Causa sui
Causa sui (en latin : cause de soi-même) est une locution latine désignant une chose ou un être généré à partir de lui-même, par lui-même, sans l'intervention extérieure d'un fabricant ou d'un créateur. Dieu, en tant qu'il est cause première, est souvent conceptualisé comme causa sui.
Concept
modifierLe concept de causa sui est présent en philosophie scolastique.
Thèses
modifierThomas d'Aquin et Dieu
modifierDans la tradition théologique, en particulier chez Thomas d'Aquin[réf. nécessaire], Dieu ne peut s'être créé et ne peut donc être causa sui ; en outre, à l'instar de la cause finale, la cause de soi est un concept qui apparut contradictoire à beaucoup de penseurs dont Arthur Schopenhauer, raison pour laquelle il fut aussi rejeté en théologie. Ce rejet ne fut cependant pas unanime, et certains philosophes maintinrent que Dieu s'est créé lui-même[1].
Descartes et la causa sui du cogito et de Dieu
modifierC'est René Descartes qui popularise le concept de causa sui[2]. Il en fait la cause efficiente de Dieu par laquelle Dieu est[3]. L'histoire de la philosophie a montré que Descartes s'était inspiré des œuvres scolastiques pour tenir la causa sui comme cause suffisante pour l'existence de Dieu[4].
Spinoza
modifierLa causa sui apparaît ensuite chez Spinoza, lecteur de Descartes[2]. La causa sui est au cœur de son Éthique, qui débute par : « j'entends par cause de soi ce dont l'essence enveloppe l'existence, ou ce dont la nature ne peut être conçue que comme existante ». Autrement dit, il appartient à la nature de l'être d'exister[5].
Schopenhauer et la critique de la causa sui
modifierArthur Schopenhauer étudie la causa sui en réfléchissant à l’œuvre de Spinoza[1]. Il la considère comme un procédé philosophique fallacieux[6].
Merleau-Ponty et la critique du cogito
modifierDans la Phénoménologie de la perception, Maurice Merleau-Ponty critique le cogito de Descartes en disant que ce concept a une structure causa sui. En effet, pour être soi-même conscient, il faut être conscient d'être conscient de quelque chose au moment où l'on est conscient de cette chose ; cela est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit d'être conscient que l'on est conscient. D'après ce phénoménologue, la conscience propre doit donc être interprétée comme cause d'elle-même[réf. nécessaire].
Notes et références
modifier- Arthur Schopenhauer, Arthur Schopenhauer: Oeuvres Majeures (L'édition intégrale): Parerga et Paralipomena, Essai sur le libre arbitre, Le Fondement de la morale, Le Monde comme volonté et comme représentation, L’Art d’avoir toujours raison, Éthique, droit et politique…, e-artnow, (ISBN 978-80-268-4436-5, lire en ligne)
- Jean Greisch, « Troisième leçon. « Causa sui » : de Descartes à Spinoza: », dans Chaire Étienne Gilson, Presses universitaires de France, (ISBN 978-2-13-061703-7, DOI 10.3917/puf.grei.2012.01.0101, lire en ligne), p. 101–189
- Jean-Marie Beyssade et Jean-Luc Marion, Descartes : objecter et répondre, Presses universitaires de France (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-13-067161-9, lire en ligne)
- (en) Daniel Garber et Steven Nadler, Oxford Studies in Early Modern Philosophy Volume 3, Clarendon Press, (ISBN 978-0-19-920394-9, lire en ligne)
- Kim Sang Ong-Van-Cung, Descartes et l'ambivalence de la création, Vrin, (ISBN 978-2-7116-1438-7, lire en ligne)
- Vincent Stanek, La métaphysique de Schopenhauer, Vrin, (ISBN 978-2-7116-2258-0, lire en ligne)