Accident ferroviaire d'Éséka
L’accident ferroviaire d’Éséka est un déraillement survenu le à 13 h 30, près de la gare d'Éséka sur la ligne de Douala à Yaoundé à Éséka au Cameroun. Le train avait été doublé (seize voitures au lieu de neuf habituellement). L'accident a fait 79 morts et 551 blessés.
Accident ferroviaire d'Éséka | ||||
Caractéristiques de l'accident | ||||
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Date | ||||
Type | Déraillement | |||
Site | Gare d'Éséka | |||
Coordonnées | 3° 38′ 38″ nord, 10° 46′ 19″ est | |||
Caractéristiques de l'appareil | ||||
Type d'appareil | Train voyageurs Intercity | |||
Compagnie | Camrail | |||
No d'identification | 152 | |||
Passagers | Entre 1 200 et 1 300 | |||
Morts | 79 | |||
Blessés | 551 | |||
Géolocalisation sur la carte : Cameroun
Géolocalisation sur la carte : région du Centre
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L'accident
modifierContexte
modifierLe trafic routier entre Yaoundé et Douala était coupé dans la matinée au niveau de Manyaï[1] dans la commune de Matomb sur la route nationale 3 en raison de la rupture d'un aqueduc. Cette route étant très fréquentée, de nombreuses personnes étaient à la recherche d'une alternative. C'est ainsi que la Camrail et que la Camair-Co ont été mobilisées.
La Camrail — société de Bolloré Transport & Logistics et concessionnaire de l'État du Cameroun pour le transport ferroviaire[2] — devant faire face au fort afflux de voyageurs, avait décidé d'ajouter huit voitures au train 152 reliant Yaoundé à Douala qui en comptait habituellement neuf, augmentant la capacité du train à entre 1 200 et 1 300 passagers[3].
Déroulement
modifierParti de Yaoundé à 11 h 15, le train 152 de la Camrail composé d'une locomotive tractant seize voitures et un fourgon à bagages, à destination de Douala (une partie du Transcamerounais) a déraillé à proximité de la gare d'Éséka : une quinzaine de voitures se sont renversées dont quatre ont basculé dans un ravin[3].
Secours
modifierLes quatre voitures dans le ravin retiennent les corps de voyageurs incarcérés, ce qui rend difficile la tâche du génie, la désincarcération devant respecter l'intégrité des corps.
Exceptionnellement, les hôpitaux ont soigné les victimes dès leur réception, alors qu'il faut normalement payer d'avance, même aux urgences[4],[5].
À l’hôpital de district d’Éséka, plus de cinq cents blessés ont été transportés avant d’être acheminés dans des hôpitaux de Douala et de Yaoundé, la pharmacie est vide. Des corps qui se trouvaient à la morgue ont été amenés à Yaoundé. Les soixante lits que compte l’hôpital sont en mauvais état, ainsi que les deux brancards[6].
Bilan humain
modifierUn bilan établi le faisait état d'au moins soixante dix-neuf morts et de cinq cent cinquante et un blessés[7],[8]. Ce bilan est considéré comme largement sous-estimé, d'autant que les autorités qui le donnent ont d’abord, tout simplement, nié l'accident lui-même[9].
La télévision nationale évoquait initialement un bilan d’au moins soixante morts et plus de six cents blessés, Reuters évoque pour sa part « au moins soixante quinze morts ». À Yaoundé, où les morts étaient transférés le lendemain de la catastrophe, « entre soixante et soixante dix corps » [avaient été reçus] à la gare, ainsi qu’une cinquantaine de blessés[10]. De nombreux blessés et corps ont également été transférés à Douala.
La liste des victimes et leur nationalité ne sont pas connues définitivement. La France est le seul pays étranger à déplorer la mort d'un de ses ressortissants dès le lendemain.
Causes
modifierPremières hypothèses
modifier- Certains passagers ont mis en cause la vitesse excessive du train[11]. Un responsable de l’entreprise Bolloré confirme que la vitesse du train était « anormalement élevée ». Éric Melet, président de Bolloré Africa Railways, précise que « des éléments [...] semblent montrer que le train en approche était à une vitesse de l'ordre de 80-90 km/h dans des zones où il aurait dû être à des vitesses beaucoup plus basses ». En effet, selon ce dirigeant, la vitesse est limitée à 40 ou 50 km/h dans les zones de ralentissement contre 80 à 90 km/h sur le reste du parcours[12].
- Des Camerounais s'exprimant sous couvert d'anonymat mettraient en cause la qualité du système de freinage du train[13]. Camrail assure que le système de freinage a été contrôlé. Le conducteur a cependant vu son bulletin d'ordres validé par la hiérarchie[14]
- L’ajout de nouvelles voitures pour augmenter la capacité du train a été rapidement pointé du doigt. Cependant, il apparaît que la Camrail y procède régulièrement ce qui semble donc l'écarter des causes probables[réf. nécessaire]. Deux types de voitures composaient la rame : des voitures récentes, achetées à une entreprise chinoise depuis moins de deux ans et d'autres datant des années 1980, en queue[15].
Enquêtes et responsabilités
modifierDes enquêtes judiciaire, administrative, et interne par Bolloré Africa[16] ont été ouvertes. Des doutes sont émis sur leur indépendance et sur l'obtention d'un résultat[17].
Le , les ministres Edgar Alain Mébé Ngo'o et Emmanuel Nganou Djoumessi ont été auditionnés par la Commission d’enquête du gouvernement que préside le Premier ministre, Philémon Yang. Cette commission a un délai de trente jours pour présenter les résultats de son enquête[18].
Le , un collectif de 28 personnes a déposé plainte devant le tribunal de grande instance d’Eseka contre Camrail et Bolloré Railways[19]. Le but de cette action collective est que les victimes puissent obtenir une indemnisation, après que la lumière aura été faite sur les causes de l'accident. Le groupe de plaignants envisage également un dépôt de plainte devant la juridiction administrative, au motif que c'est la coupure de la route nationale — sous la responsabilité de l'État — qui a suscité la forte augmentation de la capacité du train.
Un collectif d’avocats camerounais a aussi déposé une demande d’ouverture d’enquête judiciaire en France et estime que la justice française devrait se pencher sur la gestion au Cameroun de l’entreprise[Laquelle ?] par des ressortissants français, dont son directeur général Didier Vandenbon[20].
Un collectif d’avocats représentant des victimes de l’accident a signé une entente avec le cabinet britannique Harding Mitchell qui avait obtenu l'indemnisation de 4 000 personnes victimes des déchets toxiques du Probo Koala en Côte d'Ivoire[21],[22].
Le , les avocats du collectif des victimes déposent plainte contre Total, actionnaire de Camrail[23].
Le vendredi , deux nouvelles plaintes ont été déposées contre X par le Syndicat professionnel des conducteurs de train du Cameroun à Nanterre et Créteil[24].
Dans le reportage du [14] du correspondant de France 24 au Cameroun, Patrick Fandio et Zigoto Tchaya affirment - documents exclusifs à l'appui - que la commission d'enquête relève des défaillances graves du transporteur Camrail. Benoit Essiga, ex-conducteur et expert consulté par la commission parle d'un « choc violent ayant déchiqueté les wagons bondés »[14]. Le reportage produit une 'feuille de composition[14]', document de Camrail, enregistrant dix sept voitures pesant 675 tonnes, soit 25 tonnes de plus que le maximum - 650 tonnes - fixé par le transporteur dans son « instruction générale S7.0[14] » de procédures internes. Le conducteur a dû obtenir un « Bulletin d'ordre ou Avis N° 0111428[14] » signé le à 11h09 par sa hiérarchie pour quitter la gare en surcharge. Les huit voitures CSR de marque Nanjing Puzhen Co., Ltd[14], achetées en Chine en 2013 et, « d'après les calculs de l'expert, rajoutées à la hâte au convoi »[A 1], sont répertoriées dans les documents Camrail comme présentant un freinage déficient. L'expert conclut à un excès de vitesse dû à un défaut de freinage et à la perte de contrôle du train sur une section de la ligne qui présente une pente sur plus de 38 km - réputée dangereuse selon le reporter. La vitesse y est limitée à 40 km/h mais le train y roulait à 96 km/h. Le , avant le drame, une inspection interne à Camrail répertorie entre autres défauts (vitres fissurées, manque flexibles CF 1102) un « manque de freinage rhéostatique » sur la voiture 151 VE et une « usure complète des semelles de frein »[14].
Responsabilités publiques
modifierLe ministre des Transports affirme dans une interview que Camrail a décidé en interne d'augmenter la capacité des trains[25].
Responsabilités du concessionnaire
modifierSous le feu des critiques, la société Camrail, filiale de Bolloré Africa Railways, a assuré dans un communiqué « mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour prendre en charge les personnes blessées et assurer un soutien aux familles touchées par ce drame »[25].
Sur ordre des autorités, un train est affrété pour ramener à Yaoundé les blessés et les morts. Le concessionnaire offre de rembourser les tickets des voyageurs. Camrail et son assureur sont convenus de la mise à disposition d’un montant de 1,5 million de FCFA pour les frais funéraires par victime[26] et la prise en charge des frais d’obsèques[20].
Camrail affirme par ailleurs que « des enquêtes techniques sont menées pour déterminer les causes de cet effroyable accident et leurs conclusions, dès qu’elles seront connues, feront l’objet d’une communication »[10].
Le groupe a annoncé que le train roulait vite, mettant en cause le conducteur, placé en garde à vue, tandis que ses collègues estiment que c'est le freinage qui était défaillant[17].
Le DG et le PCA de Camrail remettent leur démission 8 mois après la catastrophe ferroviaire[27].
Responsabilités
modifierLe , la Présidence de la République du Cameroun rend public le rapport de la commission d’enquête créée le . Le transporteur de chemin de fer Camrail, filiale de Bolloré, est déclaré responsable de la catastrophe ferroviaire[28],[29].
Réactions
modifierUne stèle à la mémoire des victimes est mise en construction[30].
Officiels
modifierÀ la suite de cette tragédie, le président de la République, Paul Biya, qui se trouvait en Suisse depuis trente sept jours[17], rentre au Cameroun le .
Edgar Alain Mébé Ngo'o, ministre des Transports, et André Mama Fouda, ministre de la Santé, se sont rendus le jour même sur le lieu de l'accident[31].
Dans une interview, le ministre affirme que le déraillement s’est produit à 13 h, alors qu'il démentait une rumeur[32] affirmant, photos truquées à l'appui, qu'un déraillement s'était produit quelques heures avant. Il affirme qu'il est de la responsabilité des compagnies de transport d'avoir décidé d'augmenter le nombre de voitures et de voyageurs[33],[34],[2].
Les autorités assurent la prise en charge des soins aux accidentés.
Après la catastrophe d’Eséka, l’État camerounais obtient de Bolloré le partage des pouvoirs dans le top management de Camrail[35].
Journée de deuil national
modifierLe président a décrété une journée de deuil national le lundi [36].
Médias
modifierLes médias camerounais et internationaux couvrent largement et pendant plusieurs jours cet accident ainsi que la rupture d'une buse de drainage des eaux sous la Nationale N3 qui l'a précédé. De nombreux débats ont lieu dans les médias, interrogeant les processus d'attribution de concessions et les responsabilités de groupes comme Bolloré en Afrique[17]. Les réseaux sociaux - Facebook, Twitter, WhatsApp - devancent parfois l'information officielle.
Témoignages de victimes
modifierQuelques victimes et proches[37] publient des témoignages.
Notes et références
modifierNotes
modifier- Accusé d'avoir donné des instructions à la compagnie ferroviaire de transports, Edgar Alain Mébé Ngo'o, s'en est défendu sur les antennes d'une chaîne de télévision privée, Canal 2 International
Références
modifier- « Cameroun: la route est coupée sur l'axe Douala-Yaoundé », sur camerpost.com, (consulté le )
- « L’interview d’Edgar Alain Mebe Ngo'o », La Tribune, (lire en ligne, consulté le )
- Mathieu Olivier, « Cameroun : déraillement du train de voyageurs Yaoundé-Douala à Eseka », Jeune Afrique, .
- Cameroun : le déraillement d'un train fait au moins 55 morts et 600 blessés, dépêche Agence France-Presse, citant CRTV, la radio-télévision d'État (Cameroun), 22 octobre 2016
- Cameroun : la catastrophe ferroviaire a fait des dizaines de morts, Dépêches Agence France-Presse et Reuters, citées par Le Monde, 23 octobre 2016
- « Cameroun : à Eseka, la difficile extraction des corps des victimes de l’accident de train », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
- « Cameroun : 79 morts dans l'accident de train Yaoundé-Douala », sur Le Point, .
- (en) « At least 55 dead, hundreds injured in Cameroon train accident », sur theglobeandmail.com, .
- « Cameroun, Déraillement à Eseka: Voici la version recoupée de laccident :: CAMEROON - Camer.be », camer.be, (lire en ligne, consulté le )
- « Le Cameroun en deuil après la catastrophe ferroviaire d'Eseka - JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com, (lire en ligne, consulté le )
- « Cameroun: des familles de victimes en colère après la catastrophe ferroviaire - RFI », RFI Afrique, (consulté le )
- « Déraillement tragique : la vitesse en cause », sur 24heures.ch/, (consulté le )
- « Leur système de freinage n'est pas compatible avec celui que nous avons dans nos locomotives en service. », témoignage anonyme publié par Catastrophe ferroviaire au Cameroun: des «voitures chinoises» pas compatibles?, Anne Cantener, Radio France internationale, 28 octobre 2016
- « Vidéo : un mois après la catastrophe ferroviaire au Cameroun, les preuves des défaillances - France 24 », France 24, (lire en ligne, consulté le )
- « Catastrophe ferroviaire au Cameroun: le point sur les trois enquêtes en cours - RFI », RFI Afrique, (lire en ligne, consulté le )
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- « TV5MONDE : Catastrophe ferroviaire meurtrière au Cameroun ! », TV5MONDE, (lire en ligne, consulté le )
- (en-US) « Tragédie d’Eséka: Les Ministres Edgar Alain Mebe Ngo’o et Emmanuel Nganou Djoumessi auditionnés par la Commission d’enquête - Camernews », Camernews, (lire en ligne, consulté le )
- « Catastrophe ferroviaire au Cameroun : des familles de victimes ont déposé plainte contre Bolloré Railways - JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com, (lire en ligne, consulté le )
- « Catastrophe ferroviaire d'Eseka : Camrail s'engage à indemniser rapidement les victimes - JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com, (lire en ligne, consulté le )
- « Cameroun : le cabinet Harding Mitchell vient renforcer la défense des victimes de la catastrophe d'Eseka - JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com, (lire en ligne, consulté le )
- « Cameroun - Affaire Eseka : Camrail ne se presse pas - JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com, (lire en ligne, consulté le )
- « Catastrophe ferroviaire au Cameroun : une plainte a été déposée contre Total, actionnaire de Camrail - JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com, (lire en ligne, consulté le )
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- Investir au Cameroun Télécom, Banque, Energie, Com, Média, Droit, Assurances, Gestion publique, Tourisme, Economie, « Accident ferroviaire au Cameroun : Camrail promet 1,5 million de FCFA de frais funéraires pour chaque victime - Investir au Cameroun », Investir au Cameroun, (lire en ligne, consulté le )
- Sylvain Andzongo, « Le DG et le PCA de Camrail, filiale camerounaise de Bolloré, remettent leur démission 8 mois après la catastrophe ferroviaire - Investir au Cameroun », Investir au Cameroun, (lire en ligne, consulté le )
- Sylvain Andzongo, « Camrail, filiale de Bolloré, déclaré responsable de la catastrophe ferroviaire qui a fait au moins 79 morts en 2016 », sur Investir au Cameroun, (consulté le ).
- « Cameroun : Paul Biya reconnaît la responsabilité de Camrail dans la catastrophe ferroviaire d'Eseka - JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com, (lire en ligne, consulté le ).
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- « Cameroun, Dernières minutes : accident de train au niveau d'Eseka », sur camer.be.
- René Lionel Brice Molo Zogo, « De la rumeur à la déclaration officielle. Analyse de la rumeur et de la communication publique en situation de crise au Cameroun : le cas de la catastrophe d'Eseka », Analyse, , p. 114-145 (lire en ligne)
- Garvey1887, « Edgard Alain Mebe Ngo'o dément le déraillement de train à ESEKA », (consulté le )
- Garvey1887, « Les mensonges d’Edgard Alain Mebe Ngo'o », (consulté le )
- Brice R. Mbodiam, « Après la catastrophe d’Eséka, l’Etat camerounais obtient de Bolloré le partage des pouvoirs dans le top management de Camrail - Investir au Cameroun », Investir au Cameroun, (lire en ligne, consulté le )
- « Drame d’Eseka au Cameroun: après le recueillement, place à une certaine amertume - RFI », RFI Afrique, (lire en ligne, consulté le ).
- « Moi, Abdel, j’ai perdu ma mère dans la catastrophe ferroviaire d’Eseka au Cameroun - JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com, (lire en ligne, consulté le )