Anomocephalus
Anomocephalus africanus
Règne | Animalia |
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Embranchement | Chordata |
Sous-embr. | Vertebrata |
Super-classe | Tetrapoda |
Clade | Amniota |
Classe | Synapsida |
Ordre | Therapsida |
Sous-ordre | † Anomodontia |
Clade | † Anomocephaloidea |
Anomocephalus est un genre éteint de thérapsides anomodontes ayant vécu à la fin du Permien moyen, dans ce qui est aujourd’hui l’Afrique du Sud. Son unique espèce, Anomocephalus africanus, fut nommée en 1999 par Sean Modesto, Bruce Rubidge et Johan Welman[1]. Elle n’est connue que par un unique spécimen représenté par la moitié droite incomplète d’un crâne, associé à quelques os post-crâniens mal conservés et désarticulés. Seul le crâne a fait l’objet d’une description. Anomocephalus est caractérisé par sa denture composée de nombreuses incisives et d’une batterie de dents molariformes présentes à la fois sur le palais et l’os dentaire de la mandibule. Ces dents molariformes formaient une surface de broyage efficace suggérant un régime alimentaire végétarien basé sur des plantes à haute teneur en fibres[2]. Les analyses cladistiques ont montré qu’Anomocephalus est étroitement apparenté au genre Tiarajudens, trouvé dans des roches de même âge au Brésil, avec lequel il partage la présence d’une batterie dentaire capable d’occlusion. Ces deux genres forment un clade de grands anomodontes basaux aux proportions robustes, les Anomocephaloidea, qui aurait rayonné dans le sud de la Pangée il y a plus de 260 millions d’années[3],[2].
Étymologie
modifierAnomocephalus est formé à partir des mots grecs anomos, « sans loi », et cephalus, « la tête ». Le premier fait référence aux Anomodontia, le clade de thérapside auquel appartient l’animal, le second est un suffixe couramment utilisé dans les noms de genre de thérapsides. L'épithète spécifique africanus est du Latin et signifie « appartenant à l'Afrique »[1].
Répartition géographique et stratigraphique
modifierL’holotype d’Anomocephalus fut découvert dans le Bassin du Karoo en Afrique du Sud, près de la ville de Williston dans la province du Cap du Nord[1]. Il provient de la partie moyenne de la Formation Abrahamskraal, qui est datée du Guadalupien (= Permien moyen). Biostratigraphiquement, cette formation est subdivisée en deux zones faunique : la Zone d’Assemblage à Eodicynodon, qui est la plus ancienne avec un âge présumé Wordien, et la Zone d’Assemblage à Tapinocephalus, dont la partie inférieure a livré le seul spécimen connu d’Anomocephalus[2]. Des datations radiométriques ont d’abord données un âge plus ancien que 261 millions d’années pour la partie supérieure de cette biozone[4]. Une datation recalibrée plus tard à 260 millions d’années, ce qui permet de corréler la zone à Tapinocephalus avec le début de l’étage géologique Capitanien[5].
Description
modifierCrâne
modifierLe crâne d’Anomocephalus est relativement grand pour un anomodonte basal avec une longueur de 21 cm. Il montre des caractères typiques d’anomodontes comme un museau court et une arcade zygomatique élevée. Le point le plus haut du crâne est située près de la marge antérieure de l'orbite. Il est moins haut devant et en arrière de l'orbite, ce qui donne au crâne un profil en dôme. Les orbites, relativement grandes, sont légèrement plus longues que les fosses temporales, un caractère typique des anomodontes basaux chez qui ces deux ouvertures ont le plus souvent des dimensions assez proches (sauf chez Biseridens). Chez les anomodontes évolués, les dicynodontes, les fosses temporales deviennent beaucoup plus grandes que l’orbite. Sur la mâchoire inférieure, les marges antéro-dorsale du surangulaire et postéro-dorsale du dentaire s’élèvent pour former une éminence coronoïde[3],[2].
Denture
modifierLors de sa description initiale, Anomocephalus était caractérisé par la présence de grosses dents marginales en forme de cheville et aux facettes d'usures inclinées, et par la présence de seulement deux dents par prémaxillaire[1]. Plus récemment, une préparation plus poussée du crâne, associé à un examen par tomodensitométrie, a permis de clarifier les détails de la denture de l’animal. En effet, le nombre total de dents restait incertain en raison de leur fréquente désarticulation (plusieurs n’occupent plus leur emplacement naturel). De plus, le passage du crâne au scanner a révélé que plusieurs autres dents étaient masquées par de la gangue rocheuse. La denture d’Anomocephalus montre de nombreuses similitudes avec celle du Tiarajudens brésilien. Bien que le tracé du contact maxillaire-prémaxillaire soit incertain, les prémaxillaires semblent se prolonger plus loin postérieurement que ce qui était supposé auparavant. Ils portent cinq incisives, la dernière étant la plus petite, avec une couronne qui semble ovoïde en vue occlusale. Les incisives d’Anomocephalus ne sont pas en forme de feuilles comme chez Tiarajudens, mais ont des couronnes arrondies. D’après Cisneros et al., cette morphologie des incisives est probablement un artefact lié à l’usure très prononcée des dents chez l’unique spécimen connu de ce taxon. Il n’y a pas de canine en dents de sabre comme c’est le cas chez Tiarajudens, et la denture du maxillaire semble commencer par une dent minuscule en forme de stylo ou de crayon, qui n’est visible sur le fossile qu’en vue médiale. Cette dent est peut-être l’homologue de la minuscule précanine présente chez le taxon Sud-Américain. Cette dent semble être suivies de deux ou trois incisives supplémentaires de plus grandes tailles. Le dégagement plus poussé de la face médiale du crâne a permis de reconnaître la présence d’une batterie de dents molariformes sur le palais comme chez Tiarajudens. Comme chez ce dernier, les dents palatales sont portés par deux os (le ptérygoïde et l’épiptérygoïde), et sont implantées dans des alvéoles profondes. Six dents palatales sont visibles en vue médiale. En considérant les alvéoles vides et endommagées, on peut estimer à au moins dix leur nombre chez Anomocephalus[2].
Sur la mâchoire inférieure, le dentaire porte au moins cinq incisives. Les deux plus antérieures sont penchées vers l’avant, et de forme similaire aux incisives supérieures. Elles s’élargissent vers le haut et montrent des surfaces d’usures inclinées[1]. La face médiale du crâne, nouvellement préparée, permet de voir trois dents molariformes à l’arrière de la mandibule, conservées en occlusion serrée contre les dernières molariformes du palais. Ces dents molariformes supérieures et inférieures semblent avoir une morphologie similaire[2].
Plusieurs dents de substitution sont également présentes. Sept dents palatales appartenant à au moins deux vagues de remplacement ont été identifiées. Certaines ont été mises à jour lors de la préparation de la face médiale du crâne, la présence d’autres ayant été révélée par la tomodensitométrie. Une dent de remplacement est également observée sur le prémaxillaire et une autre sur le dentaire. Anomocephalus montre ainsi un taux de remplacement des dents particulièrement élevé, lié à une consommation de plantes abrasives[2].
Régime alimentaire
modifierLes incisives antérieures d’Anomocephalus possèdent des couronnes arrondies, et diffèrent ainsi des incisives en forme de feuilles du Tiarajudens. Cependant, Cisneros et al. considèrent que la morphologie des incisives d’Anomocephalus est simplement le résultat d’une usure très prononcée des couronnes chez ce spécimen. Étant donné les nombreuses ressemblances entre les deux taxons, il est probable que les incisives non usées d’Anomocephalus devaient avoir la même morphologie que celles du Tiarajudens, avec des couronnes lancéolées pourvues de dentelures grossières. Ces incisives servaient probablement à couper la végétation, laquelle était ensuite écrasée entre les batteries de dents molariformes du palais et de la mandibule. De plus, l'articulation cranio-mandibulaire d’Anomocephalus permettait un certain mouvement avant et arrière de la mâchoire inférieure (appelé propalinie) qui participait à broyer la matière végétale. Le propalinisme n’était toutefois pas aussi développé que celui reconnu chez Suminia et les dicynodontes, et était plutôt comparable à la propalinisation naissante proposée pour Ulemica. La possibilité d’une occlusion dentaire, associée à la fois à une forte usure et un taux élevé de remplacement des dents, suggère qu’Anomocephalus devait se nourrir de plantes particulièrement fibreuses[2].
Taxonomie
modifierEn 2015, Cisneros et al. ont publié un article dans lequel Tiarajudens est décrit en détail, et est comparé au genre Anomocephalus. Il ressort de cette étude que les deux genres sont très similaires et ne se distinguent que par la présence d’une paire de très grandes canines en dent de sabre chez Tiarajudens, et leur absence chez Anomocephalus. Cisneros et al. considèrent que cette différence pourrait être l’expression d’un dimorphisme sexuel au sein d’un même taxon (auquel cas le genre Anomocephalus aurait la priorité). Mais étant donné que les deux spécimens proviennent de deux bassins sédimentaires différents, Anomocephalus et Tiarajudens sont pour l’instant considérés comme deux taxons distincts, en attendant la découverte de nouveaux spécimens qui permettront peut être de résoudre cette question[2].
Phylogénie
modifierEn décrivant l’animal en 1999, Modesto et al. identifèrent Anomocephalus comme le plus basal des anomodontes. Ils conclurent ainsi que ce groupe d'herbivores était originaire de la partie Gondwanienne de la Pangée, et non de la Laurasie, comme cela avait été suggéré auparavant[1]. Toutefois, cette conclusion fut remise en cause en 2009 lors de la description d’un nouveau spécimen du genre Chinois Biseridens, qui a permis d’identifier ce taxon comme un anomodonte plus ancien et plus basal qu’Anomocephalus[6]. En 2011, Cisneros et al. ont décrit brièvement le genre Tiarajudens du Brésil, un anomodonte très similaire à Anomocephalus. Ces deux taxons furent alors réunis dans un nouveau clade nommé Anomocephaloidea. Ils représentent les anomodontes les plus basaux en dehors du Biseridens[3].
Ci-dessous, le cladogramme montrant la position phylogénétique d’Anomocephalus et des Anomocephaloidea [3]:
Therapsida |
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Références
modifier- (en) S. Modesto, B. Rubidge et J. Welman, « The most basal anomodont therapsid and the primacy of Gondwana in the evolution of the anomodonts », Proceedings of the Royal Society B 266, , p. 331-337 (DOI 10.1098/rspb.1999.0642)
- (en) J.C. Cisneros, F. Abdala, T. Jashashvili, A. Bueno et P. Dentzien-Dias, « Tiarajudens eccentricus and Anomocephalus africanus, two bizarre anomodonts (Synapsida, Therapsida) with dental occlusion from the Permian of Gondwana », Royal Society Open Science, vol. 2 (7): 150090, (DOI 10.1098/rsos.150090)
- (en) J.C. Cisneros, F. Abdala, B.S. Rubidge, P.C.D. Dias et A.O. Bueno, « Dental occlusion in a 260-million-year-old therapsid with saber canines from the Permian of Brazil », Science, vol. 331, , p. 1603-1605 (DOI 10.1126/science.1200305)
- (en) B.S. Rubidge, D. Erwin, J. Ramenazi, S.A. Browning et W.J. De Klerk, « High-precision temporal calibration of Late Permian vertebrate biostratigraphy: U-Pb zircon constrains from the Karoo Supergroup, South Africa », Geology, no 41(3), , p. 363-366 (DOI 10.1130/G33622.1)
- (en) M.O. Day, J. Ramenazi, S.A. Bowring, P.M. Sadler, D.H. Erwin, F. Abdala et B.S. Rubidge, « When and how did the terrestrial mid-Permian mass extinction occur? Evidence from the tetrapod record of the Karoo Basin, South Africa », Proceedings of the Royal Society B, no 282:20150834, (DOI 10.1098/rspb.2015.0834)
- (en) J. Liu, B. Rubidge et J. Li, « A new specimen of Biseridens qilianicus indicates its phylogenetic position as the most basal anomodont », Proceedings of the Royal Society B (2010) 277, , p. 285-292 (DOI 10.1098/rspb.2009.0883)