Acrophyseter
Acrophyseter est un genre fossile de cétacés ayant vécu durant le Miocène sur les côtes de l'actuel Pérou. Le genre est représenté par deux espèces : Acrophyseter deinodon et Acrophyseter robustus, décrites respectivement en 2006 et 2017 par la même équipe de paléontologues. Le genre fait partie d'un groupe de cachalots prédateurs qui partagent plusieurs caractéristiques nécessaires à la chasse de grosses proies, comme des dents épaisses et profondément enracinées. Acrophyseter a une taille estimée comprise entre 4 et 4,3 m de long, ce qui en fait le plus petit cachalot de ce type. En raison de son museau court et pointu et de ses robustes dents de devant incurvées, il se nourrissait probablement de grands vertébrés marins de son époque, comme les phoques et d'autres cétacés.
Règne | Animalia |
---|---|
Embranchement | Chordata |
Classe | Mammalia |
Ordre | Artiodactyla |
Infra-ordre | Cetacea |
Micro-ordre | Odontoceti |
Super-famille | Physeteroidea |
Famille | incertae sedis |
Espèces de rang inférieur
Découvertes et fossiles
modifierTous les fossiles connus d’Acrophyseter, incluant ceux des deux espèces décrites, ont été découverts et identifiés dans la formation de Pisco (en), dans le sud du Pérou[1]. L'espèce type, A. deinodon, a été décrite en 2008 à partir d'un crâne, catalogué MNHN SAS 1626, découvert dans la localité type de Sud-Sacaco[2]. Ce site est daté entre les étages Tortonien et Messinien du Miocène, soit il y a entre 8,5 et 6,7 millions d'années. Le spécimen représente un individu adulte et se compose d'un crâne et d'une mandibule avec la plupart des dents préservées[1].
En 2017, une autre espèce, A. robustus, a été décrite par les mêmes auteurs à partir d'un crâne, catalogué MUSM 1399, découvert cette fois-ci dans la localité de Cerro la Bruja. Cette localité est plus ancienne que Sud-Sacaco, datant entre les étages Serravallien et Tortonien du Miocène, soit il y a plus de 9,2 millions d'années. Puis un deuxième spécimen d’A. deinodon constitué d'un os pariétal droit, catalogué MNHM F-PPI 272, a été découvert dans la localité d'Aguada de Lomas. Les roches d'Aguada de Lomas sont plus jeunes que les deux localités mentionnées précédemment et le spécimen est daté de l'étage Messinien du Miocène, entre 6,9 et 6,7 millions d'années. Certains chercheurs ont exprimé des doutes quant à l'attribution de l'os pariétal à A. deinodon, suggérant qu'il proviendrait plutôt d’A. robustus[1].
Un troisième crâne d’Acrophyseter, catalogué MUSM 2182, a été découvert dans la localité de Cerro los Quesos, datant de la même époque que celui d'Aguada de Lomas. Cependant son attribution spécifique n'a pas été formellement établie[3], bien qu'il partage des similitudes avec le crâne holotype d’A. robustus[1].
Le nom générique est formé sur le grec ancien ᾰ̓́κρος / ákros, « aigu », en référence au court museau pointu et retourné de l'animal, et sur le latin physeter, en référence au grand cachalot actuel, duquel il est un proche parent. L'épithète spécifique deinodon vient du grec ancien δεινός / deinós, « terrible », et ὀδών / odṓn, « dent », en référence aux dents pointues et robustes du cétacé[2]. L'épithète spécifique de la seconde espèce vient du latin robustus et est nommé en référence à l'os épais constituant les bords du bassin supracrânien et de la base du rostre[1].
Description
modifierLa longueur corporelle d’Acrophyseter se situe entre 4 et 4,5 m[3]. A. deinodon est estimé de façon plus précise entre 4 et 4,3 m en utilisant la distance entre les os zygomatiques rapportée aux dimensions correspondantes de Zygophyseter. Cette longueur relativement faible en fait le plus petit des cachalots macroprédateurs[1].
Contrairement au grand cachalot actuel, A. deinodon possède des dents à la fois sur ses mâchoires supérieure et inférieure. Les dents sont robustes et profondément enracinées, en particulier les dents de devant, avec des racines relativement épaisses par rapport à la fine couronne dentaire. Les dents de devant sont plus coniques que les dents du fond. Les dents inférieures de devant sont rapprochées et l'espace entre les dents augmente d'avant en arrière, suggérant qu'elles étaient utilisées pour découper les proies, contrairement aux cachalots modernes qui se nourrissent par succion et qui n'ont pas de dents supérieures. Les dents de devant sont plus usées sur les côtés, tandis que les dents du bas sont plus usées au milieu. L'animal possède 12 dents dans la mâchoire supérieure et 13 dents dans la mandibule, recouvertes d'émail dentaire comme chez les autres cachalots macroprédateurs. Les prémaxillaires portent trois dents et les maxillaires en portent neuf. Contrairement aux autres cachalots, le sommet des prémaxillaires, près du vomer, ne montre pas de sillon profond. Les dernières dents du bas peuvent avoir touché le palais[2]. Des exostoses buccales (en), des excroissances osseuses qui peuvent s'être développées pour renforcer les dents, agissant comme des contreforts lors de la morsure, ont été découvertes le long des alvéoles dentaires. Les dents du fond présentent des exostoses buccales plus importantes car elles subissaient plus de pression lors de la morsure[3]. Le nombre de dents d’A. robustus est inconnu, mais il est vraisemblablement similaire, voire identique. Du cément s'ajoutait continuellement aux dents au cours de leur croissance, comme c'est le cas chez les orques actuelles[1].
Comme les autres cachalots, Acrophyseter possède un bassin profond situé au sommet de son crâne, connu sous le nom de bassin supracrânien, relié à la ligne nuchale située à l'arrière du crâne. Chez Acrophyseter, ce bassin surplombe l'orbite oculaire, mais ne s'étend pas jusqu'au museau, contrairement aux autres cachalots macroprédateurs. Contrairement aux espèces ultérieures de cachalots, Acrophyseter possède deux évents[2]. L'évent gauche est cinq fois plus grand que l'évent droit, mesurant respectivement 30 et 7,2 mm de diamètre[1]. Les fosses temporales sur les côtés du crâne sont aussi hautes que longues, contrairement à Zygophyseter et Brygmophyseter, ce qui déplace légèrement l'arcade sourcilière, qui descend selon un angle d'environ 55°. Les muscles masséters, qui servent à mâcher, étaient logés entre les dents et le processus condyloïde, qui relie la mâchoire au crâne. Les os zygomatiques sont fins, ce qui réduit les conduits auditifs. Le museau est court et, contrairement à celui des autres cachalots, présente une courbure concave[2].
Classification
modifierAcrophyseter, Brygmophyseter, Livyatan et Zygophyseter appartiennent à un groupe de cachalots macroprédateurs qui possèdent des adaptations pour chasser de grandes proies. Ils ont tous de grandes dents profondément enracinées et recouvertes d'émail dans les mâchoires supérieure et inférieure, contrairement au grand cachalot actuel qui manque d'émail et est dépourvu de dents dans la mâchoire supérieure[4]. Ces genres ont hérité ces adaptations d'un ancêtre semblable à un basilosauridé ou les ont développées indépendamment une ou deux fois au sein du groupe[1]. La sous-famille fossile des Hoplocetinae a été proposée pour héberger ce groupe, aux côtés des genres Scaldicetus, Diaphorocetus, Idiorophus et Hoplocetus (en). Cette sous-famille est toutefois possiblement paraphylétique, car elle ne comprendrait pas un dernier ancêtre commun et l'ensemble de ses descendants[5].
Ci-dessous, le cladogramme des Physeteroidea basée d'après Berta (2017)[6], lui-même reprise d'une étude de Lambert et al. (2017)[1] :
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Paléoécologie
modifierLe museau court et pointu, associé aux dents de devant robustes et incurvées, suggère qu’Acrophyseter ciblait de grosses proies et utilisait peut-être ses dents de derrière pour les découper. La localité Sud-Sacaco de la formation de Pisco (en) a livré plusieurs vertébrés marins dont certains pourraient avoir été la proie d’Acrophyseter : les cétacés Piscolithax et Piscobalaena (en), le phocidé Acrophoca, le manchot Spheniscus urbinai, le paresseux terrestre semi-aquatique Thalassocnus natans, le crocodilien Piscogavialis (en) et les requins Otodus megalodon et Cosmopolitodus hastalis. La localité de Cerro La Bruja inclut divers cétacés tels que les dauphins Brachydelphis (en) et Atocetus iquensis (en), le kentriodontidé Belonodelphis ainsi qu'une baleine à bec et une baleine à fanons, tout deux indéterminées. Les autres vertébrés de la localité incluent un phoque moine indeterminé, le manchot Spheniscus muizoni, les requins Otodus megalodon, Cosmopolitodus hastalis et une espèce du genre Carcharhinus[1],[2].
Notes et références
modifierNotes
modifierRéférences
modifier- (en) Olivier Lambert, Giovanni Bianucci et Christian de Muizon, « Macroraptorial Sperm Whales (Cetacea, Odontoceti, Physeteroidea) from the Miocene of Peru », Zoological Journal of the Linnean Society, vol. 179, , p. 404-474 (DOI 10.1111/zoj.12456, hdl 11568/814760 , S2CID 89113733, lire en ligne)
- (en + fr) Olivier Lambert, Giovanni Bianucci et Christian de Muizon, « Un nouveau cachalot basal (Cetacea, Odontoceti, Physeteroidea) du Miocène terminal du Pérou », Comptes Rendus Palevol, vol. 7, no 6, , p. 361-369 (DOI 10.1016/j.crpv.2008.06.002, Bibcode 2008CRPal...7..361L, S2CID 85723286, lire en ligne)
- (en) Olivier Lambert, Giovanni Bianucci et Brian L. Beatty, « Bony Outgrowths on the Jaws of an Extinct Sperm Whale Support Macroraptorial Feeding in Several Stem Physeteroids », Naturwissenschaften, vol. 101, no 6, , p. 517-521 (PMID 24821119, DOI 10.1007/s00114-014-1182-2, Bibcode 2014NW....101..517L, S2CID 14542690, lire en ligne)
- (en) Giovanni Bianucci et Walter Landini, « Killer sperm whale: a new basal physeteroid (Mammalia, Cetacea) from the Late Miocene of Italy », Zoological Journal of the Linnean Society, vol. 148, , p. 103-131 (DOI 10.1111/j.1096-3642.2006.00228.x , S2CID 84963861)
- (es) Antonio Toscano, Manuel Abad, Francisco Ruiz, Fernando Muñiz, Genaro Álvarez, Edith Xio-Mara García et José Antonio Caro, « Nuevos restos de Scaldicetus (Cetacea, Odontoceti, Physeteridae) del Mioceno superior, sector occidental de la Cuenca del Guadalquivir (sur de España) », Revista Mexicana de Ciencias Geológicas, vol. 30, no 2, , p. 436-445 (ISSN 2007-2902, lire en ligne)
- (en) Annalisa Berta, The Rise of Marine Mammals: 50 Million Years of Evolution, Baltimore, Johns Hopkins University Press, , 213 p. (ISBN 978-1-4214-2326-5, lire en ligne), p. 112–113
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifier
- Ressources relatives au vivant :