Les bisphosphonates[1], ou diphosphonates, sont des molécules indiquées dans le traitement de l’ostéoporose, de la maladie osseuse de Paget et dans certains cas de métastases osseuses ou de myélome multiple.

Historique

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Les premières synthèses des bisphosphonates remontent aux années 1800 mais c'est seulement depuis vers 1965 qu'ils sont réellement utilisés dans les traitements. Même l'étidronate, le premier bisphosphonate à être utilisé chez l'homme, a été synthétisé il y a plus de 100 ans[2].

 
Histoire des bisphosphonates

Les premiers bisphosphonates ont principalement été utilisés comme inhibiteurs de corrosion, mais aussi comme agents complexants dans les industries du textile, des engrais et du pétrole, ainsi que pour de nombreux autres processus industriels.

La découverte des effets biologiques des bisphosphonates fut publiée dans les études sur les mécanismes de calcification et le rôle de pyrosphophate.

Lors des premières utilisations cliniques, les bisphosphonates ont été utilisés en tant qu'inhibiteurs de la calcification. Ils étaient également utilisés comme agents d'imagerie osseuse.

Mode d'action

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Les bisphosphonates, contenant un groupe azote (toutes sauf l'étidronate), inhibent l'enzyme farnésyl-pyrophosphate synthase des ostéoclastes, indispensable à leur fonction[3]. La fonction ostéoclastique est diminuée, avec une baisse de la résorption osseuse.

Les molécules de bisphosphonate simulent, par leurs formes, la molécule de pyrophosphate qui se trouve dans l'os. Cependant, à la différence du pyrophosphate, elles ne sont que très difficilement résorbées par les ostéoclastes, cellules qui habituellement résorbent l'os ancien pendant que les ostéoblastes en fabriquent du nouveau.

Pharmacodynamique

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La biodisponibilité (taux d’absorption) est faible, et diminuée par l'alimentation et un certain nombre d'ions. De ce fait, les bisphosphonates doivent impérativement se prendre à jeun, et le patient ne doit rien absorber pendant 30 à 60 minutes après la prise du bisphosphonate[4].

Les formes intraveineuses permettent l'administration une fois par an.

Dans les formes orales, pour éviter les irritations de l'œsophage, le patient doit rester en position verticale (assis ou debout) jusqu'à ce qu'il ait mangé.

Indications

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Ils diminuent le risque de fractures dues à la déminéralisation osseuse secondaire à la ménopause[5]. Ils sont donnés également en prévention de l'ostéoporose due à l'administration prolongée de corticoïdes[6].

Les bisphosphonates sont le traitement de prédilection pour l’hypercalcémie paranéoplasique (tumorale) car ils inhibent la résorption osseuse pathologique.

La résorption osseuse, accélérée dans l'ostéogenèse imparfaite, est ralentie par les bisphosphonates.

Les différents bisphosphonates

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Substance active Nom commercial Administration Indication Puissance
Étidronate ou acide étidronique Didronel, Osteodidronel orale Ostéoporose 1
Clodronate ou acide clodronique Bonefos, Clastoban, Lytos orale ou parentérale Onco-hématologie 10
Tiludronate ou acide tiludronique Skelid orale Maladie de Paget 10
Pamidronate ou acide pamidronique Aredia, Ostepam, Pamidrin, Paminject parentérale Onco-hématologie,

Maladie de Paget

100
Alendronate ou acide alendronique Fosamax, Fosavance, Adrovance orale Ostéoporose 1 000
Risédronate ou acide risédronique Actonel orale Onco-hématologie,

Maladie de Paget, Ostéoporose

1 000-5 000
Ibandronate ou acide ibandronique Bondronat, Bonviva orale ou parentérale Onco-hématologie,

Maladie de Paget, Ostéoporose

10 000
Zolédronate ou acide zolédronique Zometa, Aclasta parentérale Onco-hématologie,

Maladie de Paget,

Ostéoporose

15 000

L'étidronate ne contient pas de groupe azote et le niveau de preuve de son efficacité est moindre que pour les autres molécules[7]. Le clodronate et le tiludronate ne sont pas azotés non plus.

Efficacité

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Ils diminuent le risque de fractures chez la femme ménopausée. Il n'existe cependant pas d'études comparant l'efficacité des différents bisphosphonates[7].

Ils diminuent également les calcifications artérielles mais sans effet démontré sur le risque de survenue d'accidents cardio-vasculaires[8].

Un effet antitumoral a été suspecté[9] mais pas confirmé[10].

La durée du traitement est comprise entre 3 et 5 ans[4].

Effets secondaires

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Les effets secondaires les plus courants sont d'ordre digestifs, irritation gastrique et œsophagienne, affectant 7 % des patients[4], sans formes sévères[11].

L'administration intraveineuse peut conduire à une réaction inflammatoire durant quelques jours (fièvre, douleurs musculaire...)[12].

En cas de déficit en vitamine D, une hypocalcémie transitoire peut être constatée[4].

Il peut exister une augmentation modérée et transitoire de la créatinine, ce qui en fait une contre-indication théorique en cas d'insuffisance rénale sévère. Toutefois, la sécurité de cette classe de médicament n'est pas bien établie en cas d'atteinte rénale non sévère[13].

D'autres effets secondaires comprennent :

  • des inflammations et lésions oculaires[14] ;
  • des douleurs osseuses ;
  • une ulcérations sur les gencives ;
  • une Nécrose des os maxillaire ou mandibulaire : assez fréquente lors de la prescription de bisphosphonates à hautes doses dans le cadre des traitements des cancers[15], cette complication est exceptionnelle aux petites doses utilisées dans l'ostéoporose[16].
  • une Ostéopétrose ;
  • une Fibrillation auriculaire, notamment avec l'acide zolédronique[12] ;
  • une Phlébite en cas d'injection[17].

Un effet secondaire paradoxal serait la survenue de fracture spontanée de la diaphyse du fémur[18]. Cela pourrait être dû à une inhibition du remodelage osseux pouvant fragiliser l'os[19]. Ce risque est cependant extrêmement faible et la responsabilité des bisphosphonates reste discutée[20]. Pour l'AFSSAPS, des douleurs, une faiblesse ou une gêne ressenties dans la cuisse ou la hanche pendant le traitement sont des motifs de consultation immédiate[21].

Références

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  1. Avec le préfixe bis-, et non bi-.
  2. (en) « Bisphosphonates: the first 40 years », (consulté le )
  3. (en) Russell RG, Watts NB, Ebetino FH, Rogers MJ. « Mechanisms of action of bisphosphonates: similarities and differences and their potential influence on clinical efficacy » Osteoporos Int. 2008;19:733-59. PMID 18214569
  4. a b c et d Billington E, Aghajafari F, Skulsky E, Kline G A. Bisphosphonates, BMJ, 2024;386:e076898
  5. (en) JP Bilezikian. « Efficacy of bisphosphonates in reducing fracture risk in postmenopausal osteoporosis » Am. J. Med. 2009;122:Suppl:S14-S21 PMID 19187808
  6. Buckley L, Guyatt G, Fink H, et al. 2017 American College of Rheumatology Guideline for the prevention and treatment of glucocorticoid-induced osteoporosis, Arthritis Rheumatol, 2017;69:1521-37
  7. a et b (en) Poole KE, Compston JE, « Bisphosphonates in the treatment of osteoporosis » BMJ 2012;344:e3211
  8. Kranenburg G, Bartstra JW, Weijmans M et al. Bisphosphonates for cardiovascular risk reduction: a systematic review and meta-analysis, Atherosclerosis, 2016;252:106-115
  9. Coleman R, Powles T, Paterson A et al. Adjuvant bisphosphonate treatment in early breast cancer: meta-analyses of individual patient data from randomised trials, Lancet, 2015;386:1353-1361
  10. Hue TF, Cummings SR, Cauley JA et al. Effect of bisphosphonate use on risk of postmenopausal breast cancer: results from the randomized clinical trials of alendronate and zoledronic acid, JAMA Intern Med, 2014;174:1550-1557
  11. Ghirardi A, Scotti L, Zambon A et al. Risk of severe upper gastrointestinal complications among oral bisphosphonate users, PLoS One, 2013;8:e73159
  12. a et b (en) Black DM et al. « Once-yearly zoledronic acid for treatment of postmenopausal osteoporosis » N Engl J Med. 2007;356(18):1809-22. PMID 17476007
  13. Ott SM, Bisphosphonate safety and efficacy in chronic kidney disease, Kidney Int, 2012;82:833-5
  14. Patel DV, Bolland M, Nisa Z et al. Incidence of ocular side effects with intravenous zoledronate: secondary analysis of a randomized controlled trial, Osteoporos Int, 2015;26:499-503
  15. A. Khan. « Osteonecrosis of the jaw and bisphosphonates » BMJ 2010;340:c246.
  16. (en) Mavrokokki T, Cheng A, Stein B, Goss A. « Nature and frequency of bisphosphonate-associated osteonecrosis of the jaws in Australia » J Oral MaxillofacSurg. 2007;65:415-23. PMID 17307586
  17. (en) « Bisphosphonate Side-Effects », sur News-Medical.net, (consulté le )
  18. (en) Lenart BA, Lorich DG, Lane JM. « Atypical fractures of the femoral diaphysis in postmenopausal women taking alendronate » N Engl J Med. 2008;358:1304-6. PMID 18354114
  19. (en) Odvina CV, Zerwekh JE, Rao DS, Maalouf N, Gottschalk FA, Pak CY. « Severely suppressed bone turnover: a potential complication of alendronate therapy », J Clin Endocrinol Metab, 2005;90:1294-301. PMID 15598694
  20. (en) Black DM, Kelly MP, Genant HK et al. « Bisphosphonates and fractures of the subtrochanteric or diaphyseal femur », N Engl J Med, 2010;362:1761-71. PMID 20335571
  21. « Biphosphonates : des médicaments paradoxaux », sur VIDAL (consulté le )