Carré Hermès
Le carré Hermès est un foulard en soie de forme carrée, emblématique de la maison française Hermès.
Lancé en 1937, il est devenu un classique et une icône de la marque, parfois qualifié, selon les sources, d'intemporel, transgénérationnel[1],[2], voire de mythique[3],[4]. Ce foulard, tout comme le sac Kelly, la couleur orange propre à la marque, ou la calèche du logo, illustre et personnifie la société Hermès[5].
Historique
modifierPréambule
modifierLe mouchoir imprimé, comme accessoire de mode féminine indispensable d'une époque, apparait au XIXe siècle. Ce mouchoir, en grandissant se rapproche du foulard, pour devenir également masculin en se transformant en « mouchoirs de cou »[6]. Les soldats d'alors sont dotés de mouchoirs imprimés sur lesquels se trouvent des motifs militaires, voire des instructions illustrées, pour les combattants analphabètes[7]. Durant le début de la Première Guerre mondiale, les motifs imprimés sur le mouchoir de cou changent, y compris pour les femmes où ceux-ci prennent une inspiration militaire ou tout du moins masculine. Alors que les manuels d'instruction militaire sont rendus obligatoires vers 1937, les soldats étant censés savoir lire, Hermès va s'inspirer de cette tradition[8].
Création
modifierTout juste un siècle après la création de la société par Thierry Hermès, Robert Dumas, directeur d'Hermès, sur les idées de la styliste Lola Prusac, fait réaliser en 1937 le premier carré[9] avec le nom de Jeu des omnibus et Dames blanches[10] (réédité depuis avec d'autres couleurs[11]), inspiré d'une sorte de jeu de l'oie très populaire à l'époque, mais réalisé en hommage à la première ligne de transports publics à Paris[4]. Il est produit avec la soie tissée en diagonale dans laquelle les casques de jockeys sont réalisées[12]. Hermès donne le nom de « papillon » à chaque petit carré de soie car chacun d'eux est produit par le nombre d'œufs (300) que pond un ver à soie dans une vie, soit quatre cent cinquante kilomètres de soie[13].
À l'origine, les illustrations étaient proches du monde équestre et de la chasse comme Jumping ou La promenade à Longchamp, pour évoluer ensuite vers les animaux, les arts, l'épopée napoléonienne ou l'automobile, thèmes revenant régulièrement dans les collections, puis le sport en général avec, par exemple, une édition pour les jeux olympiques d'été de 1984.
Développements
modifierEn 2020, une innovation technique permet d'imprimer des carrés Hermès avec un dessin et des couleurs différentes sur le recto et le verso du foulard (carré double-face)[14]. Vers la même époque, le carré se voit décliné dans plusieurs tailles différentes de 45 cm à 140 cm et parfois en triangle ou losange[15]. Ainsi, Hermès décline en étole moderne de grand format, tel un paréo, ce célèbre carré de soie[11] (à ne pas confondre avec le sari vendu en Inde[16]).
Styles et usages
modifierDe nos jours, les dessins sont variés, du plus classique au plus contemporain comme les modèles En désordre, celui à base de graffitis et typographie[17], 24 H, Please check-in en 70 cm, le Magic Kelly comportant une illustration en trois dimensions, un autostéréogramme[18] ou Sieste au Paradis dont le dessin nécessite 2 000 heures de gravure[4]. Astrologie reste le modèle fétiche de Jacqueline Onassis[4]. D'autres personnalités sont maintes fois photographiées avec ce foulard, telles Élisabeth II, Brigitte Bardot, Madonna ou Romy Schneider[4]. Tous réalisés dans les ateliers de la région lyonnaise de la marque[19] et signés « Hermès Paris », les carrés peuvent être sur des thèmes classiques comme Les Toits de Paris, Jardins d'hiver, Souvenirs de Paris, Noël au 24 faubourg, ou plus exotiques comme Kilim reprenant l'idée d'un tapis, Marché flottant du lac Inlé à l'inspiration asiatique, Indien Pani La Shar Pawnee, ou encore Perles du Kenya.
Hermès invite régulièrement des artistes du monde entier à proposer des illustrations[2],[5] ; ces illustrations peuvent être modifiées, colorisées différemment, puis rééditées au cours des années[n 1]. Afin de renouveler les artistes, l'entreprise lance Le Grand Prix du Carré Hermès en 2019, récompensant des créateur internationaux[20].
Il se porte[n 2] autour du cou, pour tenir les cheveux[22], noué comme un pirate autour de la tête, mais également comme ceinture[23], noué autour de l'anse d'un sac, au poignet[24], ou autour de la cheville ainsi que noué à la chaussure… Il peut même dans certains cas remplacer un petit sac à main[22] et être détourné pour beaucoup d'autres usages vestimentaires[25]. Pour sa première collection chez Hermès en 2004, Jean Paul Gaultier, remplaçant Martin Margiela, a imbriqué des carrés dans ses créations[26].
Chiffres
modifierDepuis 1937 date de sa création, plus de 2 000 motifs sérigraphiés différents ont été édités[4], composés en moyenne d'une cinquantaine[19] de couleurs parmi un nuancier de 75 000 couleurs de base[9]. Chaque exemplaire est archivé dans la « carréothèque » de la maison Hermès[3],[10] et il s'en vend un exemplaire toutes les 30 minutes dans le monde[9], pour une collection renouvelée tous les six mois[27]. Certaines illustrations voient leur commercialisation réduite, avec des éditions de quelques unités[28]. Une gravure peut prendre jusqu'à 2 000 heures de travail[29]. Le modèle le plus vendu reste Brides de gala dessiné par Hugo Grygkar, datant à l'origine de 1957[4], réédité depuis en plus de 70 couleurs[15]. Les modèles les plus recherchés sont ceux des années 1940[30].
Bien que traditionnellement aux dimensions de 90 cm de côté depuis le premier modèle[12], une collection, destinée également aux hommes[31], intitulée Carré 70 de 70 cm est éditée pour les 70 ans du carré en 2007[11]. Un carré Hermès est composé de 450 000 mètres de fil de soie[29].
En 2018, les ventes des carrés Hermès s'élèvent à 537 millions d'euros et constituent 9 % du chiffre d'affaires de la société[32],
Dans la culture populaire
modifier- Pendant la Seconde Guerre mondiale, un exemplaire est réalisé sur le thème du « Retour à la terre », prôné par le régime de Vichy.
- Pour le film Le Parrain (1972), un modèle spécial est édité[10].
- Dans le film de 2006 Le Diable s’habille en Prada, Miranda Priestly envoie son assistante acheter par 25 exemplaires des carrés Hermès entièrement blancs[4].
- Le peintre Josef Albers a eu l'honneur posthume en 2008 d'avoir six de ses œuvres reproduites sur des carrés Hermès[33].
- Six foulards mêlant différents motifs sont réalisés pour le grand magasin Liberty de Londres fin 2009[34].
- colette commercialise fin 2010[35] une collection capsule détournée du modèle de référence Brides de Gala[36] dessiné à l'origine par Hugo Grygkar et datant de 1957, l'une des meilleures ventes de la maison Hermès, ainsi que d'autres déclinaisons[37].
- Rei Kawakubo signe deux collections minimalistes de onze carrés au total, fin 2012[38].
Notes et références
modifierNotes
modifier- Un exemple parmi d'autres : le motif Brandebourgs réalisé par Cathy Latham a été commercialisé la première fois en 1991, réédité en 2004 puis de nouveau, en édition limitée, en 2011.
- La Maison Hermès publie sur son site internet et distribue un jeu de cartes intitulé « Cartes à nouer »[21] contenant une unique règle « Jouez avec votre Carré Hermès » et des exemples pour savoir nouer ce foulard.
Références
modifier- « Encyclopédie > Marques > Hermès > Must Have : Carré » ykonne.com.
- « Hermès » Tendances de Mode, 20 septembre 2007.
- Peggy Frey, « Hermès : les nouvelles formes du carré », Madame Figaro, 28 janvier 2012.
- Thuy-Diep-Nguyen, « Le foulard Hermès : carré magique », Challenges, no 457, , p. 102 à 104 (ISSN 0751-4417)
- « Regard sur un Classique : le carré Hermès » Fashion Addict, 12 janvier 2009.
- « Les mouchoirs de cou », sur chateaudemartainville.fr, Musée des Traditions et Arts normands (consulté le ).
- Jean Guisnel, « L'armée sort ses mouchoirs ! », sur lepoint.fr, Le Point, (consulté le ).
- Véronique Lorelle, « Le mouchoir qui dit tout », Style, sur lemonde.fr, (consulté le ).
- Claire Mabrut, « Le carré Hermès a 70 ans », Madame Figaro, 14 juin 2007.
- Sylvia Jorif, « Une chambre à soie », Elle, 12 septembre 2007.
- [image] « Diaporama : Le carré Hermès a 70 ans » Madame Figaro, juin 2007.
- Massalovitch 2023, p. 69.
- Pascale Richard, Artisans du luxe français, La Martinière, 2014, p. 127.
- « Hermès réinvente son carré mythique grâce à une innovation technique encore peu répandue », sur La Tribune, 2020-02-13cet10:51:00+0100 (consulté le )
- Massalovitch 2023, p. 69-70.
- « Le sari selon Hermès » Tendances de Mode, 12 octobre 2011.
- « Le Carré Hermès par Kongo » In and Out, 2 septembre 2011.
- Dimitri Ribaltchenko, « Carré Magic Kelly Hermès » Dimitri R.com.
- « Dumas fils, le pied à l'étrier » Le Point, 17 janvier 2007.
- Massalovitch 2023, p. 70.
- Pauline Penicaud, « Le carré Hermès réinventé », Mode, sur vogue.fr, Vogue Paris, (consulté le ).
- « Comment nouer un foulard », L'Express, 6 mai 2011.
- [image] Chloé de Trogoff, « L'art de porter le foulard Hermès » Puretrend, 14 septembre 2009.
- « La saga du carré Hermès » Au Féminin.com.
- Khadija Moussou, « 1001 manières de porter son carré Hermès », Elle, 12 août 2010.
- Paquita Paquin, « Hermès désarçonnant », Libération, 8 mars 2004.
- « Innovations désirables : « Le carré Hermès » » Mluxe, 25 février 2012.
- Edson Pannier, « Arc-en-ciel chez Hermès ! », sur lofficielmode.com, L'Officiel, (consulté le ) : « la marque mettra en vente 7 exemplaires ».
- « Le foulard Hermès: ce carré de soie magique dont raffole les modeuses », sur Challenges, (consulté le )
- « Pont-l'Evêque : avec sa collection de 200 carrés Hermès, Laurette raconte l’histoire de l’iconique foulard », sur actu.fr (consulté le )
- Élisabeth Paillié, « Les carrés Hermès se débrident… » Prestigium.com, 30 juillet 2009.
- « Pour réaliser votre propre carré Hermès, c'est maintenant ou jamais », L'Usine Nouvelle, (lire en ligne, consulté le )
- Henri-François Debailleux, « Albers, l'art au carré de soie », Libération, 22 septembre 2008.
- Jennifer Neyt, « Foulards Hermès et Liberty » Vogue, 24 juillet 2009.
- Caroline Lazard, « J'aime mon carré Hermès » Puretrend, 23 juillet 2010.
- [image] « Diaporama : Les carrés Hermès se débrident… » Prestigium.com, 30 juillet 2009.
- « Élevées au carré » Madame Figaro, 8 septembre 2010.
- « Le carré Hermès se la joue "Comme des garçons" », Style, sur lemonde.fr, M, (consulté le ).
Voir aussi
modifierBibliographie
modifierOuvrages dédiés
modifier- Geneviève Fontan (trad. du français), Carrés d'art II : Dictionnaire illustré et cote des foulards Hermès, Toulouse, Arfon, (1re éd. 2010), 224 p. (ISBN 978-2-911955-36-5)
- Nadine Coleno, Le carré hermès, Paris, Du Regard, , 303 p. (ISBN 978-2-84105-238-7)
Ouvrage généraliste
modifier- (en) Nicky Albrechtsen et Fola Solanke, Scarves, Thames & Hudson, , 304 p. (ISBN 978-0-500-51564-8, présentation en ligne)
Presse
modifier- Sophie Massalovitch, « Cécile Pesce : Couleurs carré », Challenges, no 790, , p. 68-70 (ISSN 0751-4417).
Liens externes
modifier- Natalie Levisalles, « Le foulard et la manière », Libération, 13 août 2007