martial Lanthier
  • 1re classe Benoit Maillard
  • 1re classe Samuel Cosyns
  • 1re classe Patrick Mandart
  • 1re classe Donnee
  • 1re classe Mickaël Lemarie
  • 1re classe Yvon Lhuissier
  • 1re classe Cyriaque Delcourt
  • 1re classe William Quintana
  • 1re classe Philippe Laurent
  • 1re classe Frédéric Lescornez
  • Marsouin Marcel Amaru († tué à l'ennemi)
  • Marsouin Jacky Humblot († tué à l'ennemi)
  • Marsouin Maudoigt
  • Marsouin Frédéric Henrion
  • Marsouin Djaouti

Notes et références

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  1. a b et c Philippe Chapleau, « Pont de Vrbanja : les Forbans du 3e RIMa ont désormais leur petit musée à Bordeaux », Lignes de défense,
  2. a et b (en) « The day the Serbs went the bridge too far », The Independent, (consulté le )
  3. https://www.cairn.info/revue-inflexions-2006-1-page-173.htm
  4. « Le jour où les casques bleus français se sont rebiffés », Le Point, , modifié le (consulté le )
  5. https://archives.defense.gouv.fr/terre/actu-terre/archives/27-mai-1995-les-marsouins-reprennent-le-pont-de-vrbanja.html
  6. https://www.calameo.com/books/000413241fbf649074ce0
  7. https://www.lepoint.fr/monde/le-jour-ou-les-casques-bleus-francais-se-sont-rebiffes-22-07-1995-8571_24.php
  8. https://www.cairn.info/revue-cites-2007-4-page-93.htm
  9. https://www.elysee.fr/la-presidence/proclamation-des-resultats-du-scrutin-du-7-mai-199
  10. https://lavoiedelepee.blogspot.com/2012/05/assaut-1.html
  11. Entre guerres, F. Lecointre, chez Gallimard, 2024, page 106
  12. https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/affaires-sensibles-du-lundi-06-mars-2023-5206232
  13. Caporal Marcel Amaru, né le 20 décembre 1970 à Uturoa-Raiatea (Polynésie Française), Mort pour la France le 27 mai 1995 (Sarajevo, Bosnie-Herzégovine), à 24 ans. Médaille militaire (à titre posthume). Voir : « Mémoires des hommes, Ministère des Armées »
  14. Jacky Humblot, né le 6 octobre 1976 à Angoulême (Charente), Mort pour la France le 27 mai 1995 (Sarajevo, Bosnie-Herzégovine), à 18 ans. Médaille militaire (à titre posthume). Voir : « Mémoires des hommes, Ministère des Armées »
  15. « Hommage présidentiel aux Casques bleus tués », Libération, (consulté le )
  16. https://archives.defense.gouv.fr/actualites/international/visite-officielle-du-cema-dans-les-balkans-occidentaux.html
  17. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000168862
  18. https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2016/03/31/pont-de-vrbanja-15927.html
  19. https://archives.defense.gouv.fr/ema/chef-d-etat-major-des-armees/actualite/commemoration-du-25e-anniversaire-des-combats-du-pont-de-vrbanja.html
  20. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000001746984

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Rapport du lieutenant Heluin, Enseignements tirés de la reprise du pont de Verbanja (27 mai 1995).

Émission radiophonique

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Liens externes

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