Château de l'Isle-Marie
Le château de l'Isle-Marie est une demeure, de la fin du XVIIe siècle, qui se dresse dans le Cotentin, sur le territoire de la commune française de Picauville dans le département de la Manche, en région Normandie. Il succède à l'antique forteresse du Holm ou Homme. Il est partiellement inscrit au titre des monuments historiques.
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Localisation
modifierLe château est situé, en bordure des marais de Beuzeville, à trois kilomètres au sud-est de l'église Saint-Candide de Picauville, dans le département français de la Manche.
L'enceinte du Homme était situé au cœur des marais qui barrait l'accès du clos du Cotentin d'est en ouest. Le site est situé à la confluence des rivières d'Ouve et du Merderet, sur le tracé d'une route médiévale reliant la cote ouest du Cotentin à la baie des Veys[1].
De l'autre côté du marais, près du bourg de Beuzeville, se trouve une enceinte annulaire qui pourrait constituer une défense avancée du château du Homme[2].
Toponymie
modifierLe nom de l'ancien château est attesté sous la forme latinisée Holmus en 1026[3].
Son caractère insulaire, qui se voit particulièrement durant la crue hivernale des marais, a déterminé son appellation d'origine scandinave, forgée sur sur la racine holmr (île, terre entourée d'eau)[1].
Historique
modifierLe premier château fut bâti vers 996[4]. Au Xe siècle, la grande enceinte du Homme est déjà citée comme le siège d'un vicus[5].
Vers 1024, le duc de Normandie, Richard II, fait enfermer son fils Robert Ier dans le château[6].
Vers 1026-1027, Richard III de Normandie concède en douaire à son épouse la duchesse Adèle, fille du roi Robert le Pieux, plusieurs propriétés dont la forteresse du Homme (Holmus)[7], ainsi que celle de Cherbourg (Carusburc) et de Brix (Brusco), « Concedo etiam castella que ibi habentur, videlicet Carusburg cum eo quod dicitur Holmus, et eo quod dicitur Brusco, cum iis que ad hec aspicere videntur[2]… ».
En 1033, le duc de Normandie, Robert, pour financer son pèlerinage en Terre sainte, à l'occasion du millénaire de la mort du Christ, vend la forteresse à sa sœur Adelise, épouse de Regnault de Bourgogne, qui sera donné en jouissance à Néel de Saint-Sauveur, lors de la révolte de 1047[8]. Un acte daté de 1075, nous apprend que le château est encore entre leurs mains[9].
Un chevalier du Home est à la bataille d'Hastings en 1066. Il est cité dans le Roman de Rou de Wace « cels de Homez » au côté de « cels de Bruis »[10].
Le domaine du Home, très ancienne forteresse qui a occupé une situation stratégique primordiale durant des siècles, a été successivement la possession de la famille d’Agneaux au XIIe siècle, puis au XVIe siècle de la famille Aux Épaules[11].
En 1260[12] Robert VI Bertran en était le seigneur. En 1379, le château passe par alliance à la famille Aux Épaules[4].
En 1649, pendant la Fronde, François Goyon de Matignon (1607-1675), lieutenant-général du roi en Basse-Normandie et frondeur aux ordres du duc de Longueville, gouverneur de Normandie, s'empare du château du jeune Gigault de Bellefonds (1630-1698)[13]. Le château était entré dans le patrimoine des Bellefonds, en 1607, à la suite du mariage de son grand-père, avec Jeanne Aux Épaules, fille du seigneur protestant de Sainte-Marie-du-Mont. Bernardin Gigault, marquis de Bellefonds, malgré des charges importantes, gentilhomme de la chambre du roi, lieutenant-général des armées royales en Italie (1663), maréchal de France (1668), n'aura de cesse d'agrandir son domaine de l'Isle-Marie dans lequel il se retire après sa disgrâce. En 1675, il construit un manoir pour ses soldats blessés et une chapelle conçue par Mansart[14].
Jacques II s'apprêtant à envahir l'Angleterre à la tête d’une armée que Louis XIV lui fournissait en grande partie afin de reconquérir son trône, passa deux jours, au mois d’ au château de l’Ile-Marie, chez le maréchal de Bellefonds, qui était rentré en faveur, et devait l’accompagner dans son expédition d’Outre-Manche, à titre de commandant en chef des troupes françaises[11].
Le domaine de l’Ile-Marie, par suite d’acquisition, passa dans les mains de Georges-Adrien Feuillye, marié à une demoiselle d’Aigneaux.
La famille d'Aigneaux en 1899-1900 réaménage le château dans un style néo-médiéval tardif[15].
Description
modifierLe château médiéval
modifierLe site associe une petite enceinte castrale, citée vers 1025/1026, comme château ducal, et une très vaste enceinte circulaire de peuplement, d'environ 500 m de diamètre, mentionnée comme siège d'un vicus sous le règne de Richard Ier de Normandie (v. 930-996)[1].
Bien que profondément modifié, le château de l'Isle-Marie, anciennement le Homme ou l'Holm, reste emblématique des forteresses riveraines des marais. Il contrôlait, au confluent de l'Ouve et du Merderet, des voies fluviales et terrestres éminemment stratégiques[16].
De l'ancien château fort ducal, attesté dans la charte de 1026, il subsiste dans le parc l'enceinte circulaire d'environ cinquante mètres de diamètre qui a été coupée en deux par l'allée du parc. Le rempart, un large talus qui par endroits atteint un mètre cinquante de hauteur et large d'un peu plus d'un mètre est entourée partiellement d'un fossé profond d'environ deux à trois mètres. Ce fossé, qui subsiste encore à plusieurs endroits, au nord, quitte le contour de l'enceinte pour suivre le tracé d'un vaste terrain aujourd'hui en friches et clos de murs, qui peut être l'emplacement de la basse-cour, et où se dresse une chapelle remaniée au XVIIIe siècle ainsi qu'un petit cimetière[17].
Le château moderne
modifierLe château construit au XVIIe siècle à une centaine de mètres de l'emplacement de l'antique forteresse a été restauré par le maréchal de Bellefonds dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Le corps de logis rectangulaire flanqué de grosses tours circulaires ainsi que l'hôpital pour soldats invalides (1675), la chapelle (1673) attribuée à Jules Hardouin-Mansart[18] et les communs dont un colombier datent de cette époque[19]. C'est dans cette chapelle que le maréchal de Bellefonds fera déposer le chœur embaumé de don fils, mort à la bataille de Steinkerque () remportée par le maréchal de Luxembourg, François-Henri de Montmorency-Luxembourg, sur Guillaume d'Orange[13].
Entre 1802 et 1807, il est remanié à la suite des dommages engendrés lors de la Révolution. En 1900, il est reconstruit, dans un style néogothique[20], par l'architecte Drancey de Cherbourg et on lui adjoint deux courtes ailes[21].
Le domaine a conservé les vestiges d'une enceinte bastionnée à la Vauban, en étoile, plantée d'arbres, à usage de jardin panoramique et de terrain de jeu. Cette dernière[note 1] et les canaux, partiellement détruits en 1830, ont été remplacés par un parc à l'anglaise[18].
Protection
modifierL'enceinte circulaire du XIe siècle ; le corps de logis du XVIIe siècle, en totalité ; les façades et les toitures de la chapelle, ainsi que le cimetière et son enclos ; les façades et les toitures de l'hôpital des invalides, ainsi que l'escalier intérieur et sa cage ; les façades et les toitures du bâtiment contigu à l'hôpital, à usage d'écuries ; le colombier ; les deux pavillons de jardin et les murs de l'ancienne serre les reliant ; le pavillon des latrines ainsi que le parc, avec ses bois, ses deux avenues d'accès, son bosquet de palmiers et ses murs de clôture, y compris le mur en exèdre, sont inscrits aux titre des monuments historiques par arrêté du [18].
Le château dans les arts et la culture
modifierBarbey d'Aurevilly, qui a séjourné au château, en a fait le cadre de son roman, paru en 1884, Ce qui ne meurt pas.
Notes et références
modifierNotes
modifier- Son tracé est nettement visible sur la carte de Cassini, ainsi que sur la carte de l'état-major (1820-1866).
Références
modifier- Laurence Jeanne, Laurent Paez-Rezende, Julien Deshayes et Bénédicte Guillot (avec la collaboration de Gaël Léon), ArchéoCotentin : Les origines antiques et médiévales du Cotentin à 1500, t. 2, Bayeux, Éditions OREP, , 127 p. (ISBN 978-2-8151-0790-7), « S'approprier la presqu'île : encadrement, contrôle territorial et développement des lieux de pouvoir », p. 34.
- Florence Delacampagne, « Seigneurs, fiefs et mottes du Cotentin (Xe – XIIe siècles) : Étude historique et topographique », dans Archéologie médiévale, t. 12, (lire en ligne sur Persée.), p. 190
- André Davy, Les barons du Cotentin, Condé-sur-Noireau, Éditions Eurocibles, coll. « Inédits et introuvables du patrimoine Normand », , 319 p. (ISBN 978-2-91454-196-1), p. 85.
- Davy 2014, p. 149.
- Bénédicte Guillot et Julien Deshayes, « Figure de la seigneurie de Picauville par Jean Brouault et Paris Alexandre (1581) », dans Laurence Jeanne, Laurent Paez-Rezende, Julien Deshayes, Bénédicte Guillot, et la collaboration de Gaël Léon, ArchéoCotentin, t. 2 : Les origines antiques et médiévales du Cotentin à 1500, Bayeux, Éditions OREP, , 127 p. (ISBN 978-2-8151-0790-7), p. 61.
- Davy 2014, p. 84.
- Stéphane William Gondoin, « Les châteaux forts au temps de Guillaume le Conquérant », Patrimoine normand, no 94, juillet-août-septembre 2015, p. 36 (ISSN 1271-6006).
- Davy 2014, p. 87.
- Charles-Laurent Salch et Joseph-Frédéric Finó (photogr. Dominique Martinez), Atlas des châteaux forts en France, Strasbourg, Éditions Publitotal, , 19e éd. (1re éd. 1977), 834 p., p. 492.
- Michel Pinel (photogr. Patrick Courault), Châteaux et Manoirs de la Manche, t. 5, Rivages de France, coll. « Lumières et histoire », , 256 p. (ISBN 978-2-9561209-6-4), p. 34.
- « Picauville - Notes historiques et archéologiques », sur le50enligneBIS (consulté le ).
- Guy Le Hallé (préf. Hervé Morin, photogr. Yves Buffetaut), Châteaux forts de Basse-Normandie, t. II, Louviers, Ysec Éditions, , 160 p. (ISBN 978-284673-215-4), p. 103.
- Norbert Girard et Maurice Lecœur, Trésors du Cotentin : Architecture civile & art religieux, Mayenne, Éditions Isoète, , 296 p. (ISBN 978-2-913920-38-5), p. 19.
- René Gautier et al. (préf. Jean-François Le Grand, postface Danièle Polvé-Montmasson), 601 communes et lieux de vie de la Manche : Le dictionnaire incontournable de notre patrimoine, Bayeux, Éditions Eurocibles, coll. « Inédits & Introuvables », , 704 p. (ISBN 978-2-35458-036-0), p. 459.
- Gilles Désiré dit Gosset, « Châteaux et fortifications du Cotentin », dans Congrès archéologique de France. 178e session. Manche. 2019 - Société française d'archéologie, Condé-en-Normandie, Éditions Picard, (ISBN 978-2-9018-3793-0), p. 28.
- Benoît Canu, « Les marais du Cotentin — Usages et pouvoirs d'un espace », Vieilles maisons françaises (vmf), patrimoine en mouvement, no 232, , p. 31 (ISSN 0049-6316).
- Delacampagne 1982, p. 199.
- « Domaine de l'Isle-Marie », notice no PA50000020, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- Girard et Lecœur 2005, p. 209.
- Jean Barbaroux, 120 Châteaux et Manoirs en Cotentin, Bayeux, Éditions Heimdal, , 112 p. (ISBN 978-2-9021-7157-6), p. 5.
- « Château de l'Isle Marie », notice no IA00001212, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifier- Liste de châteaux et manoirs de la Manche
- Liste des mottes castrales et châteaux à mottes
- Liste des monuments historiques de l'arrondissement de Cherbourg
- Picauville
Liens externes
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- Ressource relative à l'architecture :