Aquitains

ensemble de peuples protohistoriques et de l'Antiquité

Les Aquitains, parfois qualifiés de proto-basques[1],[2],[3],[4], sont un ensemble de peuples protohistoriques et antiques situés entre les Pyrénées occidentales, la rive gauche de la Garonne et l'océan Atlantique[5].

Aquitains
Image illustrative de l’article Aquitains
Répartition schématique de certains peuples aquitains (en noir).

Période Antiquité
Ethnie Peut-être vasconne selon Ptolémée
Langue(s) Aquitain
Religion Polythéisme
Villes principales Elimberrum (Auch)
Région d'origine Aquitaine, nord de l'Hispanie
Région actuelle Nouvelle-Aquitaine, Occitanie
Frontière Pyrénées au Sud, Garonne au Nord

Le géographe grec antique Strabon les distingue des Gaulois tant par leur type physique que par leur langue. Il les rapproche des Ibères. Si un lien avec l'Hispanie préromane est incontestable, leur langue est couramment distinguée de celle des Ibères[2], bien qu'il ne nous reste que quelques traces de l'ibère avec des mots concordants (l'argument principal étant qu'on ne saurait en dire plus) mais la piste est logiquement défendue, serait-ce en variété linguistique[6],[7].

L'antique région court jusqu'à l'Èbre espagnole, avec la tribu des Jacetani (qui sonnent comme « Aquitani » avec des variations phonologiques) autour de la ville de Jaca. La Jacétanie est toujours le nom d'une comarque espagnole.

En orange, les peuples supposés proto-basques.

Les témoignages de la langue des Aquitains sont principalement des inscriptions sur des dalles funéraires romano-aquitaines, où figure ce qui semble être des noms de divinités ou de personnes. Ces noms s'avèrent analysables par le basque actuel. Cela a conduit de nombreux philologues et linguistes[8] à conclure que l'aquitain a été étroitement lié à une forme plus ancienne de la langue basque[9]. Joint à d'autres indices toponymiques, le fait que, au haut Moyen Âge (du IIIe au XIIe siècle), la région ait été connue sous le nom de Wasconia, toponyme qui a donné le nom de Gascogne, corrobore cette hypothèse[2]. Les thèses de Theo Vennemann vont même jusqu'à donner un grand rôle au basque, dans toutes les langues européennes. La thèse d'Arnaud Etchamendy sur la « pidginisation pastorale », va par exemple relier l'étymologie du latin corpus à celle du basque gor-putz (chair-souffle)[10]. Cette dernière hypothèse est fort peu vraisemblable. Le basque gorputz est un emprunt au latin avec sonorisation régulière de la consonne initiale comme dans le cas du latin cruce(m) "croix" qui donne en basque gurutze ou cella "pièce, cellule" qui donne en basque gela.

Présentation

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Selon le géographe grec Strabon, les Aquitains « diffèrent des peuples celtiques tant par leur constitution physique que par la langue qu'ils parlent, et ressemblent davantage aux Ibères ». Il ajoute qu'« on compte plus de vingt peuples aquitains, tous faibles et obscurs[11] ».

Les Aquitains vivaient de l'élevage de brebis, de vaches et de chevaux. Ils pratiquaient l'agriculture depuis le néolithique. Ceux qui habitaient les vallées pyrénéennes pratiquaient la transhumance à travers la péninsule ibérique, ceux de l'intérieur de la Gascogne vivaient de l'agriculture du blé. On sait qu'ils connaissaient la fabrication du fer et le travail de l'or et de l'argent (les Tarbelli de Chalosse).

Probablement peu belliqueux, ils ne formaient pas une unité politique avant l'arrivée des Romains, ce qui facilita la victoire de ces derniers, soit par influence ou menace militaire, soit en écrasant les tribus qui résistèrent. Jules César[12] remarque qu'ils s'apparentaient plus à des Ibères qu'à des Gaulois.

Ayant une « indépendance relative[13] », par-delà les Romains, cette volonté d'autonomie se manifestera par la suite avec les Wisigoths et les Francs[14] avec la création sous tutelle de la Novempopulanie puis du duché de Vasconie ou en association avec les Vascons avec la Vasconie.

On a souvent écarté l'affiliation aux Ibères au milieu du XXe siècle, après les travaux de Bosch-Gimpera[15] en 1925, puis de Caro Baroja[16], confirmés par Gerhard Bähr[17],[2]. Selon de nombreux linguistes, leur langue, l'aquitain, est apparentée à celle des Vascons, ancêtres des Gascons et des Basques comme une partie des autres peuples Aquitains. Depuis ces dernières décennies, l'hypothèse basco-ibère est reprise sérieusement[6],[7].

Aquitains et langue basque

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Selon Francisco Villar Liébana, la langue basque a commencé à se diffuser depuis l'Aquitaine en direction du Pays basque actuel seulement à partir de l'époque de la République romaine et dans les siècles suivants, notamment du Ve au VIe siècle. Ainsi après avoir rappelé la quasi absence au IIIe siècle av. J.-C., sur les territoires de l'actuel Pays basque de noms basques que ce soit pour l'hydronymie, la toponymie ou l'anthroponymie, il souligne qu'à la même époque, il existait en Aquitaine une abondante anhtroponymie vasconique[18].

Pour lui, cet ensemble de faits est compatible avec les hypothèses qui postulent une infiltration tardive de population venant d'Aquitaine en direction du Pays basque. L'absence presque complète d'anciens noms de lieux d'étymologie vasconique serait ainsi expliquée : les locuteurs vasconiques, récemment arrivés et encore peu nombreux, n'auraient pas eu la possibilité de modifier en profondeur l'héritage toponymique avant leur arrivée[18]. Les bascophones n'ont commencé à pénétrer dans la péninsule ibérique de l'autre côté des Pyrénées qu'à partir de l'époque de la Rome républicaine, puis ont intensifié leur présence au cours des siècles suivants[18].

Villar fait observer que les hydronymes de l'Aquitaine sont également connus dans d'autres régions d’Europe et sont facilement compatibles avec des étymologies indo-européennes (Argantia, Aturis, Tarnes, Sigmanos) ; et parmi les noms de lieux, beaucoup sont aussi compatibles avec des étymologies indo-européennes non gauloises ou pas nécessairement gauloises (Curianum, Aquitaine, Burdigala, Cadurci, Auscii, Eluii, Rutani, Cala- (gorris), Latusates, Cossion, Sicor, Oscide, Vesuna, etc.). En revanche, il n'y a pratiquement pas de noms, ni de série de noms, pouvant raisonnablement être expliqués par une étymologie proto-basque (Anderedon pourrait en être une)[18].

Pour cette raison, il conclut que l'onomastique de l’Aquitaine n'est pas compatible avec la possibilité que le proto-basque y soit « l’élément primordial ». Au contraire, cela est davantage compatible avec l'hypothèse que les locuteurs de cette langue sont également arrivés tardivement en Aquitaine, alors que l'hydro-toponymie était déjà établie. Ils devaient « vasconiser » tout ou partie de la population précédente, qui a commencé à utiliser dans une large mesure l'anthroponymie vasconique. Mais la toponymie précédente est restée et le processus de vasconisation a probablement été bientôt interrompu par la celticisation puis par la romanisation[18].

Les ethnonymes ci-dessous, notamment en -ate, ont été évalués comme étant ligures.

Néanmoins l’aire culturelle des ligures, désignée largement sur la base des écrits des grecs de l’antiquité, premiers à écrire sur la partie sud de la France, est réduite maintenant par les historiens à une zone géographique qui va du Var au Pô, ce qui ne permet plus de déterminer que les langues ligures aient été la base de ces noms de lieux.

Peuples principaux

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Notes et références

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  1. Maïté Lafourcade, La frontière des origines à nos jours: actes des journées de la Société internationale d'histoire du droit tenues à Bayonne, les 15, 16, 17 mai 1997, Presses universitaires de Bordeaux, 1998, 519 p., (ISBN 2867812240), (ISBN 9782867812248)
  2. a b c et d Gerhard Rohlfs, Le Gascon : Études de philologie pyrénéenne, Tübingen; Pau, Verlag Max Niemeyer ; Marrimpouey Jeune, coll. « Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie », , 2e éd. (1re éd. 1935), 252 p. (ISBN 9783484520257 et 3484520256, OCLC 3345494, lire en ligne)..
  3. Notre langue, nos racines, Clàudia Labandés, Per Noste, 2010, 39 pages.
  4. Ce dernier terme est moins utilisé afin d’éviter tout amalgame entre les populations protohistoriques et les Basques d'aujourd'hui (cf. Marie-Véronique Bilbao et F. Tassaux (direction), Pratiques funéraires au premier âge de fer : Analyse comparative de part et d'autre des Pyrénées (travail d'étude et de recherche en vue de l'obtention d'un master 2 d'archéologie), université Michel de Montaigne : UFR histoire, (lire en ligne)).
  5. Correspondant approximativement à la Gascogne et au Pays basque français.
  6. a et b Alexis Magnaval, « La main d’Irulegi, découverte archéologique majeure sur la langue basque », sur France Culture, (consulté le )
  7. a et b Hector Iglesias, « L’inscription ibérique de San Miguel de Liria et le basco-ibérisme en général », Fontes Linguae Vasconum,‎ (DOI 10.35462/flv83.1, lire en ligne, consulté le )
  8. Cette opinion avancée pour la première fois par Luchaire (1877), défendue plus tard par Schuchardt (1923) et Meyer-Lübke (1924) ou Koldo Mitxelena
  9. (en) Robert Lawrence "Larry" Trask, The history of Basque, London, New York, Routledge, , 458 p. (ISBN 0415131162 et 9782908132014, OCLC 34514667, lire en ligne)
  10. « L'ORIGINE DE LA LANGUE BASQUE, Arnaud Etchamendy, Dominique Davant, Fina Davant, Roger Courtois - livre, ebook, epub », sur www.editions-harmattan.fr (consulté le )
  11. Strabon, Géographie, L. IV, chap. 2 : « De l'Aquitaine à la vallée du Rhône », 1.
  12. a b c d e f g h i et j Jules César (trad. Désiré Nisard), Commentaires sur la Guerre des Gaules : Commentarii de Bello Gallico, vol. 3, Paris, Didot, (lire sur Wikisource) :

    « Au bruit de cette victoire la plus grande partie de l'Aquitanie se rendit à Crassus, et envoya d'elle-même des otages. De ce nombre furent les Tarbelles, les Bigerrions, les Ptianii, les Vocates, les Tarusates, les Elusates, les Gates, les Ausques, les Garunni, les Sibuzates, et les Cocosates. »

  13. (es) Luis Núñez Astrain, El euskera arcaico : extensión y parentescos, Tafalla, Txalaparta, , 390 p. (ISBN 8481363006 et 9788481363005, OCLC 54773940, lire en ligne)
  14. Pierre Narbaitz, Le Matin basque ou Histoire ancienne du peuple vascon, Paris, Librairie Guénégaud SA, , 519 p. (OCLC 1974692, BNF 34575140), p. 40
  15. La Prehistoria de los Iberos y la Etnologia Vasca, RJEB, t. XVI, 1925.
  16. Observaciones sobre la hipótesis del vascoiberismo considerada desde el punto de vista Histórico, 1942,
  17. Baskisch und Iberisch, Volume 2 de Linguistica vasca : folletos, Darracq, 1948, 119 pages.
  18. a b c d et e (es) Francisco Villar Liébana, Indoeuropeos, iberos, vascos y sus parientes. Estra tigrafía y cronología de las poblaciones prehistóricas, Ediciones Universidad de Salamanca, Salamanca 2014, 366 pp.
  19. L'hypothèse la plus reçue jusqu'à présent est celle selon laquelle l'adjonction du suffixe -(k)ara (« forme de ») au verbe enautsi aurait donné le mot enauskara (« façon de dire », « façon de parler ») bien qu'il n'existe aucune preuve de la chute du -n- intervocalique.
  20. a b c d e f g h i j k l m n o p q r et s Pline l'Ancien, Histoire naturelle (Naturalis Historia) : livre 4, [108]. Aquitani, unde nomen provinciae, Sediboviates. mox in oppidum contributi Convenae, Bigerri, Tarbelli Quattrosignani, Cocosates Sexsignani, Venami, Onobrisates, Belendi, saltus Pyrenaeus infraque Monesi, Oscidates Montani, Sybillates, Camponi, Bercorcates, Pinpedunni, Lassunni, Vellates, Toruates, Consoranni, Ausci, Elusates, Sottiates, Oscidates Campestres, Succasses, Latusates, Basaboiates, Vassei, Sennates, Cambolectri Agessinates (lire sur Wikisource)
  21. a b c d e f g h i j k et l Manex Goyhenetche, Histoire générale du Pays basque : Préhistoire-Époque Romaine-Moyen-Âge, t. 1, Donostia / Bayonne, Elkarlanean, , 492 p. (ISBN 2913156207 et 8483314010, OCLC 41254536), p. 53-59
  22. a b et c Jean-Joseph Expilly, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, 1762-1770, Éd. de Paris, Desaint et Saillant, 1762-1770, 6 volumes in-folio ; ouvrage inachevé (il va jusqu'à la lettre S). (ISBN 3-262-00045-0). T.6
  23. qui signifie « cinq places fortes » en gaulois.
  24. Certains les imaginent en Catalogne (Val d'Aran), dans la haute vallée de la Garonne (Selon Raymond Lizop, d'autres les imaginent sur rive gauche de la Gironde plus généralement peuplé des Vasates
  25. Jean-Louis Davant (préf. Lorea Uribe Etxebarria), Histoire du peuple basque, Bayonne; Donostia, Elkar argitaletxea, coll. « Collection Histoire », , 11e éd. (1re éd. 1970), 352 p. (ISBN 9788497835480 et 8497835484, OCLC 49422842)
  26. Ausone, Epistulae 25.
  27. Isidore de Séville y ajoute cette peuplade dont le nom était inconnu avant lui
  28. Paul Raymond, Dictionnaire topographique du département des Basses-Pyrénées, 1863.
  29. Alexandre Ducourneau, La Guienne historique et monumentale,Coudert, 1842, p.25
  30. Sontiates chez Jules César et Sottiates chez Pline l'Ancien.
  31. a et b Charles-Louis-Napoléon Bonaparte, Histoire de Jules César, t. 2, Paris, Plon, (lire sur Wikisource) :

    « Les armes et les otages reçus, Crassus partit pour le pays des Vasates et des Tarusates. Mais les barbares, loin de se décourager de la chute si prompte d’un oppidum fortifié par la nature et par l’art, se liguent entre eux, lèvent des troupes et demandent aux peuples de l’Espagne citérieure limitrophe de l’Aquitaine, des secours et des chefs. »

  32. Dictionnaire archéologique de la Gaule: époque celtique, Volume 1, Imprimerie nationale, 1875.

Voir aussi

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Articles connexes

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Liens externes

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