Les cavaliers numides forment des troupes de cavaleries légères issues de Numidie en Afrique du Nord et qui se démarquent notamment lors des guerres puniques. Ils sont souvent employés comme troupes auxiliaires dans les armées carthaginoises ou romaines et sont notamment considérés comme une des cavaleries légères les plus efficaces de l'antiquité méditerranéenne[2].

Cavalerie numide
Image illustrative de l’article Cavalerie numide
Un cavalier numide d'après l'officier américain et historicien militaire Theodore Ayrault Dodge (en)

Pays Numidie
Allégeance Carthage
Numidie
République et Empire romain
Rôle Cavalerie légère
Fait partie de Armée de Carthage
Armée numide
Armée romaine
Nommée en l’honneur de "Meilleurs cavaliers d'Afrique" - Tite-Live[1]
Équipement Javelot
Guerres Guerres puniques
Guerre de Jugurtha
Guerre des Gaules
Deuxième et troisième guerres de Macédoine
Commandant historique Massinissa
Naravas
Jugurtha
Muttinès
Juba Ier

Description

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Ils apprennent très jeune à monter à cheval et passent le plus clair de leur adolescence à dos de cheval. Le lien créé avec leur monture est tellement fort que des auteurs remarquent que les chevaux suivaient leur maître comme des chiens[3].

Pauvrement armés et ne portant aucune armure, ces cavaliers ont tout de même su s'imposer sur la scène des guerres puniques devenant un atout indispensable aux entreprises militaires de Carthage en dehors de l'Afrique. Ils sont principalement équipés de javelots et de petits boucliers ronds avec un umbo circulaire en saillie similaires aux caetra des ibères qu'ils recouvrent généralement de cuir animal[4]. La présence de coutelas est aussi signalé par Strabon[5].

Strabon les décrit comme étant à demi-nus, à l'exception d'une peau de léopard, qu'ils pouvaient enrouler autour de leur bras gauche pour servir de bouclier.

Ils sont de même réputés pour ne pas utiliser de selle et de mors mais utilisent seulement une baguette ou un collier fait de fibres végétales ou de crin pour diriger leurs chevaux[6]. Néanmoins, les auteurs romains soulignent leur agilité et rapidité. Le cheval numide, de petite taille mais très endurant, est l'ancêtre du barbe actuel et était hautement prisé par les romains[7],[8].

Bien que souvent encensés et reconnus pour leur efficacité, les cavaliers numides ont aussi été affublés de toutes sortes de stéréotypes négatifs. En effet, Tite-Live les décrit comme étant indisciplinés, colériques, inconstants et plus violents que tous les autres barbares[9]. Il qualifie aussi leurs chevaux et leurs cavaliers comme étant petits et maigres. Claude Élien leur reproche de ne pas prendre soin de leur monture[10] et enfin Polybe souligne que leur plus grande réalisation est l'autopréservation car ils avaient pour habitude d'après lui, de fuir pendant trois jours après une défaite[11],[12].

Iconographie

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Deux figurines de terre cuite retrouvées à Canosa en Italie, représentent des cavaliers numides dont l'un est blessé par une flèche. Il s'agit de décorations appartenant à un grand vase funéraire. Le cavalier blessé est représenté avec un petit bouclier rond montant à cru et sans mors mais aussi avec une épée à la ceinture, une courte tunique et des chaussures hautes. Les deux cavaliers sont représentés avec une barbe pointue et des cheveux épais et bouclés à l'instar des portraits plus tardifs des monarques numides sur leurs monnaies. Bien qu'aujourd'hui la couleur originale ait disparu, elle est décrite pour l'une des figurines par G. Minervini[13] de la manière suivante : barbe et cheveux noirs, lèvres rouges, la tunique est rouge avec des franges blanches, la bande du bouclier est rouge[14]. M. Rostovtzeff a proposé comme datation la fin du IIIe siècle av. J.-C. et elle sera aussi accepté par H. G. Horn mais une étude par A. Jr. Oliver à démontré que la date de fabrication de ces figurines doit être remontée jusqu'à la fin du IVe siècle ou au début du IIIe siècle av. J.-C.[15]Elles s'inscrivent donc non pas dans le contexte des guerres puniques mais plutôt dans ceux opposant grecs et carthaginois ; ce qui en fait le plus ancien témoignage de cavaliers numides en Italie[16].

Tactique

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La tactique la plus courante consiste à charger l'ennemi puis à feindre la fuite et prendre ensuite l'ennemi à revers[17],[18]. Tactique qui s'avérera très efficace au point que Tite-Live dira que la cavalerie numide est l'ennemi que redoutent le plus les Romains[19] et comme étant de loin la première race de cavaliers en Afrique[20]. Tite-Live rapporte également qu'ils emportaient deux chevaux et qu'ils sautaient du cheval fatigué à celui qui était frais, très souvent au moment le plus acharné de l'échauffourée[21].

Ils sont aussi experts en manœuvre d'encerclement dont notamment une est caractéristique et porte le nom de cercle cantabrique : tactique consistant à harceler l'ennemi en lui lançant des traits (javelots ou flèches) tout en formant un cercle rotatif autour de celui-ci. Une autre de leur coutume guerrière caractéristique était l'excision au couteau des tendons des cuisses, mollets ou jarrets de l'ennemi lors de la poursuite[22].

Historique

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Stèle représentant Le cavalier d'Abizar, un homme y est représenté à cheval, armé d'un bouclier et d'un javelot (période libyque entre (IIe siècle av. J.-C. et IIIe siècle av. J.-C.) découverte à Tizi ouzou en 1858, conservé au musée national des antiquités et des arts islamiques à Alger[23].

La première mention de la cavalerie numide nous est faite par Polybe lors de la première guerre punique en Sicile sur un général carthaginois nommé Hannon, il cite : « Hannon, voyant les Romains affaiblis, épuisés par la famine et par les maladies qu'engendrait une atmosphère empestée, [...] prit avec lui, outre cinquante éléphants, son armée entière, et se dépêcha de sortir d'Héraclée. Il donna ordre aux cavaliers numides de pousser en avant, d'approcher le plus possible du retranchement des ennemis, de chercher à exciter par leurs provocations la cavalerie romaine, puis de battre en retraite jusqu'à ce qu'ils l'eussent rejoint[24] ». C'est la première mention que nous avons de l'utilisation des cavaliers numides par Carthage, et également de leurs tactiques dans les batailles.

Les cavaliers numides sont présents dans tous les affrontements importants des guerres puniques jusqu'à la défaite finale de Carthage, à partir du pacte passé entre Hamilcar Barca et Naravas à l'époque de la guerre des Mercenaires. Ils sont utilisés massivement par Hannibal, qui parvint à aligner plus de 4 000 de ces cavaliers à Cannes[25]. On retrouve un nombre important de ces troupes parmi les renforts envoyés à Asdrubal Barca en Espagne pour contenir l'offensive romaine :

« Il lui donna en renfort des troupes surtout africaines : onze mille huit cent cinquante fantassins africains, trois cents Ligures et cinq cents Baléares. À cette infanterie auxiliaire, il ajouta des cavaliers libyphéniciens (des Puniques métissés d'Africains), au nombre de quatre cent cinquante, des Numides et des Maures localisés près de l'Océan, mille huit cents environ, et un faible contingent d'Ilergètes d'Espagne, trois cents cavaliers »

— Tite-Live[26]

En , des cavaliers numides ayant fait défection participent à la défense de Rome menacée par un raid d'Hannibal qui cherche à faire pression sur les romains pour qu'ils abandonnent leur siège de Capoue :

« Le combat s'étant engagé, les consuls ordonnèrent aux  transfuges numides qui se trouvaient alors sur l'Aventin au nombre de mille deux cents, de traverser les Esquilies en passant par le centre de la ville ; aucune troupe, selon eux, ne serait mieux à même de combattre entre les ravins, le couvert des jardins, les tombes et le lacis des ruelles »

— Tite-Live[27]

.

Leur rôle a aussi été décisif dans la défaite carthaginoise à Zama en . En effet, Tite-Live souligne bien l'efficacité de ces cavaliers qui parviennent à enfoncer l'aile gauche des troupes puniques, formée de Numides et commandée par Vermina, fils de Syphax. Et ce sont encore eux qui, avec Laelius et ses troupes, s'élancent à la poursuite des fuyards et, opérant un brusque retournement, se jettent sur les arrières des forces carthaginoises[28]. Durant cette bataille, les cavaliers de Massinissa vont aussi s'illustrer par leur efficace harcèlement des éléphants d'Hannibal ; leurs chevaux étant habitué à voir et sentir les éléphants, contrairement à ceux des cavaliers romains[29].

Après la seconde guerre punique, Massinissa répondra fidèlement aux sollicitations du sénat romain et enverra régulièrement des contingents alliés de cavaliers numides et du blé aux troupes romaines notamment dans le cadre des conflits en Ligurie, en Espagne et surtout en Grèce[30]. En effet, dès 200 et dans le cadre du conflit contre Philippe V de Macédoine, Massinissa envoya 1000 cavaliers et 200 000 mesures de blé et d'orge aux forces romaines[31]. De même, en 198, il leur envoya 200 cavaliers, 10 éléphants et 200 000 mesures de blé et d'orge[32]. En 193, 800 cavaliers numides soutiennent les forces romaines contre les Ligures[33]. En , lors la troisième guerre de Macédoine, Misagène, fils du roi Massinissa, commande une troupe de mille cavaliers et un nombre égal de fantassins au service de Rome[34]. Ils contribuent, dès leur arrivée, à une contre-attaque permettant de sauver des légionnaires tombés, au cours d'une mission de ravitaillement, dans une embuscade dressée par les troupes de Persée et encerclés sur une colline près de Phalanna[35]. En Espagne, 300 cavaliers numides et 10 éléphants sont envoyés à Nobilior en 153 dans le cadre des opérations contre Numance[36]. Son successeur, Micipsa, envoi vers la région d'Itucca 300 cavaliers à Fabius Maximus Servilianus pour le soutenir dans sa lutte contre Viriate[37] et en 134 envoi son gendre adoptif Jugurtha à la tête d'un contingent numide dans la lutte contre Numance[38].

Après la troisième guerre punique et la destruction de Carthage, les Romains utilisent ces habiles cavaliers dans leurs propres rangs, notamment comme auxiliaires. Lors du Premier triumvirat, Jules César utilise encore comme auxiliaires des cavaliers numides lors de la conquête de la Gaule[39],[40].

Notes et références

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  1. Livy, Ab Urbe Condita Libri (Livy)|Ab Urbe Condita 29.35.8.
  2. William horsted, The numidians, Osprey Publishing, 2021, p. 6.
  3. (en) William Horsted, The Numidians, Oxford, Osprey Publishing, , 49 p. (ISBN 9781472842206), p. 6-7.
  4. Christine Hamdoune, Les auxiliaires externa africains des armées romaines, p. 71.
  5. Strabon, XVII, 3, 7.
  6. Christine Hamdoune, Les auxiliaires externa africains des armées romaines, p. 70-71.
  7. CIL VI.10047, 10053 (reference in Frank 1975, 52)
  8. Strabon, XVII, 3, 19.
  9. Tite-Live, XXV.41.4, XXVIII.44.5, XXIX.23.4, XXX.12.18
  10. De natura animalium, 3.2
  11. Polybe, 1.47.7
  12. Nic Fields, Lake Trasimene 217 BC Ambush and annihilation of a Roman Army, Osprey Publishing, 2017, p. 38
  13. Monumenti antichi inediti di Barone [1852] Taf. 8 Nr. 2
  14. Die Numider Reiter und Könige nördlich der Sahara, Rheinisches Landesmuseum Bonn, 1979, p. 640
  15. A. jr Oliver, «The Reconstruction of Two Apulian Tombs Groups», Antike Kunst, Beih. 5, 1968
  16. Christine Hamdoune, Les auxiliaires externa africains des armées romaines IIIe siècle av. J.-C. - IVe siècle ap. J.-C., CNRS, 1999, pp. 74-75
  17. Appien, Poen, II, 11.
  18. Polybe, III, 72, 10.
  19. Tite-Live, XXV, 41, 4.
  20. Tite-Live, XXIX, 34, 5.
  21. Tite-Live, Histoire romaine : livre XXIII, § 29.
  22. Giovanni Brizzi, Une coutume guerrière des Numides : réflexions d'après quelques épisodes des campagnes d'Hannibal,in: Bulletin archéologique du C.T.H.S., nouv. sér., Afrique du Nord, fasc. 24, p. 56
  23. « Inauguration de la stèle Amnay Ubizar », sur depechedekabylie.com, (consulté le )
  24. Polybe, Histoire : livre I, § 5.
  25. Tite-Live, Histoire romaine : livre XXII, § 46.
  26. Tite-Live, XXI, 22, 2-3.
  27. Tite-Live, XXVI, 10, 5.
  28. Tite-Live, XXX, 35, 1.
  29. Christine Hamdoune, Les auxiliaires externa africains des armées romaines, Montpellier, CNRS, (ISBN 2-84269-335-3), p. 89.
  30. Christine Hamdoune, Les auxiliaires externa africains des armées romaines IIIe siècle av. J.-C. - IVe siècle ap. J.-C., CNRS, 1999, p. 40
  31. Tite-Live, XXXI, 19, 3-4
  32. Tite-Live, XXXII, 27, 2
  33. Tite-Live, XXXV, 11, 4
  34. Tite-Live, XLII, 62, 1.
  35. Tite-Live, XLII, 65, 13-14.
  36. Appien, Iber., IX, 46
  37. Appien, Iber, XII, 67
  38. Salluste, B. J., VII, 2
  39. Jules César, La Guerre des Gaules, II, X.
  40. Jules César, Commentaires sur la Guerre des Gaules.

Voir aussi

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Articles connexes

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