Byssus
Le byssus (du grec βύσσος / bússos, « lin fin ») est un ensemble de fibres sécrétées par certains mollusques bivalves et qui leur permet d'adhérer au substrat. Pour les mollusques comestibles (comme les moules), ce byssus est appelé barbe et est enlevé (ébarbé) avant la cuisson (en technique culinaire, on parle d'ébarbage).
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Détail d'un Byssus.
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Agrandissement.
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Coupe transversale (forme ellipsoïdale).
Bien qu'une forte adhérence des moules aux récifs rocheux soit nécessaire à leur survie, ces organismes sessiles peuvent se libérer du substrat pour retrouver leur mobilité lorsqu'ils rencontrent des prédateurs ou un environnement difficile[1],[2],[3].
Byssogénèse
modifierLes fibres du byssus sont produites par une glande dite glande byssogène, caractéristique de certaines espèces des familles Mytilidae, Arcidae, Anomiidae, Pinnidae, Pectinidae, Dreissenidae et Unionidae.
Le byssus est formé de deux constituants sécrétés indépendamment et circulant dans des microvaisseaux, d'une part une solution riche en protéines adhésives et d'autre part une solution ionique riche en Fe3+ et V3+. Les deux liquides se rencontrent à proximité immédiate de l'eau de mer et réagissent sous l'effet du pH qui passe de 2 à 8, formant alors un réseau très robuste et de forte adhérence[4]. Quand une moule rencontre une crevasse, elle y crée une chambre à vide, à la manière d'un plombier avec sa ventouse. Le byssus est déversé dans cette chambre sous la forme d'une mousse liquide collante. Le pied du mollusque pompe alors cette mousse, ce qui produit des filaments de la taille d'un cheveu humain[5].
Les fibres, à base de protéines quinone et de kératine, ont une cuticule extérieure riche en tyrosine, un acide aminé particulier très adhésif même sous l'eau. Elles s'associent avec des ions ferriques, ce qui donne un complexe très résistant à l'usure et une grande capacité d'extension[6].
Usages
modifierEn Méditerranée, le mollusque bivalve Pinna nobilis produit un byssus pouvant dépasser 6 cm que l'on transforme en un textile appelé soie de mer (en) ou laine de poisson. Cette matière, sorte de soie brune aux reflets dorés, était connue de certains peuples antiques du bassin méditerranéen. De nombreux textes grecs anciens tels que la version grecque du texte de la pierre de Rosette, mentionnent un textile fort onéreux sous le terme de byssus mais on sait aujourd'hui qu'il s'agissait non pas du byssus de mollusque mais de tissu de lin[7]. La Toison d'or de la mythologie aurait été selon certains historiens une référence au véritable byssus de la grande nacre[8].
Des textes du IXe siècle évoquent déjà la récolte de byssus et les qualités exceptionnelles de cette matière[9]. Cette activité a duré jusqu'au milieu du XXe siècle dans le golfe de Tarente et en Sardaigne. Chaque coquillage donne moins de deux grammes de fibres[8]. Le byssus est alors lavé, éclairci par un procédé chimique, puis cardé.
On utilise notamment le byssus pour confectionner des gants, des bonnets, mais toujours des objets luxueux.
La soie de mer n'est plus produite qu'en Sardaigne et uniquement par quelques rares femmes de Sant'Antioco, comme Chiara Vigo, qui en maîtrisent l'art[10],[11],[12], sinon le prélèvement de byssus n'a cours que pour réparer d'anciens habits[8]. Le byssus d'Atrina pectinata, un coquillage de la même famille, a été utilisé près de Sant'Antioco pour tisser de la soie de mer comme substitut de Pinna nobilis, espèce en danger critique d'extinction[12].
Attestations archéologiques
modifier- Bonnet du XIVe siècle découvert à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis, région Île-de-France, France).
- Le voile de Manoppello - le visage de Jésus, au moment de la mise au tombeau, aurait été imprimé sur ce byssus, relique arrivée à Manoppello (province de Pescara, région Abruzzes, Italie) en 1506.
Bioinspiration
modifierEn 2007 des chercheurs ont synthétisé un polymère de la dopamine, dit polydopamine, qui pourrait servir de colle biologique fine en chirurgie et sur certaines prothèses délivrant des médicaments encapsulés dans des nanostructures[13],[14].
Les propriétés remarquables du byssus ont donné l'idée à des chercheurs en génie génétique d'insérer de l'ADN de moule dans des cellules de levure[réf. nécessaire].
Notes et références
modifier- (en) Guoqing Pan et Bin Li, « A dynamic biointerface controls mussel adhesion », Science, vol. 382, no 6672, , p. 763-764 (DOI 10.1126/science.adl2002).
- (en) Jenaes Sivasundarampillai, Lucia Youssef, Tobias Priemel, Sydney Mikulin, E. Deniz Eren et al., « A strong quick-release biointerface in mussels mediated by serotonergic cilia-based adhesion », Science, vol. 382, no 6672, , p. 829-834 (DOI 10.1126/science.adi74).
- (en) Laura Fattaruso, « How mussels quickly release their tethers to the shore », Physics Today, (DOI 10.1063/PT.6.1.20231206a).
- (en) Tobias Priemel, Gurveer Palia, Frank Förste, Franziska Jehle, Sanja Sviben et al., « Microfluidic-like fabrication of metal ion-cured bioadhesives by mussels », Science, vol. 374, no 6564, , p. 206-211 (DOI 10.1126/science.abi9702).
- Jose Babarro, Journal of the Marine Biological Association of the United Kingdom , 2008, vol. 88, n°4, pp. 783-791
- Harrington et al, Iron-clad fibers: a metal-based biological strategy for hard flexible coatings, Revue Science, mars 2010
- La version égyptienne du texte, quant à elle, parle simplement de "fin tissu" (fine linen), cf. http://www.reshafim.org.il/ad/egypt/texts/rosettastone1.htm.
- Louise Marquez, « De la soie de mer aux tissus d'or », Pour la Science, no 393, (lire en ligne)
- "La Sardaigne productrice de matières précieuses au Moyen Âge : état des questions et projets d’enquêtes", Jean-Michel Poisson, Mélanges de l'école française de Rome, 2008, 120-1, pp. 159-171 [1]
- « Due tessitrici di Sant’Antioco hanno realizzato, in bisso marino, un arazzo per il Papa ed una tovaglia per la Basilica. », sur La Provincia del Sulcis Iglesiente (consulté le ).
- Projet de Soie Marine du musée d'Histoire Naturelle de Bâle (Suisse) http://www.muschelseide.ch/en/geschichte/20--Jahrhundert.html
- Stefania Cubello, « Au fil de l'eau », Magazine International Patek Philippe, , p. 35-39 (lire en ligne, consulté le ).
- Mussel-Inspired Surface Chemistry for Multifunctional Coatings Haeshin Lee, Shara M. Dellatore, William M. Miller, Phillip B. Messersmith Science 19 October 2007: vol. 318 no 5849 p. 426–430 DOI 10.1126/science.1147241
- Perspectives on poly(dopamine) Daniel R. Dreyer, Daniel J. Miller, Benny D. Freeman, Donald R. Paul et Christopher W. Bielawski Chem" Sci 2013, Advance Article DOI 10.1039/C3SC51501J
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- McKinley, Daniel L. 1988. "Pinna and Her Silken Beard: A Foray Into Historical Misappropriations". Ars Textrina: A Journal of Textiles and Costumes, Vol. Twenty-nine, June, 1998, Winnipeg, Canada. p. 9-223.
- Maeder, Felicitas 2002. "The project Sea-silk – Rediscovering an Ancient Textile Material." Archaeological Textiles Newsletter, Number 35, automne 2002, p. 8-11.
- Maeder, Felicitas, Hänggi, Ambros and Wunderlin, Dominik, Eds. 2004. Bisso marino : Fili d’oro dal fondo del mare – Muschelseide : Goldene Fäden vom Meeresgrund. Naturhistoriches Museum and Museum der Kulturen, Bâle, Suisse. (en italien et allemand).
- Turner, Ruth D. and Rosewater, Joseph 1958. "The Family Pinnidae in the Western Atlantic" Johnsonia, Vol. 3 No. 38, , p. 285-326.
- Adamo Fabbroni, Del Bombice e del Bisso degli antichi, Stamperia del Costantini, Pérouse, 1783
- Pietro Lazzarini, Bisso e porpora: il b. Angelo Orsucci, domenicano lucchese (martire nel Giappone), Società Editrice Internazionale, Turin, 1950
- Daniel McKinley, Pinna and her silken beard: a foray into historical misappropriations, in: Ars Textrina – A Journal of Textiles and Costume, volume 29, juin 1998, Charles Babbage Research Centre for the Editorial Board, Winnipeg, 1998
- Evangelina Campi, La seta del mare: il bisso: storia, cultura, prospettive, Scorpione Editrice, Taranto, 2004, (ISBN 978-8880991380)
- Felicitas Maeder, Ambros Hänggi, Dominik Wunderlin, Bisso marino. Fili d’oro dal fondo del mare – Muschelseide. Goldene Fäden vom Meeresgrund, Catalogo della Mostra (Bâle, -), 5 Continents Editions, Milan, 2004, (ISBN 978-8874391141)
- Susanna Lavazza, Dal buio alla luce, il bisso marino e Chiara Vigo, Cartabianca Publishing, Trevignano Romano, 2012, (ISBN 978-8888805016)
- Susanna Lavazza, Chiara Vigo - L'ultimo Maestro di bisso, Carlo Delfino editore, Sassari, 2014, (ISBN 978-8871387857)
- Rossana Cingolani, Chiara Vigo, l'ultimo Maestro di Bisso Marino, Carlo Delfino editore, Sassari, 2014
- Eduardo Delehaye, Il bisso una fibra misteriosa fra storia e letteratura, Carlo Delfino editore, Sassari, 2016, (ISBN 978-8871389042)
À propos de l'ultrastructure du byssus
modifier- Aurelio Bairati et L. Vitellaro Zuccarello, « The ultrastructure of the byssal apparatus of Mytilus galloprovincialis », Cell and Tissue Research, vol. 166, no 2, (ISSN 0302-766X et 1432-0878, DOI 10.1007/bf00227043, lire en ligne, consulté le )
- E Bell et J Gosline, « Mechanical design of mussel byssus: material yield enhances attachment strength », Journal of Experimental Biology, vol. 199, no 4, , p. 1005–1017 (ISSN 1477-9145 et 0022-0949, DOI 10.1242/jeb.199.4.1005, lire en ligne, consulté le )
- Christine V. Benedict et J. Herbert Waite, « Composition and ultrastructure of the byssus ofMytilus edulis », Journal of Morphology, vol. 189, no 3, , p. 261–270 (ISSN 0362-2525 et 1097-4687, DOI 10.1002/jmor.1051890305, lire en ligne, consulté le )
- C. H. BROWN, « Some Structural Proteins of Mytilus edulis », Journal of Cell Science, vol. s3-93, no 24, , p. 487–502 (ISSN 1477-9137 et 0021-9533, DOI 10.1242/jcs.s3-93.24.487, lire en ligne, consulté le )
- J. Herbert Waite, « The Formation of Mussel Byssus: Anatomy of a Natural Manufacturing Process », dans Structure, Cellular Synthesis and Assembly of Biopolymers, Springer Berlin Heidelberg, , 27–54 p. (ISBN 978-3-662-22440-3, DOI 10.1007/978-3-540-47207-0_2, lire en ligne)