Cœur d'Anne de Lens
Le Cœur d'Anne de Lens est un reliquaire découvert à Douai en 2007 au cours de fouilles d'archéologie préventive. La relique est un cœur de plomb avec une inscription contenant un cœur embaumé.
Le contexte
modifierLe service d'archéologie préventive du Douaisis
modifierLa communauté d'agglomération du Douaisis dispose en 2007 d'un service d'archéologie préventive, alors le plus important de France avec près de 100 archéologues, céramologues, archéo-anthropologues, archéo-zoologues, topographes, conservateurs et restaurateurs utilisant des outils de pointe. Il accueillait un laboratoire d'analyses physiques et de caractérisation des matériaux et un laboratoire de conservation et de restauration du mobilier archéologique, avec l'appui de techniques telle que la microscopie polarisante, la radiographie ou la microscopie électronique à balayage environnemental[1].
L'église Saint-Jacques
modifierL'église Saint-Jacques, située à l'actuelle place Carnot, est construite en architecture gothique entre 1240 et 1250, son nom fait référence à un bourgeois de la ville Jacques Painmouillé. Elle fut vendue à la Révolution puis rasée en 1798 pour devenir la place Carnot à quelques centaines de mètres de la gare[2].
La fouille archéologique
modifierL'église Saint-Jacques a ses pierres des fondations prélevées en 1845-1847 lors de la création des chantiers nationaux. Des sépultures se situent à proximité dans un cimetière utilisé du XIIIe siècle à la Révolution d'environ 1000 tombes. En 2005 le projet des travaux du tramway Évéole à Douai est lancé. Des fouilles sont entreprises dès 2007, sous la responsabilité de Stéphane Venet à l'actuelle place Carnot de Douai. La place devant être complètement reconditionnée par la traversée de la nouvelle de ligne. L'église et le cimetière paroissial sont retrouvés et 1892 sépultures seront dégagées.
Anne de Lens
modifierAnne de Lens[3] est la fille ainée de Gilles de Lens, vingt-septième membre de l'ordre de Saint-André, et de Marie de Habarcq. Elle épouse le 2 octobre 1554 à l'Hôtel de Lens à Arras, Adrien de Dion deuxième du nom, fils du gouverneur de Louvain Adrien de Dion et d'Adrienne d'Allesne.
Adrien de Dion II est cousin de Ponthus de Lalaing, seigneur de Bugnicourt[4],[5]. La maison de Dion est originaire de Dion-le-Val, un village de la commune belge de Chaumont-Gistoux située en Région wallonne dans la province du Brabant wallon[6].
Dix ans après leur mariage sans postérité, un testament est établi le 1er mars 1565. Il désigne la descendance de sa sœur Marie de Dion comme héritier d'Adrien de Dion et Anne de Lens, mais trois naissances suivent. Les époux firent le 6 juillet 1576 un nouveau testament qui fut reconnu le 8 février 1577[7].
Les recherches
modifierDilaceratio Corporis
modifierL'embaumement séparé du corps et des viscères (« Dilaceratio Corporis » )) "partage des restes" s'étend au XIIIe siècle, plus précisément depuis 1252 avec la mort de Blanche de Castille dont le cœur est transféré à l'abbaye du Lys à Dammarie-lès-Lys un an après son décès. Le pape Boniface VIII frappe d'interdiction cette pratique en 1299 par sa bulle Detestande feritatis[8]. Cette bulle tomba rapidement en désuétude quant à son objet spécifique : en France, quasiment tous les rois et reines depuis Philippe le Bel obtinrent des dispenses spéciales des papes pour contourner l'interdit[9]. Anne de Lens est ainsi enterrée au château de Dion-le-Val dans la chapelle Saint-Nicolas mais son cœur est transféré à Douai, renforçant l'attachement qu'elle avait à la ville de Douai et aux terres qu'elle possède à Cantin et Sin-le-Noble.
Cœur de plomb
modifierParmi les 1892 tombes, l'une d'elles située dans le chœur, un emplacement signe de l'importance du décédé. Le 9 novembre 2007 est découverte, dans cette zone, sous un squelette, une fosse contenant un cœur de plomb oxydé aux dimensions de 35 × 25 × 15 cm. Dès sa découverte un contenu mobile est détecté. Il s'agit du reliquaire d'Anne de Lens. Quelques heures après sa découverte, une perforation apparaît dans le plomb, la conservation et préservation du contenu est compromise. La relique est confiée à un laboratoire spécialisé dans la conservation, restauration situé à Nantes, il s'agit d'Arc'Antique[10]. La décision d'ouvrir le cœur de plomb est prise, pour assurer la conservation du contenant et contenu. Le plomb est épais de 4 mm constitué de trois plaques soudées. Dès l'ouverture une odeur fleurie, fruitée se dégage provenant du baume utilisé. Un cœur embaumé est à l'intérieur. L'hôpital Guillaume-et-René-Laennec prend en charge l'organe. L'étude de l'organe révèle un chromosome Y, celui d'un homme.
L'inscription
modifierLes travaux de restauration du cœur de plomb mettent au jour une inscription "Ci-dedans repose le cœur de noble dame Anne de Lens, femme de messire Adrien de Dion... du dit lieu Wandosme... laquelle trépassa le Xe de novembre 1580 »[11]. Ultérieurement les villes de Cantin et de Sin y sont retrouvées citées.
Technique d’embaumement
modifierLe baume est prélevé dans l'intérieur du reliquaire mais aussi dans les ventricules et l'atrium. Une analyse palynologique permet de déceler de nombreux éléments organiques. Des tiges de végétaux; des cheveux ou poils, et près de 93 pollens différents sont retrouvés avec par ordre d'importance le mélilot blanc, le cerfeuil musqué, l'angélique officinale, l'anis vert,et la flouve odorante[12].
Bibliographie
modifier- Autopsie d'une fouille (Douai- Place Carnot) : du soin des corps au souci des âmes, Musée de la Chartreuse, Archéologie du Douaisis, , 21 p. (ISBN 978-2-908038-22-4 et 2-908038-22-6)
- William Devriendt, Stéphane Venet, Ann Defgnée, Nicolas Garnier, Benjamin Gillet, Catherine Hänni, Loretta Rossetti, Découverte d’un cœur-reliquaire à Douai (ancienne église Saint-Jacques, place Carnot) : Approche pluridisciplinaire de l’embaumement à l’époque moderne, Archéologie Médiévale, tome 42, 2012, 416 pages, CNRS Éditions, 2012, (ISBN 978-2-271-07555-0), (ISSN 0153-9337)
Sujets annexes
modifierNotes et références
modifier- Plaquette de présentation du laboratoire du service d'archéologie préventive de la communauté d'agglomération du Douaisis. Lire en ligne:[1] ; Après un plan drastique de réduction des effectifs assorti de nombreux licenciements ou non reconductions de contrats, la Direction de l'Archéologie préventive est réduite à 21 personnes en 2016 : Hélène Girard, Ce qui menace les services archéologiques territoriaux, 10/06/2015, www.lagazettedescommunes.com [2] ; L'ARCHÉOLOGIE DOUAISIENNE CREUSE SON TROU : LE LENT DÉMEMBREMENT DE LA COMPÉTENCE ARCHÉOLOGIQUE, 08/05/2015, www.journalistes-patrimoine.org [3]
- « Plan de la ville de Douay et du fort d'Escarpe », Europeana (consulté le )
- Généalogie Jean Hervé Favre, De Lens, gw.geneanet.org
- Dictionnaire de la noblesse, contenant les généalogies, l'histoire et la chronologie des familles nobles de France, vol. 14, Vve Duchêne, , Adrien de DionII du nom Chevalier Seigneur de Dion le Val Wandonne Coupelles &c partagea avec ses sœurs la succession de père & mère le 5 mai 1563. En vertu des Lettres Patentes à lui par Philippe Roi de Castille en date du 7 janvier il obtint pouvoir d en disposer & il fit son testament le 6 janvier 1576. Il épousa Anne de Lens fille de Messire Gilles de Lens Chevalier d Aix de Grand Fossé & de Marie Dame de Habarr dAubigny de Warlu Givency &c icelle fille & héritière de Messire Pierre de Habarr & de Dame Antoinette de Markais fille de Messire Robert de Markais Gouverneur d Arras & de Dame Anne de l Hoynel & sœur de N de qui épousa Cyprien de Montmorency. II est bon d observer ici que la Dame Anne de Lens avoit pour frère Messire Gilles de Lens Chevalier Baron d Aubigny Seigneur de Habart Warlu Givency qui de forme Dame de Noyelle & de Croix son épouse eut deux filles l aînée Marie de Lens Baronne d Aubigny femme de Charles Comte d Egmont Prince de Gavre grand d Espagne Chevalier de la Toison d Or auquel passa la Baronnie d Aubigny &c Celui-ci épousa Dame Marguerite Comtesse & unique héritière de Ber laimont & en eut Philippe Comte d Egmont Prince de Gavre grand d Espagne Chevalier de la Toison d Or &c marié à Marie Ferdinand de Croy Marquise de Renty &c Voye Carpentier dans son Histoire Généalogique des Familles du Cambresis & des Provinces voisines page5 7 z 48 q s 3 5 4 & 9 5 5 e meme que Gelique dans fa Chronique de Cambray ainsi que la Généalogie des Comtes d Egmont La ca dette Madeleine de Lens fut mariée à Jean de Montmorency Comte d Estair & de Morbecq dont pour fils Eugène de Montmorency Prince de Robecq Marquis de Morbecq Comte d Estair &c qui épousa Marguerite Princesse de Ligne & d Aremberg & en eut Eugène de Mont morency Marquis de Morbecq marié a Anne de Croy A l égard d Adrien de Dion II du nom il eut d Anne de Lens son épouse 1 GILLES qui suit 2 JEAN tige de la branche des Seigneurs de Wandonne &c établie en Artois rapportée ci après 3 Et Anne de Dion mariée a Messire Jean de Brias Chevalier Seigneur de Royon fils de Messire Bernard Gouverneur d Hesdin & petit fils d Antoine de Brias & de Marie de Zeneghem dont postérité
- Souvenirs de la Flandre wallonne, (lire en ligne), Adrien de Dion chevalier seigueur de Dion etc lieutenant de la compagnie d hommes d armes de Mr de Bugnicourt son cousin Ponthus de Lalaing,chevr de la Toison d'or gouverneur d Artois fut reçu bourgeois d Arras le 2 septembre 1554 gratis à raison de son alliance projetée avec Anne de Lens fille aînée de Gilles de Lens chevr sgr d Aix etc et de Marie de Habarcq le mariage se fit le 2 octobre suivant en l hôtel de Lens à Arras Id p 710
- Annuaire de la noblesse de France et des maisons souveraines de l'Europe, vol. 18 (lire en ligne), Cette ancienne et illustre famille du Brabant tire son nom de la terre de Dion le Val située à une lieue de la ville de Wavre et à cinq lieues de Bruxelles Elle avait d abord pour armes d argent à l aigle impériale de sable depuis le mariage de Gilles de Dion avec Philippine de Wavre petite fille de Jean Ier dit le Fortuné duc de Brabant vers l an 1360 elle a chargé l aigle d un écu de Brabant posé en abisme de sable au lion d or à la
- Souvenirs de la Flandre-Wallonne, vol. 10, (lire en ligne), N ayant pas d enfant après plus de dix ans de mariage il teste le 1 mars 1565 v st partageant sa succession entre ses neveux fils de loue sa sœur Marie de Dion Il donne à son neveu Jean de Glymes la terre et sg de Cantin il choisit pour ses exécuteurs testamentaires dame Anne de Lens sa compagne Gilles de Lens chev baron d Aubigny son beau père et messire Christophe d Assonville conseiller au conseil privé du roi. Quelque temps après un heureux événement vint annuler ces dispositions. Les époux firent le 6 juillet 1576 un nouveau testament qui fut reconnu le 8 février 1577.
- « Démembrement et intégrité du corps au XIIIe siècle », Agostino Paravicini Bagliani, in Terrain, n°18, .
- Le Regard de l'anatomiste. Dissection et invention du corps en Occident, Rafael Mandressi, Éditions du Seuil, .
- Arc'Antique - site Officiel:[4]
- (source Voix du Nord 25 mai 2008) A lire :[5]
- Archéologie médiévale, vol. 42, CNRS, 416 p. (lire en ligne)