Banganarti
L'église de Banganarti est située dans un petit village du Soudan, à mi-chemin entre la troisième et la quatrième cataracte du Nil, à 10 km d'Old Dongola, la capitale de la Makurie.
Banganarti | |
Site de Banganarti en 2014 | |
Localisation | |
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Pays | Soudan |
Coordonnées | 18° 10′ 00,046″ nord, 30° 47′ 05,79″ est |
Histoire | |
Époque | Médiévale |
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Le site de Banganarti était un important centre de pèlerinage chrétien, l'église, exceptionnelle au titre de ses dix-huit chapelles et sept sanctuaires était visitée par un nombre considérable de pèlerins durant tout le Moyen Âge.
Les fouilles
modifierRecherche archéologique polonaise
modifierLes archéologues polonais travaillent sur le site depuis 1998. Banganarti a été inclus dans la prospection de terrain menée dans le cadre du Southern Dongola Reach Survey, dirigé par Bogdan Żurawski, les fouilles ont commencé en 2001. Plus tôt, à partir de 1984, le site avait été étudié par une expédition du Musée royal de l'Ontario[1] (projet ROM 53).
Les recherches polonaises sont organisées par le Centre polonais d'archéologie méditerranéenne de l'Université de Varsovie, l'Institut des cultures méditerranéennes et orientales de l'Académie polonaise des sciences et, depuis 2016, par l'Institut d'archéologie de l'Université de Rzeszów. Les fouilles archéologiques et les travaux de conservation et de reconstruction ont été menés en coopération avec la Société nationale soudanaise des antiquités et des musées (NCAM)[1].
Au cours des premières saisons, les travaux se sont concentrés sur la grande église de Banganarti. Cinq églises se sont succédé sur ce site entre VIIe et XIe siècles[2](profondeur de fouilles de 8 m[3]). Une architecture très originale a été mise à jour, plusieurs sépultures ont été découvertes et les fouilles ont mis en évidence de nombreuses peintures murales de grande qualité.
Le site
modifierLe site est entouré de fortifications protégeant l'église et vraisemblablement un petit monastère (des restes de bâtiments ont été découverts autour de l'église[4]), les moines devaient probablement gérer les masses de pèlerins qui affluaient vers l'église[5].
Il fut fréquemment envahi par les crues du Nil et recouvert de sable du désert, cet enfouissement explique la bonne conservation du site[6].
Banganarti est situé à proximité de l'ile fertile de Tanqasi, qui permettait de nourrir les moines et les très nombreux pèlerins[2].
Au centre de l'espace délimité par les fortifications se tient l'église, la première église fouillée fut l'église supérieure, les archéologues découvrirent ensuite que cette église avait été construite au dessus d'une autre église : l'église inférieure.
Église inférieure
modifierUne première église fut construite à la fin du VIe siècle, à la même époque que les fortifications. Elle est reconstruite au VIIe siècle, et était probablement dédiée à l'Archange Raphaël comme l'église supérieure, elle fut de nouveau reconstruite au IXe siècle. Cette 3ème version aurait pu être bâtie par le roi Zacharias, rendant grâce à Dieu pour le retour de son fils Georges de Bagdad[7]. Quatre colonnes supportaient son toit originellement en bois, il fut remplacé par des voutes en briques lors de sa reconstruction. Quelques éléments de la première église (VIIe siècle) furent retrouvés dans les fondations de l'église suivante, ces pierres révélèrent des peintures murales datant du VIIe siècle, Archanges et saints à cheval en constituaient les motifs principaux. Dans l'église du IXe siècle, les archéologues découvrirent des peintures de saints évêques, d'un archange, du protomartyr saint Étienne et un diptyque représentant à droite Moïse devant le Buisson ardent et à gauche, la descente aux Enfers (Anastasis) de Jésus Christ[8]. Sur le mur sud était décrite la scène où saint Sisinnios, à cheval, tue une femme possédée par le démon[9],[10]. Une peinture murale reproduisant l’icône Théotokos de Marie a été révélée sur ce même mur[11].
Les peintures murales font partie des découvertes les plus importantes faites à Banganarti. Quinze ont été révélées sur les murs de l'église inférieure, mais elles étaient dans un état bien pire que celles qui décoraient l'intérieur de l'église supérieure (Raphaëlion II)[12].
Église supérieure
modifierArchitecture
modifierCette église a probablement été construite vers 1070, au dessus de l'église inférieure[13]. Son plan est à peu près carré, elle mesure 23.5 m x 23 m, elle était couverte d'un dôme supporté par quatre piliers massifs flanqués chacun de deux colonnes engagées. L'espace central est exceptionnel, il est entouré de petites salles carrées ouvertes sur le centre. Sept chapelles ferment l'espace central à l'est, chacune d'entre elles possède une abside. L'édifice possède trois entrées et deux escaliers menant à la salle centrale et aux chapelles[14]. L'originalité de cette architecture et la qualité de sa construction font de cet édifice un chef d’œuvre de l'architecture et de l'art nubien[15],[16].
L'église supérieure est appelée Raphaëlion II, du nom de l'archange à laquelle elle est probablement dédiée, l'archange Raphaël. Le nombre «II» a été ajouté car l'église inférieure lui était probablement également dédiée.
Selon Wlodzimierz Godlewski, l'église de Banganarti aurait été détruite par le sultan mamelouk Baybars au XIIIe siècle (en représailles après l'attaque d'Aydhab et le pillage d'Assouan par les Nubiens, voir Makurie), elle aurait été reconstruite ensuite[17].
Peintures murales
modifierSur les 57 peintures murales conservées, 13 étaient des représentations d'un roi. Dans chacune des sept absides est figuré le roi protégé par un archange et entouré des douze apôtres[15],[18]. Dans deux de ces chapelles (chapelles II et III), le roi, déjà couronné, porte un orbe ainsi qu'une deuxième couronne dans sa main gauche et, dans sa main droite, un sceptre surmonté d'un Christ trônant et bénissant[19]. L'orbe est surmonté de la maquette d'une église. Aucun de ces symboles n'est présent dans les peintures byzantines, Magdalena Łaptaś y voit des influences égyptiennes et méroitiques[19].
Les fouilles ont révélé que du XIe au XIIIe siècle, le portrait du roi précédent était effacé et remplacé par son successeur, probablement à son décès[20]. D'autres espaces présentent des portraits de rois ou de dignitaires[1]. Quelques peintures à caractère liturgique sont dispersées dans l'ensemble du bâtiment : Jésus Christ et saint Thomas, un saint cavalier, une Vierge à l'enfant, saint Côme et saint Damien et plusieurs figures d'archanges[21].
Lieu de pèlerinage
modifierRaphaël est le protecteur du fidèle ; en référence au livre de Tobie, l'équipe des archéologues a émis l'hypothèse que le pèlerinage vers ce site aurait eu pour objet d'améliorer la santé des yeux des fidèles[22]. L'hypothèse de pèlerinage à but médical est renforcée par la présence de portraits de saint Côme et de saint Damien (peintures murales datées du XIe siècle), saints anargyres pratiquant tous deux la médecine[23].
L'église supérieure a été utilisée du milieu du XIe au milieu du XVIIIe siècle. C'était un centre de pèlerinage important, comme l'attestent près de 1000 graffiti laissés par les visiteurs sur les murs du Raphaelion[1],[24].
Graffiti
modifierIls sont écrits en grec, en ancien nubien ou en un mélange des deux. Les graffiti ne couvraient que les murs dépourvus de peinture. Lorsqu'un mur était rempli d'inscriptions, il était lavé et les pèlerins pouvaient de nouveau écrire dessus[21]. Deux à trois couches de plâtre recouvrent ainsi les murs. Seule la dernière couche est visible, elle daterait de la fin XIIIe et du début du XIVe siècles[24].
Les pèlerins écrivaient leur nom, parfois le nom de leur père et éventuellement une prière à l'archange Michel, à la Vierge Marie ou à l'archange Raphaël (Raphaël est invoqué en tant que sauveur des âmes), le Livre de Tobie est mentionné dans quelques textes (guérison de la cécité du père de Tobie). Elles mentionnent quelques rois de Nubie et d'autres personnalités, telle une reine mère, d'où leur importance historique. Le nom inscrit matérialise la présence du pèlerin auprès de l'archange Raphaël. Parfois les noms ne sont pas inscrits, mais les graffiti précisent que Dieu connaît le nom des pèlerins. Dans certaines inscriptions l'archange Raphaël est représenté par la lettre Φ flanquée de deux ailes[24].
Quelques graffiti sont figuratifs, ils représentent des animaux (dromadaires, antilopes, girafes, ânes, chevaux ...), une scène de chasse, un guerrier avec un bouclier, un pèlerin[24].
Parmi ces graffiti a même été retrouvée la trace d'un musulman (Ali) venu ici soigner sa vue[22],[24].
Au XIVe siècle, un voyageur nommé Beneseg venant du sud de la France ou du nord de l'Espagne traversa la Méditerranée, l’Égypte et une partie de la Nubie et atteint Banganarti où il laissa un graffiti en latin sur l'un des murs de l'église : "lorsque Beneseg vint pour rendre hommage à Raphaël"[25].
Les fortifications
modifierLes fortifications entourant le site sont les mieux préservées de toute la Nubie chrétienne. Elles forment un rectangle d'environ 120 m sur 90 m, les murailles font 4 m de haut[6].
Les premières fortifications sont construites en briques au VIIe siècle, de 2 m d'épaisseur, et de 3 m de haut, elles comportaient deux portes nord et sud et au moins une tour circulaire à chaque angle. Elles semblent avoir été construites après l'édification de l'église inférieure[6].
Elles sont reconstruites en briques, entre les XIe et XIIIe siècles, à l'époque où l'église supérieure est bâtie. Elles font alors 3 d'épaisseur. Une nouvelle porte est ajoutée à l'ouest, les tours d'angle sont renforcées, leur diamètre passe de 8 m à 10 m[6].
L'étude des fortifications médiévales, construites en grosses briques crues, ont permis de déceler les traces de deux incendies[26].
Selon Wlodzimierz Godlewski, l'église de Banganarti aurait été attaquée et détruite par le sultan mamelouk Baybars au XIIIe siècle (en représailles après l'attaque d'Aydhab et le pillage d'Assouan par les Nubiens, voir Makurie), elle aurait été reconstruite ensuite[17].
Références
modifier- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Banganarti » (voir la liste des auteurs).
- « Banganarti », pcma.uw.edu.pl (consulté le )
- Zurawski 2012, p. 6.
- Zurawski 2012, p. 12.
- Bogdan Zurawski, Aneta Cedro et Mariusz Drzewiecki 2017.
- Zurawski 2012, p. 3.
- Mariusz Drzewiecki 2017.
- Zurawski 2012, p. 45-46.
- Zurawski 2012, p. 56-58.
- Zurawski 2012, p. 55.
- Karel C. Innemée, Dobrochna Zielinska 2019, p. 128-129.
- Zurawski 2012, p. 61.
- Zurawski 2012.
- Zurawski 2012, p. 20.
- Zurawski 2012, p. 22.
- Magdalena Laptas 2008.
- Zurawski 2012, p. 10.
- Wlodzimierz Godlewski 2019, p. 489.
- Zurawski 2012, p. 9.
- Magdalena Łaptaś 2018.
- Dobrochna Zielinska 2014.
- Adam Lajtar 2003.
- Zurawski 2012, p. 21.
- Zurawski 2012, p. 24.
- Zurawski 2019.
- Jarrett A. Lobell 2012.
- Drzewiecki 2017.
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierBibliographie
modifier- (en) Mariusz Drzewiecki, « The medieval fortifications at Banganarti after the 2016 season », Polish Archaeology in the Mediterranean, no 26(1), , p. 301–309 (ISSN 1234-5415, DOI 10.5604/01.3001.0012.1790)
- (en) Wlodzimierz Godlewski, « The ‘last’ king of Makuria (Dotawo) », Polish Archaeology in the Mediterranean, no 28(2), , p. 479-492 (ISSN 1234-5415, DOI 10.31338/uw.2083-537X.pam28.2.26)
- (en) Karel C. Innemée, Dobrochna Zielinska, « Faces of Evil in Nubian Wall-Painting – An Overview », Études et travaux, Institut des Cultures Méditerranéennes et Orientale de l'Académie Polonaise des Sciences, , p. 121-144 (lire en ligne)
- (en) Adam Lajtar, « Wall Inscriptions in the Banganarti Churches. A General Note after Three Seasons of Work », The Journal of Juristic Papyrology, no 33, , p. 137-160 (ISSN 0075-4277, lire en ligne)
- (en) Magdalena Laptas, « St Andrew the Apostle in the Murals of the Upper Church in Banganarti », Études et travaux, Centre d'Archéologie Méditerranéenne de l' Académie Polonaise des Sciences, vol. XXII, , p. 101-114 (lire en ligne)
- (en) Magdalena Łaptaś, « Transformations of Royal Images. Some Comments on the Regalia from Banganarti », dans Across the Mediterranean – Along the Nile, vol. 2, Budapest, Institute of Archaeology, Research Centre for the Humanities, Hungarian Academy of Sciences and Museum of Fine Arts, , 975 p. (ISBN 978-615-5766-17-6, lire en ligne)
- (en) Jarrett A. Lobell, « Pilgrimage to Sudan », Archaeology, Archaeological Institute of America, vol. 65, no 6, , p. 48-52 (www.jstor.org/stable/41804609)
- (en) Dobrochna Zielinska, The fourth cataract and beyond - Proceedings of the 12th International Conference for Nubian Studies, Leuven - Paris, British Museum Publications on Egypt and Sudan, , 1189 p. (lire en ligne), « The Iconography of Power – The Power of Iconography: The Nubian Royal Ideology and Its Expression in Wall Painting », p. 943-949
- (en) Bogdan Zurawski, « DONGOLA REACH : The Southern Dongola reach survey project 2002 », Polish Archaeology in the Mediterranean, no 14, , p. 237-252 (ISSN 1234-5415, lire en ligne)
- (en) Bogdan Zurawski, « The Anastasis Scene from the Lower Church III at Banganarti (Upper Nubia) », Études et travaux, Centre d'Archéologie Méditerranéenne de l' Académie Polonaise des Sciences, vol. XXI, , p. 161-182 (lire en ligne)
- (en) Bogdan Zurawski, St. Raphael Church I at Banganarti : mid-sixth to mid-eleventh century : an introduction to the site and the epoch, vol. 10, Cracovie (Pologne), Archeobooks, coll. « African reports », , 437 p.
- (en) Bogdan Zurawski, Banganarti on the Nile. An archaeological guide, Varsovie, , 77 p. (lire en ligne)
- (en) Bogdan Żurawski, Kings and Pilgrims. St Raphael church II at Banganarti, Mid-eleventh to mid- eighteenth century, Varsovie, IKŚiO PAN & Wydawnictwo NERITON, coll. « African reports », , 374 p. (ISBN 978-83-7543-371-5, ISSN 1731-6146)
- (en) Bogdan Zurawski, Aneta Cedro et Mariusz Drzewiecki, « Fieldwork in 2015/2016 in the Southern Dongola Reach and the Third Cataract Region », Polish Archaeology in the Mediterranean, no 26(1), , p. 269–288 (ISSN 1234-5415, DOI 10.5604/01.3001.0012.1785)
- (en) Bogdan Żurawski, Kings and Pilgrims. St Raphael church II at Banganarti, Mid-eleventh to mid- eighteenth century, Varsovie, IKŚiO PAN & Wydawnictwo NERITON, coll. « African reports », , 374 p. (ISBN 978-83-7543-371-5, ISSN 1731-6146)
- (en) Bogdan Zurawski, « Discourses with the Holy: Text and Image Graffiti from the Pilgrimage Churches of Saint Raphael the Archangel in Banganarti, Sudan », dans Graffiti as devotion, University of Michigan, (ISBN 978-0-9906623-9-6, lire en ligne).