Carbonisation hydrothermale
La carbonisation hydrothermale (carbonisation aqueuse à température et pression élevées ; en anglais, hydrothermal carbonization ou HTC) est un procédé physicochimique de conversion de composés organiques en charbon structuré.
Sigle |
HTC |
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Surnom |
Carbonisation hydrothermique |
Aspect de | |
Formule |
Elle permet de transformer de la biomasse (déchet ou non) en un produit dit « biocharbon » (ou plus précisément « hydrocharbon » ou « hydrochar ») via un processus thermochimique entretenu dans des conditions anoxiques (sans contact avec l'air, grâce à l'eau utilisée comme milieu de réaction). Ce processus imite techniquement et en quelques heures la formation de charbon brun (« coalification ») qui dans la nature se déroule sur 50 000 ans à 50 millions d'années.
Ce biocharbon est présenté comme neutre en carbone. Il peut servir de combustible et être produit par une bioraffinerie[2]. Comme pour le biochar issu de pyrolyse sèche, certains espèrent pouvoir produire un hydrochar aux vertus proches de la terra preta amazonienne[3]. Il peut aussi être utilisé pour produire divers types de carbones nanostructurés, un substitut au charbon brun, du gaz de synthèse, des précurseurs de carburants.
Selon la littérature scientifique et technique disponible en 2015 sur le sujet, l'hydrochar diffère nettement du biochar (obtenu lui par pyrolyse lente en voie sèche), et lui semble en plusieurs points supérieur. Outre sa neutralité carbone, il contiendrait notamment un peu moins de métaux alcalins et alcalino-terreux et de métaux lourds, et il chaufferait plus que le biochar dans de mêmes conditions[3].
Une hypothèse encore à confirmer pour le moyen et long terme est qu'il pourrait aussi contribuer (comme amendement) à restaurer la teneur en matière organique et en humus des sols, et à améliorer la capacité de rétention de l'eau de sols sableux[4]. Certains y voient aussi un moyen de (re)(re)stocker du carbone dans le sol ou d'en (re)faire un puits de carbone[5], tout en valorisant des déchets organiques et fournissant une énergie verte (non fossile).
Vocabulaire, acronymes
modifierCe procédé est parfois aussi dénommé carbonisation hydrothermique, pyrolyse humide (wet pyrolysis), ou torréfaction humide (wet torrefaction)[6]. L'acronyme HTC est également souvent utilisé (pour Hydrothermal carbonization).
Histoire
modifierDans les années 1880 à 1900, la « cuisson » à haute température et sous pression de matières organiques dans de l'eau attire l'attention de chimistes. Cette méthode de « dégradation hydrothermique » de molécules et de tissus organiques permet en effet de synthétiser des molécules et polymères intéressants pour la chimie et au profit de la production de combustibles liquides et, ou gazeux[7],[8].
En 1913, Friedrich Karl Rudolf Bergius, chimiste allemand qui recevra le prix Nobel de chimie en 1931 avec Carl Bosch, imagine un procédé pour transformer le bois en charbon. Il n'y parvient pas, mais il développera ainsi la « chimie à haute pression[9] ».
À partir de la fin du XXe siècle, la recherche s'intéresse à nouveau au procédé et aux produits solides (hydrochar) obtenus qui semblent pouvoir trouver diverses application à bonne valeur ajoutée, dans les domaines de l'environnement, de la santé et de l'industrie[10].
Au-delà de 260 °C on obtient des combustibles liquides puis gazeux, désignés par d'autres noms :
- la liquéfaction hydrothermique (HTL pour Hydrothermal liquefaction (en)), état effectif sous une température atteignant et une pression s'élevant à 22 MPa[11],[12]
- la vaporisation hydrothermale (HTV pour Hydrothermal vaporization) ou gazéification hydrothermale (HTG pour hydrothermal gasification), ou une gazéification dans une eau super critique (SCWG pour super critical water gasification)[13],[14].
En Europe, le Professeur Antonietti de l'institut Max Planck de recherche sur les surfaces colloïdes et interfaces de Potsdam au début des années 2000 décide de tester des prototypes pré-industriels puis une filiale de la société AVA-CO2 a installé en Allemagne (à Karlsruhe) une unité industrielle d’une capacité de 14 400 L et de 8 400 t/an de biomasse à traiter, entrée en fonctionnement le .
Procédé
modifierÀ une température élevée (entre 180 et 260 °C)[6],[3] et en autoclave sous pression (10 à 50 bar[6] ; 2 à 6 MPa[3]), durant un temps qui varie de 5 min [3] à 12 h[6] selon les produits, la température et la pression, la biomasse perd spontanément son eau et se transforme en biocharbon via un procédé exothermique qui va s'auto-entretenir une fois initié (grâce à deux catalyseurs : l’acide citrique et un sel de fer[6]).
La qualité et les propriétés du charbon obtenu varient selon la nature des matériaux introduits dans le réacteurs, mais aussi selon la température, la pression et le temps de chauffage[15].
Formule
modifierSoit une température produite entre 180 à 220 °C, une pression allant de 10 à 15 bars et une durée de décomposition variant entre 4 à 12 heures, le processus de carbonisation hydrothermale du glucose est décrit par la formule suivante[1] :
Retours d'expérience
modifierLe prototype industriel d’AVA-CO2 de Karlsruhe comprend une cuve de mixage de 5 m de haut ou la matière est préchauffée à environ 150 °C, un réacteur thermiquement isolé (14 mètres cubes, 220 °C, 22 bars de pression) et un réservoir tampon dit “Outlet buffer tank” qui stocke l'énergie excédentaire et le produit final. Le système peut fonctionner en continu. Toutes les cuves sont sous pression et reliées entre elles. Deux produits finaux en sortent : un charbon obtenu après 12 h de chauffage, présenté comme neutre en carbone, stable et à forte densité d'énergie, facile à stocker et transporter ; et/ou un produit de type biochar, issu de 5 h de chauffage, utilisable comme amendement des sols agricoles.
Une autre expérience faite sur le marc de raisin (à 65 % de teneur en humidité) à des conditions de processus optimisées (1 h à 220 °C) l'énergie thermique et la consommation d'énergie étaient respectivement de 1 170 kWh et 160 kWh par tonne d'hydrochar produites, soit une efficacité de 78 % pour l'usine[6] ; dans ce cas l'analyse technico-économique des coûts d'investissement et des coûts de production a conclu à un seuil de rentabilité respectivement de 157 €/t et 200 €/t ; des chiffres qui semblent indiquer que l'hydrochar est potentiellement un biocarburant compétitif, et qui plus est neutre en CO2[6].
L'hydrochar ainsi produit a capturé 100 % du carbone et peut être réduit en poudre, en pellet et utilisé comme biocarburant et, ou amendement du sol (similaire au biochar) et d'autres études sur la production économique des nanomatériaux.
Inconvénients
modifierLe processus et certains produits utilisés (lisiers, fumiers...) impliquent une installation industrielle complexe et sécurisée (haute température, haute pression), plus lourde et coûteuse que d'autres installations de valorisation énergétique de la biomasse.
Selon une étude publiée en 2012, les hydrochars comme les produits de pyrolyse à sec (biochar) peuvent améliorer la fertilité et qualité des sols, mais cependant pas à la manière d'un compost car au sortir du processus l'hydrochar est stérilisé. La fabrication de l'hydrochar est en soi dite neutre en carbone, mais à la différence des biochars qui diminuent dans les sols cultivés les émissions de N20 (un gaz à effet de serre déjà préoccupant pour l'agriculture) les hydrochars peuvent au contraire aggraver ces émissions[16].
Avantages
modifierCe procédé valorise théoriquement tout le carbone de la biomasse, qui peut provenir de déchets organiques.
Le procédé lui-même ne dégage presque pas de CO2 et il est adapté à une large typologie de produits (bois, déchets verts purin, lisier, marc de raisin, cactus invasifs, déchets d'olives ou de palmiers à huile et autres déchets lignocellulosiques[17],[18],[19] ou agroindustriels[20], compost de respectant pas les spécifications nécessaires[21], boues d'épuration[22], algues et résidus d'aquaculture…).
A la différence de la pyrolyse sèche, il accepte des matières à très hautes teneurs en eau jusqu'à 75 % – 90 %) sans avoir besoin d'un pré-séchage[23].
Le biocharbon obtenu peut être conditionné sous forme de pellets[24] et se substituer à la houille et au lignite et être brûlé en chaudière. Le produit obtenu peut ensuite libérer toute l’énergie solaire antérieurement stocké sans la biomasse[6]. Il sera énergétiquement plus efficace que le bioéthanol (seulement 10 % de la canne à sucre est transformée en bioéthanol) ou le biogaz (qui au mieux valorise 50 % du carbone de la biomasse).
Efficience et bilan énergétique
modifierL'efficacité carbone de la plupart des processus de conversion de matière organique en carburant est faible, car lors de ce processus une part importante du carbone contenue dans la biomasse est perdue, et souvent sous forme de CO toxique, de CO2 ou de méthane qui sont des gaz à effet de serre.
La réaction exothermique permet un bon bilan énergétique[25] et les catalyseurs sont efficaces même en cas de variations des matières utilisées.
Il n'est généralement pas nécessaire de consommer de l'énergie pour mettre sous pression le réacteur : c'est la vapeur produite par la réaction exothermique dans l'enceinte confinée qui va mettre le réacteur sous pression.
Process | Efficacité carbone |
---|---|
Carbonisation hydrothermale | 90 à 100 % |
Fermentation alcoolique | 67 % |
Conversion anaérobie au biogaz | 50 % |
Production de charbon de bois | 30 % |
Production d'humus via compostage | de 5 % à 10 % |
Remarque : le tableau ci-dessus est classé par rendement décroissants d'installation (mais les techniques les plus énergétiquement rentables demandent des installations plus couteuses, lourdes et complexes, et les agrocarburants de type alcool ou biodiesel ne peuvent être produits qu'à partir des parties grasses ou sucrées de certaines plantes. Si toutes les parties de plantes rustiques et à croissance rapides pouvait servir à la production de carburant (avec retour au sol des nutriments), le rendement énergétique de l'opération serait trois à cinq fois meilleur pour une même zone de culture (ex. : saule, peuplier, miscanthus, chanvre, roseaux ou sous-produits de l'agroforesterie).
Théoriquement, à condition de ne pas manquer d'eau la carbonisation hydrothermale permet d'utiliser des cultures énergétiques économes en énergie et ne nécessitant pas d'engrais ni pesticides, voire des plantes aquatiques invasives ou des plantes poussant sur sol pauvre.
Si le process lui-même est neutre en carbone, un juste bilan carbone doit néanmoins tenir compte de l'empreinte carbone de l'usine, des infrastructures, du transport, de la production de la biomasse utilisée, etc.
Recherche
modifierDes charbons activés ou des charbons technique présentant des caractéristiques particulières en termes de nanopores pourraient être utilisés pour :
- épurer l'eau polluée ou des sols de leurs métaux lourds[26] ou de pesticides ;
- la fabrication d'anodes par exemple pour des batteries lithium-ion[27],[28].
Notes et références
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Voir aussi
modifierBibliographie
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Articles connexes
modifierLiens internes et externes
modifier- Bulletin électronique Allemagne numéro 503 (3/11/2010) – Ambassade de France en Allemagne / ADIT
- Site du projet AVA-CO2 : http://www.ava-co2.com/
- (de) [PDF] résumé technique