Argot homosexuel
L'argot homosexuel est un registre de langue ou un sociolecte utilisé ou connu par certaines personnes homosexuelles. Sa formation et son utilisation dépendent entre autres de la langue principale de ses locuteurs, ainsi que du statut des communautés LGBT dans la région concernée.
Origine
modifierL'argot naît quand une fraction de la population crée un code de communication qui lui est propre, par distanciation avec le reste de la société, pour maintenir sa différence ou plus vraisemblablement par crainte de persécution ou de représailles, du fait même de son existence[1]. L'utilisation de l'argot, associé aux codes de conduite du groupe, peut servir de signe de reconnaissance, renforce le sentiment d'appartenance de l'individu au groupe et lui permet de construire et d'affirmer son individualité[2],[3],[4].
Construction
modifierLes argots homosexuels peuvent être basés sur l'argot traditionnel, avec des ajouts de termes régionaux ou plus récemment l'influence politique anglo-saxonne et de l’anglais, certains mots issus du jargon militant ou de pratiques sociales pouvant être directement repris[5].
Dans certains cas, l’origine des termes employés est plus particulière, par exemple les nombreux termes en Gayle étant en fait des prénoms féminins dotés d’une nouvelle signification[6].
Étude
modifierCes argots font l’objet de travaux linguistiques, dont les premiers remontent aux années 1950 ; jusque dans les années 1990, il s’agit surtout de lexiques ou de discussions sur l’usage de certains termes, avant que les recherches prennent en compte les liens entre langages et communautés[7]. Depuis avril 1993 se tient la conférence Lavender Languages & Linguistics, consacrée à la recherche linguistique sur les communautés LGBT[8].
Dans le monde
modifierAfrique du Sud
modifierEn Afrique du Sud coexistent deux argots : l’isiNgqumo, basé sur le zoulou et parlé par les hommes homosexuels d’expression bantoue[9] ; et le Gayle, tiré de l’anglais et de l’afrikaans[6].
États-Unis
modifierL’argot américain illustre notamment le « retournement » des insultes homophobes, récupérées par les communautés gay comme marques de fierté ou d’identification, comme les mots dyke, queer ou queen[4]. Il emprunte aussi à d’autres argots du monde du spectacle, de la drogue ou des prisons[4]. Des linguistes comme William L. Leap distinguent des spécificités de cet argot au niveau du phrasé et de la diction, ainsi qu’une tendance à l’exagération ; ils notent également des particularités dans l’argot gay utilisé par les afro-américains, qui incorpore aussi des attributs issus de la culture noire américaine[10].
Royaume-Uni
modifierLe Polari était utilisé, surtout à Londres, à partir de l’époque victorienne[3] ; en déclin depuis la dépénalisation de l’homosexualité en 1967[11], cette langue formée d’un mélange d’italien, de yiddish ou de verlan est considérée comme « en danger »[12] et fait l’objet de programmes d’études et de sauvegarde depuis les années 2000[13].
Bibliographie
modifier- (en) Paul Baker, Fantabulosa, a dictionary of Polari and gay slang, Londres, Continuum, , 242 p. (ISBN 978-0-8264-5961-9, BNF 39224443)
- Bruce Rodgers, The Queens' Vernacular : a gay lexicon, Straight Arrow Books, , 265 pages (ISBN 978-0-87932-026-3)
- (en) Livia, Anna. et Hall, Kira, 1962-, Queerly phrased : language, gender, and sexuality, Oxford University Press, , 460 p. (ISBN 978-1-60256-120-5, 9781602561205 et 9780195104707, OCLC 252561680, lire en ligne)
- (en) Leap, William., Word's out : gay men's English, University of Minnesota Press, (ISBN 978-0-8166-8507-3 et 081668507X, OCLC 614486166, lire en ligne)
Voir aussi
modifierNotes et références
modifier- Villon, François, 1431-1463. et Foddis-Boï, Piercarlo. (trad. du français), Ballades en argot homosexuel, Paris, Éditions Mille et une nuits, , 133 p. (ISBN 978-2-84205-192-1 et 9782842051921, OCLC 70157723, BNF 36196270, lire en ligne)
- GateTour, « L'Argot Gay », sur GateTour (consulté le )
- « Sacrilège! Une messe en argot gay! », sur 360°, (consulté le )
- Françoise Brousse, « Interactions entre l'argot homosexuel et la langue populaire: quelques exemples », Revue française d'études américaines, vol. 60 « La culture de masse aux États-Unis », , p. 125-134 (DOI 10.2307/20872421, lire en ligne)
- Hennig, Jean-Luc., Espadons, mignons & autres monstres : vocabulaire de l'homosexualité masculine sous l'Ancien régime, Paris, Cherche midi, , 516 p. (ISBN 978-2-7491-2865-8 et 274912865X, OCLC 868540441, BNF 43757571, lire en ligne)
- (en) « Gayle. A History and Dictionary of Gay Language in South Africa | IOL Entertainment », sur www.iol.co.za (consulté le )
- (en) Don Kulick, « Gay and Lesbian Language », Annual Review of Anthropology, vol. 29, no 1, , p. 243–285 (ISSN 0084-6570, DOI 10.1146/annurev.anthro.29.1.243, lire en ligne, consulté le )
- (en) « Lavender Languages & Linguistics 24 - The University of Nottingham », sur www.nottingham.ac.uk (consulté le )
- (en) Mduduzi Ntuli, « IsiNgqumo: Claiming public space through language in South Africa », sur www.ingentaconnect.com, summer, 2013 (DOI 10.18546/ret.31.3.07, consulté le )
- (en) William Leap et Tom Boellstorff, Speaking in Queer Tongues : Globalization and Gay Language, University of Illinois Press, , 288 p. (ISBN 978-0-252-07142-3, lire en ligne), p. 251
- « The secret language of polari - Merseyside Maritime Museum, Liverpool museums », sur www.liverpoolmuseums.org.uk (consulté le )
- « L’«argot gay» sur la liste des langues en danger », sur 360°, (consulté le )
- (en) Ella Morton, « The Forgotten Secret Language of Gay Men », sur Atlas Obscura, (consulté le )